Les noms de baptême
Nous avons eu au village plusieurs exemples de la manière dont des noms de baptême ont pu autrefois se transmettre comme noms de famille. Nous ne disions pas les RODRIGUEZ, les NUCCI mais les FREDERICO, les COLOMBO en utilisant le prénom du père et grand-père que nous, enfants, appelions M. Frédérico, M. Colombo. De même Marcel HENRI n’est devenu pour nous RINGENBACH qu’au collège où on ignorait son « vrai » nom du village qui était le prénom de son père.
Les patronymes issus de noms de baptême étaient nombreux au village sans que les porteurs s’en doutent, souvent. Quelques-uns sont empruntés à la Bible, dans une forme francisée comme SALOMON (« paix » en hébreu), JEAN, JACQUOT (Petit Jacques), GABET (Petit Gabriel), ou dans une forme dialectale : JUEN. Le collectif espagnol PEREZ (les Pierre ? ou les enfants de Pierre ?) vient de Petros, traduction grecque de Khefa, « le Rocher », surnom araméen donné par Jésus à Simon, PARRIAUD peut être une forme régionale de « Petit Pierre ». MARIE (de l’hébreu Miriam sous l’influence probable du latin Marius) est un matronyme fixé par une aïeule. GARCIA, GRACIA sont certainement aussi des matronymes, l’aïeule ayant porté l’un des multiples qualificatifs espagnols de la Vierge.
Les saints chrétiens ont donné leur nom grec ou latin : BERTOMEU, forme catalane de Barthélémy (Bartholomaeus) ; BONNET (Bonittus, évêque de Provence au VI° s.), CONSTANT et sa forme populaire COUTANT (Constantius, « qui a de la constance », martyr du II° s.) ; GERVAIS (Gervasius, mort sous Dioclétien) ; GLAUDE (prononciation populaire de Claude, év. De Besançon au VI° s.) ; MARCOT (Petit Marc) et MARCOVICH (fils de Marc, en serbe), de Marcus, l’évangéliste ; les collectifs italo-corse MARTINI ou espagnol MARTINEZ (de Martinus, l’évangélisateur de la Gaule) ; MAURICE (Mauricius, dérivé de Maurus, « brun comme un maure », martyr au III° s.), NICAISE (Nicasius, du grec Niké « victoire ») ; SANCHEZ, collectif, de Sancho (Sanctus, « saint »), VALERO (Valerius, martyr du III° s.), VINCENT (Vincens, « vainqueur », martyr au IV° s.), VINCENSINI dans sa forme italienne, VICENTA, matronyme espagnol (c’est une aïeule qui a laissé son nom)
Vers le milieu du Moyen Age, la grande mode était de donner à son enfant un nom germanique comme aujourd’hui un nom de héros télévisé. La signification du nom est généralement oubliée : BEDOIN, forme régionale de Baudouin ? (Baid-Win, Audacieux/Ami) ; CAROL, forme régionale de Charles (Carl-, mâle) ; FERNANDEZ ou HERNANDEZ, collectif, de Fernando (Fardi-Nand, chemin/- ?) ; GEOFFROY (Gaut-Frîd, Divinité Gaut/paix) ; GIRARDI (Ger-Hard, Lance/Dure) ; IMBERT (Im-Berth, - ?/brillant) ; JOUBERT (Gouth-Berth, Dieu/Brillant), LAMBERT (Land-Berth, Pays/Brillant) ; RAYMOND (Ragin-Mund-, Conseil/Protection) ; RIGAILL, autrefois écrit Rigall, forme catalane de Rigaud (Ric-Wald, Roi/Gouverne) ; RODRIGUEZ, collectif de Rodrigo, (Hrod-Rîc, Gloire/Roi) ; ROSTAING et ROSTAGNI (Hrod-Stang, Gloire/Pique).
GIMENEZ, GOMEZ et LOPEZ sont certainement issus de noms de baptême (Cf. Chimène, Jimena, l’amante de Rodrigue ; Lope de Rueda, de Vega), mais je ne décèle pas leur origine. Loup, évêque de Troyes au temps d’Attila pour Lope peut-être.
Comme Marcovich, et peut-être les noms espagnols en … ez, les noms arabes (ou juifs algériens) indiquent souvent la filiation avec l’aïeul éponyme : BENABADJI, BENARROCHE, BENGUIGUI, BENICHOU, fils de Abadji, de Arroch, etc. ALAZARD pourrait être « (le fils) à Lazare », forme que l’on rencontre surtout dans l’ouest de la France.
Guy Couvert
N.B. : Bien qu’ayant souvent consulté « Les Noms de famille en France » de DAUZAT et MORLET (Librairie Guénégaud, Paris, 1977), je ne peux garantir l’exactitude de toutes ces explications de noms. Certaines ne sont que probables ou possibles.
La Source Folle N° 13 – Septembre 1991