Noms de métiers
Quand ce n’était pas le pays d’origine ou le lieu d’habitation qui permettait de distinguer un Jean d’un autre Jean, sa situation sociale, actuelle ou ancienne, vraie, supposée ou usurpée, pouvait le faire : métier, titre, dignité ou autre. Là aussi, la langue dans laquelle le nom s’est formé donne en même temps une indication sur l’origine.
En pays arabe se sont formés les noms de Kettab, le liseur, le lettré, de Lascar, le soldat, (Lachkar, si l’on venait de chez les Beni Snous qui chuintaient).
L’hébreu a donné Cohen, qui indique que l’aïeul avait une fonction sacerdotale, Lévy, de lévite, adjoint au prêtre, sorte d’enfant de chœur.
En terre espagnole, c’est la veuve d’un forgeron (ou une femme de caractère bâtie comme un forgeron ?) qui a légué son nom de métier aux Herrera. Un arbalétrier, peut-être aussi adroit que le Suisse Guillaume Tell, est à l’origine des Ballester, sans doute catalans (ballestero en espagnol). Carretero était charron ou charretier Romero, le pèlerin était allé jusqu’à Saint-Jacques sinon à Jérusalem ; Pastor était berger. Quant à Del Rey, du temps du servage, il a pu, contrairement à ses voisins liés au château local, être attaché au domaine du roi, à moins qu’on ait là un sobriquet analogue aux Comte et Baron ci-après.
Alsacien ou Allemand, l’aïeul des Bader tenait un établissement de bains.
En France, dans le midi, Viguier avait été officier de justice, sorte de juge ; Venel était marchand, on ne sait de quoi mais Dornier, lui, était marchand de cruches. Fabre et Faure avaient été forgerons et Pélegrin, tout comme Romero, était allé en pèlerinage, sans doute à Saint-Jacques de Compostelle.
En France de langue d’oïl, Prost, comme Viguier, fut juge, prévôt. Fournier était boulanger, de même que Fourneau. Lemétayer exploitait une terre comme tenancier à mi-fruit et Manchon, fut probablement laboureur, tenant les manchons, les mancherons de sa charrue. Pour Fréret et Convert, on hésite. Ou bien un peu collègues en religion, le premier était un petit moine, le second un moine convers qui, dans le couvent exécutait les travaux manuels ce qui permettait aux autres moines, les vrais, de se consacrer à leurs devoirs religieux. Mais Fréret a pu être un sobriquet et Convert désigner un converti, anciennement juif ou mahométan. Restent les désignations « nobles », Comte, Baron, Chambelland, Vasserot. Il n’est pas exclu que l’ancêtre des Vasserot ait pu être un petit vasseur ou vavasseur, c’est-à-dire vassal de vassal, donc très petit seigneur de campagne pourvu de pouvoirs à peine supérieurs à ceux de Régis qui a pu régir, gouverner un domaine. Mais les noms de Baron et Comte sont probablement des sobriquets attribués au voisin qui en imposait ou cherchait à en imposer. Il peut en être de même pour Chambelland dont le nom a pu être attribué avec malice au valet de chambre du petit seigneur local car il va de soi que les barons, comtes et chambellands royaux portaient déjà leur propre nom, avec particule.
N.B. :
1 – Tous les noms cités dans cette rubrique sont ou ont été portés.
- Par des personnes ayant connu Turenne, qu’elles y aient longtemps habité ou résidé très temporairement.
- Par des personnes actuellement liées aux précédentes par le mariage ou l’amitié.
2 – J’ai ajouté pour ma documentation le « Dictionnaire étymologique des noms de famille » de Marie-Thérèse MORLET (Ed. Perrin, 1991) au Dauzat cité dans les noms de baptême. Il n’en reste pas moins que certaines explications doivent être acceptées avec prudence.
Guy Couvert
La Source Folle N° 15 – Mars 1992.