Poèmes 1967-1994


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Moulins

Les souvenirs accrus et mes plaisirs perdus

Moulins

MOULINS.


1
Moulins, ville inconnue,
Du pied noir que j'étais,
Pourtant sans retenue,
Tu m'as vite adopté,
Tu m'as donné asile,
Le soir où j'arrivais,
Étranger dans ta ville
Tout comme en bourbonnais.
2
Suite à l'indépendance
De mon pays lointain,
Je débarquais en France
Du jour au lendemain.
Je venais d'Algérie,
Privés de tous mes biens,
Par vol ou avanies,
Dus aux mains de vauriens.
3
Je n'avais pour bagage
Qu'un tout petit panier
Et un oiseau en cage,
Maintenu prisonnier.
C'était là ma richesse,
C'était tout l'avoir,
Sauvé dans la détresse,
Sauvé par un pied noir.
4
Étant de la police
J'étais rapatrié,
Muté dans un service,
Au centre de l'allier.
Voilà comment sans doute,
Conduit par le destin,
J'étais cœur en déroute,
Dans ta cité " Moulins "
5
Dans tes rues endormies,
Par un soir de juillet,
J'errais, sans énergie
D'émigré dépouillé.
Et dans la nuit sans lune,
J'entendais quelque part,
Les heures une à une,
Sonnaient au jaquemart.
6
Et tel des coups de pioches,
Me pourfendant le cœur,
Chaque toc sur la cloche,
Ravivait ma douleur.
C'est après les violences,
Subies là bas chez nous,
La moindre résonance,
Mettait mes nerfs à bout.
7
Émus par ma misère,
Des gens des Moulinois,
Se sont faits volontaires,
Pour alléger ma croix,
Et de façon soudaine,
Sont venus jusqu'à moi,
En généreux mécènes,
Me proposer un toit,
8
Aussi par ce poème,
Moulins, je dis merci,
A tous ces gens que j'aime,
Comme de vrais amis.
Pour avoir su m'admettre,
Chez eux, comme un des leurs,
Afin de me permettre,
De stimuler ma peur.
9
Merci à ceux et celles,
Qui me voyant frileux,
M'ont couché sous leur aile
Pour me chauffer un peu.
Je penserais sans cesse,
Je penserais toujours,
A leur délicatesse
Pour me prêter concours.
10
J'adresse mes sincères
Remerciement aussi,
Au château de Vallières
Situé à Neuvy
Qui a sans me connaître,
Proposé de m'ouvrir,
Ses portes, ses fenêtres,
Pour mieux m'accueillir.
11
Enfin je tiens à dire,
Merci bien à tous ceux,
Qui ont su me sourire,
Quand j'étais malheureux.
A ceux combien modestes,
Qui ont avec amour,
Bien voulu faire un geste
Pour me porter secours.
12
Ils ont vu ma souffrance,
Reconnu mes malheurs,
Et fait de moi, je pense,
Ce Moulinois de cœur.
Qui pas une seconde,
N'oubliera c'est certain,
Où qu'il soit dans le monde,
Cet accueil à Moulins.


Moulins le 15 juin 1964.




Acrostiches à Moulins.


Moulins, belle ville inconnue,
O département de l'allier,
Un triste soir dans la cohue,
Là, j'arrivais rapatrié.
Implanté en jeune recrue,
N'ayant rien d'autre qu'un panier,
Sauvé de l'Algérie perdue.

Allier, Moulins, vous accueillez,
Les bras ouverts, les mains tendues,
Laissant vos cœurs s'apitoyer,
Intimement des ma venue,
Et deveniez mes deux alliés,
Réchauffant mes pauvres mains nues.

Merci, Moulins ville sereine,
Obstinément je pense à toi,
Ulcéré un jour par la gène,
Loin d'Algérie, portant ma croix,
Incréé par le mépris la haine,
Naïvement portée sur moi,
Sensible à la douleur humaine.

Allier tu m'offris un vrai toit,
Le toit où apaiser ma peine,
Là où j'abriter mon émoi.
Instantanément, cette aubaine,
Est devenue mon feu de bois,
Réchauffant mon cœur devenu Moulinois.


Moulins le 17 mars 1968.




C'était trop beau.


1
Moulins, après des jours bien noirs,
Loin de chez moi, loin d'Algérie,
J'avais repris un brin espoir,
Dans ta belle cité fleurie.
J'avais déjà cautérisé,
En partie mes graves blessures,
Je me croyais favorisé….
C'était trop beau, pour que çà dure !
2
Après cinq ans, je me souviens
De ce premier soir dans ta ville,
J'étais tout seul et sans soutien,
A la recherche d'un asile
Mais aussitôt, des Moulinois,
Prenant par à mon aventure,
M'offraient gracieusement un toit…
C'était trop beau, pour que çà dure.
3
Ayant perdu mon sol natal,
Moulins tu fus mon point d'attache,
Mais aussi, mon espoir vital,
Pour la poursuite de ma tâche.
Je commençais le lendemain,
Aux ordres de la préfecture,
Comme gardien au corps urbain….
C'était trop beau, pour que çà dure.
4
Et durant deux ans et demi,
Aux cours de mes nombreux services,
Je me suis fait beaucoup d'amis,
Tant en dehors, qu'à la police.
Je me sentais déjà heureux,
Et satisfait, je vous l'assure,
Par cet accueil si chaleureux ….
C'était top beau pour que çà dure.
5
Mais cette vie dura qu'un temps,
Jusqu'au soir fatal de décembre,
Soir où je fus à bout portant,
Blessé, rue du quatre septembre.
Voilà comment, sur un trottoir,
Prit fin par une nuit obscure,
Deux années et demi d'espoir…
Bien trop belles, pour qu'elles durent.
6
Maintenant, sous un numéro,
Avec un mal qui me succède,
Je parcours tous les hôpitaux,
A la recherche d'un remède.
D'un remède, pour apaiser,
L'inimaginable torture,
De mes membres paralysés….
Ce n'est pas beau, pourtant çà dure.


Moulins le 6 avril 1968.




Paradis et allégresse.


1
Après une pénible absence
Depuis bientôt trente longs mois,
Aujourd'hui même une ambulance
Me reconduit enfin chez moi.
2
Je vais revoir bientôt ma ville,
Je vais revoir dès ce matin,
Yzeure, ma cité tranquille,
Mais aussi sa rue des romains.
3
Je devrais dire mon village,
Puisque après tout c'est saint bonnet,
Le nom de ce joli bocage,
Situé dans le bourbonnais.
4
La route de Bourgogne y mène,
Sans la moindre difficulté,
De Moulins, ville riveraine,
Jusqu' au cœur de la cité.
5
C'est là, dans ce joli coin de France,
Que j'avais dès soixante deux,
Fait construire une résidence,
Pour y vivre des jours heureux.
6
C'est là, qu'est toute ma famille,
C'est là, que sont mes compagnons,
Ma femme mes garçons ma fille
C'est là, ma ville d'adoption.
7
Oui, c'était là, pour moi je pense,
Qui n'avait rien dans ce pays,
Toute ma vie, mon existence,
C'était un peu mon paradis.


Berck-plage le 15 avril 1967.




Tristesse d' un paradis.



1
J'ai retrouvé aujourd'hui même,
Mon épouse et mes trois enfants,
J'ai retrouvé tous ceux que j'aime,
Mais rien ne semble comme avant.
2
Oui, j'ai revu toutes ces choses,
Ma rue, ma maison, son jardin,
J'ai même cueilli quelques roses,
Mais rien n'apaise mon chagrin.
3
Entrer chez soi, je vous l'affirme,
Sera toujours réjouissant,
Mais hélas, moi je vous l'affirme,
J'entre aujourd'hui en gémissant.
4
Oui ce bonheur, qu'hier encore,
Je présageais par mon retour,
Est devenu qu'une claymore,
Transperçant mon cœur en ce jour
5
N'ayant que l'allure d'un homme,
Sans résistance et sans maintien,
Je ne suis qu'un corps mort en somme,
Qui ne sera d'aucun soutien.
6
Voilà pourquoi cette tristesse,
Qui ronge mon cœur aujourd'hui,
A balayé mon allégresse,
Dès mon retour dans mon logis.
7
Ce logis qui était naguère,
Havre de paix et paradis,
N'est rien d'autre que le calvaire
D'un corps brisé, d'un corps meurtri.


Yzeure le 20 avril 1967.



















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