La prise d'Abd-el-Kader, avons-nous dit, avait eu lieu, le 21 décembre de l'année 1847. Ce brillant succès, dû tout entier aux savantes manœuvres du Duc d'Aumale, avait rempli de joie la France entière et rendu à jamais illustre le nom glorieux du vainqueur de ce grand guerrier, lequel vainqueur venait de rendre un service signalé à la patrie. — Aussi, le nom de l'intrépide héros fut-il désormais cher à la France entière.
Abd-el-Kader, en remettant son épée à son généreux vainqueur, avait demandé qu'il lui fut accordé d'aller terminer sa vie à Damas, auprès du tombeau de Mahomet. - Le Prince, Duc d'Aumale avait cru pouvoir souscrire à ce désir de l'Émir vaincu. — Mais, lorsque la France eut contemplé cette belle et noble figure du redoutable Abd-el-Kader, désarmé et vaincu, elle fut prise d'une joie délirante. — Ce fut à Amboise, charmante petite ville située sur le beau fleuve de la Loire, qu'Abd-el-Kader dut aller prendre les chaînes de la captivité. — Le magnifique château de cette cité fut mis' à la disposition du chef des Arabes, vaincu.
La France entière voulut se procurer la satisfaction de faire connaissance avec son noble prisonnier. — Chaque jour, les voies ferrées amenaient les curieux de tous les points de la France.
Durant son séjour à Amboise, l'Émir se trouva en contact avec toute l'élite de la nation française. — Il faut avouer que les manières exquises du noble captif, son attitude toujours digne, n'avaient pas peu contribué à rendre populaire le nom d'Abd-el-Kader.
Ce fut durant cette période de temps, que le vénérable Archevêque de Tours voulut aller visiter le célèbre captif.
Le digne Prélat s'était fait accompagner d'un de ses vicaires-généraux, M. l'abbé Malmouche, lequel précisément avait été antécédemment curé de la belle ville d'Amboise. — Nous sommes heureux de trouver ici l'occasion de payer un modeste tribut de reconnaissance envers ce saint ecclésiastique, duquel nous fîmes la connaissance intime quelques années après le fait que nous racontons ici. Pendant que notre régiment de chasseurs était en garnison à Tours, une circonstance particulière nous permit de connaître ce prêtre d'une bonté incomparable, pour lequel nous ne cesserons jamais d'avoir l'estime et la vénération la plus grande.
Il y avait à cette époque, à Amboise, d'excellentes sœurs de charité, chargées d'instruire les enfants du peuple et de visiter les pauvres. C'étaient ces mêmes sœurs qui seules avaient le droit d'entrer dans le château d'Amboise, pour soigner les malades de la famille d'Abd-el-Kader. L'Émir avait avec lui sa vénérable mère, deux de ses jeunes enfants, plusieurs de ses femmes légitimes et une suite nombreuse d'Arabes, lesquels avaient voulu partager sa captivité. La nouveauté du climat, d'un côté, la privation des habitudes de la vie du désert, d'un autre côté, autant de causes, pour les infortunés prisonniers, de chagrin, de douleur et de graves maladies. C'étaient les bonnes et saintes religieuses qui venaient soigner les pauvres Musulmans malades. La bonté sans bornes des excellentes sœurs, avait frappé d'admiration tous les Arabes, dont elles avaient su se faire aimer. L'Émir Abd-el-Kader avait conçu pour les sœurs si pieuses et si dévouées, une admiration vive et profonde. Ils étaient étonnés, ces pauvres Musulmans, eux les fils du désert, eux étrangers au spectacle de la vertu, de la charité ; ils étaient étonnés à la vite des saintes religieuses et de leur dévouement pour eux, Musulmans. Partout en effet, sur toute la surface du globe, les pauvres et les malheureux demeurent abandonnés ; la religion chrétienne seule, fait naître la vertu qui s'attache à la souffrance et sait y compatir. Partout, en dehors de la religion chrétienne, les malheureux sont délaissés, les pauvres sont abandonnés et meurent dans leur misère. (1)
(1) Ici — une note ne serait pas inutile, à l'endroit des écrivains sans âme et sans cœur - mettant leur plume au service de ces détestables journaux — travaillant depuis de trop longs jours, à la honteuse besogne de chasser nos admirables sœurs de charité, de l'asile de la souffrance et du chevet de nos pauvres malades.
Après les premières paroles échangées entre le vénérable archevêque de Tours et l'Émir Abd-el-Kader, la conversation tomba sur les peines et les chagrins de l'exil : «Dieu l'a voulu, dit l'Émir avec une majestueuse résignation. — Ses desseins sont impénétrables — c'est lui qui est le maître de tous les hommes.»
Le digne archevêque sut trouver dans son cœur de consolantes paroles : — «C'est le propre des grandes causes, noble Émir, de trouver ceux qui les défendaient, sur le chemin des épreuves et des infortunes. Il en est toujours ainsi; telle est la volonté de : Dieu. Mais, si les adversités viennent frapper les grands courages et les beaux dévouements, si ceux qui combattent succombent, les nobles causes tôt ou tard doivent triompher.»
À ces paroles si bien dites et avec un si bienveillant à-propos, le cœur de l'Émir parut ému et, au souvenir de son désert chéri, le noble guerrier ne put contenir ses larmes.
Alors Abd-el-Kader «Il est vrai, l*absence du « désert de la Sméla et de ses frères est une grande infortune ; mais, au milieu des amertumes de la captivité, quelques doux rayons de soleil et de joie sont encore venus ranimer mon pauvre émir fatigué. Je veux parler des saintes et admirables vierges, que tu m'as envoyées pour soigner nos malades et consoler les cœurs qui souffrent. — Femmes admirables et sublimes, elles savent trouver de douces paroles pour toute espèce de chagrins et de douleurs. »
«Voici le père et le supérieur de ces saintes religieuses, répond à Abd-el-Kader le doux et pieux pontife, en présentant son vicaire général, le digne et vénérable abbé Malmouche ; c'est t, lui que doivent s'adresser les sentiments de ta gratitude, car c'est lui que j'ai chargé de former ces femmes dévouées, à la pratique des vertus qui ont fait naître une légitime admiration d'fins ton noble « cœur. »
Alors l'Émir, avec ce tact incomparable qui le fait aimer de tous, désireux de s'entretenir avec le digne grand vicaire, dont les manières exquises et la figure empreinte d'un charme irrésistible avaient singulièrement frappé le musulman. — « Voudrais-tu me « permettre de m'entretenir avec ton kalifat (grand vicaire) et de le féliciter moi-même au sujet des saintes et admirables consolatrices de nos malades. »
L'excellent archevêque, ravi de trouver une si providentielle occasion de faire apprécier d'un musulman, Les vertus et la douce bonté de son digne grand vicaire, se tourne vers les deux jeunes enfants de l'Émir (l'un âgé de 10 ans, l'autre de 12), et les mettant ,sur ses genoux avec bonté, leur fait de douces caresses et leur adresse quelques questions en Français que les petits Arabes comprenaient avec peine. — Pendant ce temps, Abd-el-Kader s'entretient avec le vénérable abbé Malmouche.
«As-tu dans ta famille sacrée, de nombreuses religieuses animées d'un même- zèle et d'un même dévouement ?»
«La maison dont je suis le supérieur, compte à «peu près quinze cents religieuses semblables à celles que lu connais.»
Alors Abd-el-Kader : «D'où viennent ces saintes femmes et qui les oblige à se dévouer ainsi ? »
«Le seul amour de Dieu et le désir d'avoir une belle place au ciel.»
«Mais nous aussi, reprend l'Émir, nous avons l'espérance d'aller au ciel.»
Alors le judicieux et doux abbé Malmouche fit cette réponse empreinte d'autant de bonté que de sagesse.
« Là-Haut seulement, on verra quels sont ceux qui auront pris le vrai chemin ; l'important pour l'homme sage, c'est de bien examiner la voie qu'Allah veut que nous suivions pour arriver vers lui, au milieu des divergences religieuses qui se partagent le monde.»
L'Émir : — «Il y a pourtant, parmi les sages de la France, des hommes qui pensent et enseignent que dans toutes les religions, Allah reçoit les hommages des hommes. »
Le vénérable vicaire général :- « Ces hommes n'ont pas mission pour traiter avec sûreté les questions religieuses. —Ils peuvent se tromper sur ces sortes de choses, la sagesse nous dit que nous ne devons écouter que ceux qui, ayant étudié ces questions, sont en mesure d'y répondre. »
L'Émir : — Je suis de ton avis; pour traiter un sujet quelconque, il est indispensable, au préalable, d'avoir étudié la question.
—Mais, réponds-moi — alors — toi qui es le Père ile ces saintes Alma, en ces douloureux jours de mon exil, elles, la Providence et la consolation de mes cruelles infortunes — apportant à nos malades secours et appui - (1) : Comment expliquer les actes impossibles - dont je me fais lire le récit, .dans les feuilles publiques — les actes de persécution inexplicable, dont les émules de ces Esther incomparables, sont les tristes victimes au sein de ta nation.
—Mais, s'il nous était donné, à nous fils du désert, de posséder, pour consoler l'infortune, des Alma si radieuses — mais le désert tout entier serait aux genoux de dévouements si sublimes!...
—Eh ! quoi — des actes de vertu d'une beauté incomparable, ne pas en admirer la splendeur, loin de là persécuter ces femmes adorables — les persécuter — les proscrire — les chasser du chevet des malades — (2), mais la France est donc la nation la plus barbare qu'il y ait sur la terre. — 0 toi ! le Père de ces Alma radieuses — je t'en ferai l'aveu devenu le prisonnier de la grande nation — il ne m'est pas possible de ne pas me tenir au courant de tous ces évènements.
1) La question se présentant, opportune — nous traiterons, ici la question — des actes sans nom de proscription contre lias adorables sœurs de charité — filles de Saint-Vincent-de-Paule.
2) Et qui plus est — les déclarer indignes de l'enseignement des enfants — cette mission élever et instruire les enfants — étant la mission naturelle de la femme, de l'Alma, surtout — sublime cumule des sœurs de charité — filles adorables de Saint-Vincent-de -Paule.
—En suivant donc le récit de toutes ces injustices, exposées tout en grand, dans les feuilles publiques — établissant comparaison entre ces iniquités — et mes douloureuses infortunes, je me demande s'il est possible qu'un peuple coupable d'injustices si noires — puisse être l'objet des faveurs d'Allah — et conséquemment si les malheurs qui ont frappé le désert — en me couvrant de chaînes, ne sont pas le résultat — de la force inhumaine, opprimant la faiblesse — le Seigneur — Dieu tout-puissant ne pouvant se ranger du parti d'un peuple opprimant la vertu et se déshonorant au point de ne pas vénérer le dévouement de femmes saintes, portant l'abnégation au point le plus sublime qui se soit jamais vu sur la terre — en aucun lieu du monde! !! -. ….. (1)
- Alors le très-judicieux et incomparable Nathan:
- Mais, ô noble Émir ! au cœur riche de toutes les vertus — motif pour lequel ta belle âme s'est indignée, au récit de tous ces actes de persécution et de douleur — mais ton amour pour la justice devra ne point oublier — que ces actes odieux – ne doivent nullement être attribués à la nation entière — comme responsabilité.
(1)Il serait heureux, pour l'honneur de la France, que quelque apologiste courageux — allât présenter ces pages, aux ateliers impossibles des feuilles publiques - ayant entrepris, eu ces tristes Jours la guerre que l'on sait — contre nos sublimes Alma – connues sous le nom de sœurs de charité, - En ces heures de honte et d’opprobre qui ont vu apparaître ces dignes émules des Tigillin - et des Julien l'apostat, connus sous le nom tristement célèbre — des Brisson — portant au dos le hideux écriteau — de loi d'accroissement — des Paul Bert — déjà — jugé — dans les Cieux — et autres fauves— que l'Erèbe, lui-même rejettera de sou sein - (France-Juive — Drumont. Passim.).
—Tu viens de vanter - de la part de tes croyants, au désert et dans tous les lieux du monde, leur amour pour la justice - et leur admiration, en présence de la vertu — mais, réponds-moi — n'y -a-t-il pas au désert. — et dans tout l'univers — des méchants — des hommes iniques — tristes descendants de la dynastie odieuse, les Caïn -et les buveurs du sang des justes ? — Quelle serait ta réponse — au vis-à-vis de celui — qui viendrait attribuer — à tous tes adeptes et de ton Credo au Coran.- le crime de quelques centaines d'incendiaires et barbares, qui aux régions du Soleil africain, viennent incendier nos riches colonies — aux plages toujours verdoyantes du Sahel (1) ou près du rivage, toujours en fleurs, de Tunis et de Carthage? (2).
-En tout temps, au sein de tous les peuples du monde, n'y a-t-il pas eu des-Anthiochus et des Athalie ?
—Ne serait-ce donc pas une injustice, d'attribuer à la nation entière — le crime de quelques criminels?
-Les rives du Jourdain — ne furent-elles pas affligées par l'apparition des Achab et des Athalie ? — et ne serait-il pas odieux — de rendre tous les fils de Jacob responsables de ces douleurs du crime — alors que sous ce même soleil, de ces jour- de tristesse, les fils de David furent honorés par l'apparition radieuse des Judith et des Ézéchias ?...
- Mais, ô noble Émir! — les crimes des pervers, au -sein des peuples, sont des conséquences fatales, tristes fruits des misères de l'humanité — ces crimes et ces hontes :- les Achab et les Jézabel — l'équité demande qu'ils soient à jamais rejetés dans la fosse de l'histoire — au milieu des débris, objet du mépris et de l'oubli de tous les hommes.
(1) Le Sahel — contrée la plus luxuriante, comme végétation, de toute l'Algérie, id. le Tell - douze millions d'hectares — (Alfred Nettement. Conquête d'Alger).
(2)Id.
—Et d'autre part, la perfidie des méchants n'a-t-elle pas son côté utile? N'est-ce pas grâce à l'apparition de l'impie — que la vertu resplendit sur la terre ?
—Sans la perversité de l' orgueilleux Aman — le monde — et les Edens des cieux — n'eussent jamais connu le sublime de la sublime Esther.
—Ainsi — le crime lui-même — joue un rôle, au milieu des grandes lois de l'harmonie. — ici-bas — secret divin — de l'œuvre de l'Éternel.
—Sans le phénomène déchirant, il est vrai, de ces actes de persécutions lamentables — cette belleprotestation au cœur du grand Émir des enfants du désert — en faveur de nos vierges sacrées, — n'eut jamais existé, couronne adorablement radieuse — digne de briller sur le front de nos célestes Alma admirées de Mahomet — quand les fils de Julien l'apostat proscrivent ces dignes émules des Esther, rives du Jourdain, et des Cornélie des jours de Rome! ..
—Si tu as pensé, d'autre part, ô Émir ! que notre chère France partage, en quoi que ce soit, ces dispositions barbares — des quelques impies qui ont scandalisé ta belle âme — oh ! tu es dans une erreur profonde !
—Détrompe ton grand esprit — la France toute entière, est la première à gémir et à verser des pleurs — .à la vue de ces tristes Achab — la honte de la nation (1).
(1) Nous devrons, ici — afin do venger l'honneur de la France — raconter le fait sublime de ce Fabricius de la Dynastie des âmes vertueuses le maire de Blaïeul — au département du Nord : — voyant les sœurs chassées de leur asile, donne son propre manoir — aux saintes Alma — persécutées - et nouveau Constantin quittant Rome — pour offrir la cité sainte à la Papauté, s'en va, le bâton à la main, suivi de sa famille entière : épouse — enfants, demander une demeure et du pain — à ses frères — aux rives éloignées. —Pendant cet exil volontaire — le Nathan unique au monde, bâtit à ses frais — une demeure pour les chères Aima proscrites. — Il ne rentre dans son manoir, lui et les siens — qu'au jour où les sœurs adorées ont, désormais, pour elles — une demeure assurée. — La France entière — riche d'une armée de semblables Regulus (voir le Monde, 8 janvier 1887).
—Les héros magnifiques qu'ont suscités ces actes de persécuté net de tristesse —apparaîtront un jour, tes yeux — à l'heure du jugement.
En ce grand jour — loin de maudire la noble France — à la vue de cette armée innombrable, de cœurs dévoués, qui se sont présentés - pour accueillir les adorables victimes de la haine et de l'impiété — ta grande et belle âme sera ravie (1) et en ce jour — il sortira de ton noble cœur, ce grand cri – du grand Augustin - : 0 heureuse faute ! heureuse persécution, qui a mérité à la France de voir surgir de son sein une armée li belle — de Fénelon et de Vincent-de-Paul.
—Car — ô noble Émir ! C’est le crime qui enfante les héros — vengeurs du crime — :
les Godfroi, les Judas Machabées et les Mathathias - ! ! !.....
(1) Note ci-dessus — le Nathan sublime de la région de Blaïeul — la France possède, dignes émules de ce héros de la vertu, cent mille autres Mathathias dont les actes de dévouement, non connus, apparaitront au Jour dos assises éternelles.
- Sans l'apparition des méchants, la terre serait privée de héros — et- au Ciel, seraient inconnus ces grands noms chantés à jamais — sur les lyres d'or des anges, au milieu des Edens, immortels : les David et les Ézéchias, les Moïse des jours de Memphis — et près de nos rives fortunées, les noms resplendissant d'une gloire non moins sublime, des Charlemagne et des Saint-Louis - comme aussi — les grandes journées de Lépante et de Navarin ! !!......... (2)
L'Émir Abd-el-Kader : — Tu me ravis — ô Kalifat magnifique ! en raison du trésor de ta sublime éloquence!....
—Je rends grâce à Allah — qui m'a permis d'entendre de ta bouche, des pensées si élevées et si belles. -Je vois que la grande nation a toujours été et sera toujours le Royaume des héros et de la vertu.
—Mais - il me reste encore des doutes et des incertitudes - et mieux éclairé par le fait de ces explications si élevées — je serai heureux maintenant d'adresser mes félicitations - au chef suprême de ton Kalifat. — Je l'aperçois qui se dirige vers nous — comblant, de ses bienveillantes caresses mes deux jeunes fils, objet de son incomparable sollicitude.
—En cet instant, le vénéré pontife se rapprochait du noble prisonnier de la France — prévoyant qu'à son tour, il pourrait faire entendre de mémorables paroles au Chef des Croyants du désert — Le Pontife vénéré adressa ses félicitations à l'Émir, à l'endroit des dispositions heureuses qu'il lui avait été donné de remarquer, dans ses entretiens avec les deux jeunes fils de l'incomparable guerrier.
—Alors, Abd-el-Kader : Je te suis reconnaissant, ô Kalifat suprême de ces riches contrées, de ces témoignages de vive amitié que tu as daigné accorder, à ces tendres fleurs, mes deux jeunes fils, ma consolation unique, au milieu de mon exil, sur la terre étrangère.
(2) Bien entendu — sans oublier Castelfidardo et Mentana — et le Mathathias de ces grandes journées…. le trois fois adorable et cent mille fois sublime vieillard…. Duc de Luynes !!!...
—Alors, le vénéré Pontife :
Ces douleurs, noble Émir, devront, avec le temps, se modérer, pour un cœur, comme le tien, soumis aux volontés d'Allah.
—Rien n'arrivant, ici-bas, sans l'intervention de Dieu tout-puissant — souverain modérateur de ce vaste univers.— l'homme riche d'une âme élevée — comme la tienne, doit adorer en silence, les grands évènements disposés de par les décrets de Dieu - infiniment juste et bon.
—C'est pour te consoler, précisément, dans ta douloureuse infortune, que j'ai voulu venir te visiter — aussi serais-je heureux, de trouver, au fond de mon cœur, de saintes et pieuses paroles, capables d'apporter remède à tes peines — et adoucissement à ta captivité.
Alors — Abd-el-Kader :
Assurément, rien n'arrive, ici-bas, sans l'intervention d'Allah, Créateur de la Terre et des Cieux.
—Toutefois, malgré cette vérité de l'intervention du Ciel, dans les événements de ce monde, moi, aussi — en ma qualité d'Émir des croyants du désert, ayant dû étudier les lois qui se rattachent à Dieu tout puissant — je t'offrirai, à toi, Kalifat suprême de ces riches contrées, l'expression de ma reconnaissance la plus vive — mais à l'endroit de mes cruelles infortunes — tu voudras bien me permettre de continuer, près de toi, l'entretien plein d'intérêt, que j'avais à l'instant avec ton Kalifat.
—Mes infortunes, assurément, mises en regard des volontés du Très-Haut, pourraient me disposer à la patience, à la résignation dans le malheur. — Il est cependant un point, en ces considérations, qui laisse mon âme au milieu des plus grandes perplexités.
—Allah étant le grand modérateur des fastes et catastrophes, ici-bas — comment peut-il arriver que ce Dieu, tout-puissant, veuille accorder ses préférences de victoire et ses dons suprêmes (1) en faveur d'un peuple n'ayant aucun respect pour les autels de la Divinité — d'un peuple persécutant même ses Prêtres et les adorateurs de son propre credo (2). — Nous, les croyants du Prophète, jamais un seul adepte n'oserait se permettre une seule parole contre la loi, objet de notre foi.
—Le respect pour nos Prêtres, Marabouts ou Kalifats supérieurs, est des plus grands dans tous les cœurs.
—Comment donc pourrait-il arriver qu'Allah, souverainement juste, voulut enlever la puissance aux croyants du désert et transférer cette même puissance à un peuple qui, bien loin d'honorer le Créateur, l'insulte chaque jour, dans des écrits publics- écrits qui, au sein de nos adeptes du désert, seraient l'objet d'une honte absolue et d'un forfait sacrilège, étant de nature, ces' écrits odieux, à provoquer toutes les colères du Ciel, bien loin, naturellement, de gagner la faveur de l'Éternel.
—Alors — le Pontife magnanime :
Tes paroles, noble Émir, seraient justes et vraies, si ces dispositions d'irréligion ou impiété - que tu as pu remarquer dans les écrits publics, représentaient le sentiment véritable de la nation.
— Grâce au Ciel — il n'en est point ainsi.
(1) Comme le lecteur pourra en juger — malgré les explications judicieuses auxquelles nous venons d'assister — les exemples d'irréligion et d'impiété, de la part d'un grand nombre de nos milices, en Algérie, avaient fait naître dans l'esprit des Musulmans la pensée, que les chrétiens, d'au-delà les mers, étaient tons de même, à savoir ; des impies — des peuples sans religion aucune — et conséquemment des barbares que le Ciel ne pouvait ni aimer ni protéger.
(2) Que n'eut pas dit l'Émir — si la persécution et impiété qui sévit de nos jours — contre les ordres religieux — et les Prêtres — eut existé à cette époque, comme elle existe à l'heure présente.
—Pour quelques écrivains insensés, dont les écrits coupables ont pu scandaliser ton âme de croyant — noble et élevée — il est dans notre grande Patrie, quantité innombrable d'autres publicistes, qui se font le plus grand honneur d'adorer le Dieu de leur croyance, avec une piété, assurément, toute aussi vive -et ardente que peuvent le faire au désert les adeptes de la foi du prophète. — Depuis ton séjour en France, la renommée ne t'a-t-elle pas fait connaître le nom des grands chrétiens : les Chateaubriand — les Lacordaires — les de Montalembert et tant d'autres dont les noms comme la piété, sont connus du monde entier.
—Ce ne serait donc pas justice d'attribuer à la France, les erreurs du petit, nombre — et le jour où il te plairait de vouloir posséder une idée vraie, à l'endroit de la croyance de Celui que tu appelles Sidi-Aïssa (Jésus-Christ), ce n'est pas dans les écrits répandus par quelques publicistes sans religion et sans intelligence, qu'il faudrait rechercher la vérité, — mais bien sous la voûte de nos temples sacrés. — Si- jamais il t'était donné de comtempler de tes yeux, nos cérémonies saintes, les dimanches et époques de nos grandes solennités, tu ne tarderais pas à être ravis à la vue de la foi des adeptes du Christ Fils de Dieu. — Et dès lors, mis en présence de ces foules innombrables, inondant les saints portiques, sur l'heure, tu serais convaincu de la foi ardente et de la piété de notre généreuse Patrie. — Sous ce point de vue, tu comprendrais, sans aucun doute, comment des dispositions si belles sont de nature à plaire à l'Éternel et à mériter à la France, surnommée la Fille aînée de l'Église, les faveurs d'Allah et les préférences que le Ciel accorde à nos armes, au milieu de nos luttes, rives lointaines des plages africaines.
Alors Abd-el-Kader — :
—Je te suis reconnaissant de ces explications qui sont un témoignage que tu es digne du grand Kalifat dont tu es honoré, en ces régions si belles.
Ces considérations nobles et élevées soulagent mon cœur et consolent mon âme, au milieu de mes cruelles amertumes (1).
—Il est toutefois quelques autres points importants, me trouvant en présence de l'éminent Kalifat de ces riches régions, que je serais heureux de voir élucider par la parole, aussi brillante que ton grand savoir est profond.
—J'accepte ta réponse, qu'il serait injuste, la grande majorité de la France étant fidèle en sa croyance, de faire porter responsabilité à tous, pour l'impiété sacrilège de quelques-uns — et ces quelques-uns doués d'un esprit absolument inférieur. Mais, ô noble Kalifat-de ces belles régions, si les écrits coupables de l'impiété ne sont vraiment que les égarements de quelques insensés — il est d'autres faits considérables, qui s'accomplissent, au sein de la nation entière, et qui, conséquemment, ces faits acceptés par tous, impliquent la culpabilité et responsabilité de la nation elle-même.
(1) Assurément — ô noble Musulman! mais si ces paroles sublimes ont vengé la France — au vis-à-vis des écrivains sans cœur qui ont motivé cette belle apologétique de l'éloquent Pontife — les tristes héros de l'impiété — objet de cette justification de la France, ne devront-Hi pas rougir de honte, d'avoir été la cause de ces scandales qui ont scandalisé l'âme du héros magnanime des rives africaines ? (L'auteur comte William X., ancien officier à l'armée d’Afrique).
—Le vénérable archevêque de Tours :
—Et quelles sont, noble et généreux Émir, ces situations injustes que tu attribues à la nation entière ?
—L'Émir Abd-el-Kader :
- Cette situation, en elle-même, un opprobre, c'est le fait de la condition des lois militaires. Loi militaire, profession des armes — imposée de force, à tout citoyen Français — situation qui a été la cause de ma défaite — en amenant au désert, ces armées innombrable, cause de mes infortunes.
—Cette situation : carrière des armes ou profession quelconque, imposée à tous, au mépris de la liberté individuelle, par le fait de cette disposition, renversée — carrière des armes — imposée de force, à tout citoyen — est une situation contraire à toutes les lois divines et humaines.
—La liberté étant le trésor de la dignité de l'homme, et une nation privée de ce trésor — n'étant plus une nation digne de respect — mais une nation esclave — comment Allah — le Créateur de l'univers, pourrait-il vouloir être le protecteur de cette nation, ainsi jetée dans l'esclavage — à ses pieds.
Portant des fers — !!!...
Nous, les fils du désert — les écrits répandus dans ta nation, nous présentent — comme des tribus vivant sans aucune loi — et n'observant aucune morale.
—Mais — ô grand Kalifat de ces régions! Ces pensées, au vis-à-vis des croyants du Prophète, sont des pensées injustes — : Si tu excuses ton peuple, en répondant que l'existence des écrivains irréligieux et impies, est circonscrite dans un très petit nombre — et encore, dans la catégorie, ce petit nombre, des hommes les moins intelligents de la nation — ce qui doit être : tout homme doué d'un esprit véritablement supérieur, respectant les choses nobles et saintes et conséquemment — la Religion et ses ministres.
—Mais au désert, il en est de même — si des hommes se rencontrent, vivant en dehors des principes de la justice, souillant leurs mains par des crimes et des bassesses — mais ces hommes, parmi les peuplades Algériennes, sont également le petit nombre — le grand nombre, la vraie nation, respectent la loi du Prophète — et la loi du Prophète, est constamment en union avec la Loi Éternelle et la justice.
—Nous avons, nous les interprètes des enseignements sacrés, renfermés dans notre divin Livre — ou Coran - nous avons aussi nous, avant d'être honorés de la dignité -de ministres des choses saintes — ou Marabouts du Prophète, au milieu des peuples, nous avons des années nombreuses consacrées à la carrière des études —(1).
—Or — dans nos études — la morale enseignée est basée sur les principes de justice et d'équité — reconnus, ces principes — chez tous les peuples du monde. -
—Car la morale, appuyée sur la
Loi Éternelle —
est cette suprême justice — reconnue, dans tous les temps — et dans tous les lieux.
—Cette justice sacrée qui .enseigne que le crime est le crime et le vice une honte.
—La vie de l'homme — chose sacrée — son honneur — ses biens — etc. etc.
Le vice, conséquemment, un opprobre et le vol une iniquité.
—Nous les disciples de Mahomet nous enseignons ces lois et principes, admis chez tous les peuples de l'Univers.
—Cette situation étant telle, au vis-à-vis des croyants du Désert, ici, ô noble Kalifat suprême de ces régions! je te ferai la confidence d'une vive douleur qui abreuve mon âme d'amertume, au milieu de mon exil.
—Le vénérable archevêque de Tours :
Parle — Émir — Et quelle est cette vive douleur?
Abd-el-Kader — :
—Ta pensée, noble Kalifat de ces riches contrées, m'exprimant cette assertion, à savoir : que les grands événements qui viennent de s'accomplir : mes malheurs et ma captivité, sont le fait de la volonté d'Allah- rien n'arrivant sans la volonté du Ciel.
(I) Mascara était la ville principale où les études sacrées étaient enseignées à ceux qui se destinaient à la carrière des ministres du Prophète (A. Nettement, l'Algérie).
— Mais comment m'est-il possible d'admettre ces conséquences de douleur — Comment Allah pourrait-il vouloir soumettre les fils du Désert, aux peuples d'au-delà de nos rives, quant au sein de ce même peuple, outre les écrivains criminels, situation que ton grand savoir a parfaitement expliquée, il existe des lois désordonnées - lois en opposition désespérante, avec la justice, avec la Loi Éternelle ?
Vos milices, prises comme exemple — ces milices, il est vrai, qui ont réussi à me ravir ma liberté et à briser ma souveraineté — mais ces milices, en raison de la situation qui leur est faite, enrôlement forcé — enrôlement destructif de la liberté individuelle — mais cette situation : milices forcées — est en contradiction criminelle avec la liberté de l'homme — conséquemment, devient un outrage au vis-à-vis de la
Loi Éternelle-
et, fatidiquement, une honte et un opprobre aux yeux du Créateur.
—La liberté de l'homme détruite, en effet, mais, c'est l'atteinte la plus affreuse portée à la
Loi Éternelle
Or — la Loi Éternelle, telle que nous l'enseignons dans nos livres sacrés, ne peut jamais être atteinte ou, en un point quelconque, modifiée ou changée, attendu que le jour où cette même Loi Éternelle ne serait plus respectée-l ‘ordre suprême, base de l'humanité toute entière, se trouverait, par le fait, renversé.
—Il y a des conditions dans l'humanité qui sont intangibles – imprescriptibles — à tout jamais, depuis l'origine du monde, jusqu'aux derniers des siècles — cette situation c'est la Loi Éternelle et les autres lois commandées par cette Loi sainte et divine - cette autre loi^— dérivant de la Loi Éternelle — c'est la loi, trésor de l'homme — la liberté humaine. –
Or — la condition des milices forcées, en France, est principalement une condition destructive de ce grand trésor :
La liberté de chacun.
La liberté individuelle.
—Les Législateurs des peuples, ne peuvent être considérés comme législateurs qu'à la condition que les lois qu'ils formuleront seront des lois en harmonie avec la justice ou
Loi Éternelle,
raison souveraine ou nature des choses—
—Toute loi édictée par ces législateurs, portant atteinte à la
Loi Éternelle, ne peut être jamais considérée comme une loi (1), mais, bien au contraire, serait folie -et sacrilège inouï — Car le législateur, sa profession est précisément de porter des lois, ayant pour objet, ces lois, ce qui est juste et nécessaire
— Or — si la loi portée par ces législateurs est contraire à la
Loi Éternelle
cet édit n'est plus ni juste ni raisonnable. — Nécessairement — de cet édit renversant la
Loi Éternelle
(1) C'est ce qu’enseignent tous les moralistes en France.
il va résulter le bouleversement de la nature entière — de l'ordre social et de toute l'humanité — la Loi Éternelle étant la base même de toutes choses, ici-bas — base sans laquelle l'humanité, le monde, ne peuvent plus absolument, marcher. — (1)
Or — la France ayant porté atteinte à cette Loi Suprême — en détruisant
la liberté de l'homme,
en raison de la prétendue loi, loi obligeant la jeunesse à 20 ans, de s'enrôler de force, dans la carrière des armes, par le fait, les légistes qui ont porté cette loi, ont perdu toute qualité de législateurs — ,ce ne sont plus des législateurs, mais bien des insensés - ne comprenant absolument rien à leur mandat, puisque la raison d'être des législateurs, réside précisément en ce point, à savoir : édicter des lois qui soient le maintien de la Loi Éternelle.-— Or, loin d'édicter loi protégeant la Loi Suprême, la profession militaire forcée, détruisant, la liberté de l'homme, détruit, par le fait, la Loi Éternelle — conséquemment devient le renversement de l'humanité toute entière. — Des insensés, ces législateurs — et conséquemment, les destructeurs de L'ordre social ici-bas.
(1) Parfaitement — c'est bien cc qui se voit à notre douloureuse époque : Prêtres, évêques, élèves des séminaires, tous, follement enrôlés de force, dans les camps des égorgements universels. — Il n'est pas inopportun que la protestation contre les innovations sacrilèges de ces simulacres de loi — se manifeste au fond du cœur d'un Musulman.
— La France ayant donc, par cette loi de la profession militaire, imposée de force aux citoyens, détruit la Loi Éternelle en détruisant la liberté individuelle, à l'égard des citoyens obligés par celle loi anti-sociale — la France par cette loi anti-humaine ayant forfai à la nature, à la raison, à l'humanité, au Ciel même, — comment Allah pourrait-il vouloir prendre le parti de cette France renversant ainsi la Loi Éternelle et devant, par le fait, amener le bouleversement du monde entier (1).
D'où je conclus — que mes malheurs ne peuvent être que le résultat de la force brutale, de la barbarie — conséquences précisément, cette force brutale : agglomération d'hommes forcés par cette loi détruisant la liberté des citoyens et par le fait de cette loi, inévitablement loi sacrilège et impie, devant arriver à la situation de l'esclavage le plus affreux qui se soit jamais vu dans l'humanité. —
—Car aucun peuple n'a jamais subi pareille loi, de la profession des armes forcées — et mes Croyants du désert eux-mêmes, préfèreraient fuir et errer, leur vie entière, au plus loin des contrées qui les ont vus naître, plutôt que de subir la honte (le cet esclavage, enlevant au citoyen sa dignité d'homme — et le réduisant honteusement à la condition d'esclave.
Quand donc, je me fais lire les feuilles publiques éditées en France — et que je vois ces déclarations. — à savoir, comme ils l'écrivent : l'impôt du sang. — je me dis qu'un peuple au sein duquel sont répandus et admis des enseignements détruisant la Loi Éternelle — et conséquemment, les bases de l'humanité, est un peuple qu'Allah ne peut protéger ni aimer — mais au contraire — que le Ciel devra anéantir — ce peuple n'étant plus un peuple libre — mais un peuple d'esclaves, ne pouvant que voir se détruire, dans son sein — le bel ordre de la civilisation et du progrès humain.
Alors— l'admirable Jaddus chrétien (plus tard, cardinal Morlot, archevêque de Paris).
Tes sentiments, noble Émir, devant Dieu et sa justice infinie, sont l'expression de la vérité, de ton grand savoir.
(1) C'est absolument la réalisation et les prévisions de l'Émir — que nous voyons s'accomplir — de nos jours — la folie de la conscription forcée — imposée, à tous — trois millions d'hommes, prêts à s'entr'égorger — situation de barbarie, qui ne se vit jamais sur la terre, depuis l'origine du monde (Monseigneur Dupanloup. — Athéisme et péril social, a absolument démontré le même danger).
—Mais à ton indignation légitime contre ces lois iniques, objet de ta douleur, il nous sera facile de répondre, comme à l'endroit des écrivains non croyants : — cette loi qui provoque ton indignation — loi ravissant à l'homme sa liberté —à ce titre, assurément, — loi odieuse et inique — mais cette loi, tu devras le savoir, n'a jamais été une loi consacrée par les traditions de la nation, dans le passé de la France.
—Cette loi d'iniquité, reconnue d’ inique, injuste (1) — cette loi odieuse, mais n'a pas toujours existé.
—— Il n'y a que quelques années qu'elle a été misé en vigueur (2)
—Tu admettras noble Émir, que parmi les grands peuples, des commotions et convulsions sanglantes peuvent exister — et les peuples, alors, nullement responsables des iniquités commises en ces heures de trouble et de douleur pour tous (3)
—C'est précisément, cette situation qui a été un motif de scandale pour ton âme noble et élevée.
—Mais avant ces grandes commotions, qui sont venues en France, troubler et renverser toutes les traditions du juste et de l'honnête, mais avant ces jours effroyables, mais ces lois odieuses n'existaient pas — et parmi les peuples chrétiens, comme au milieu des fils du désert, jamais, avant ces malheurs, pareille loi d'ignominie et de honte n'avait été subie, sous le règne de nos Rois très chrétiens. —
(1) Syllabus. No 72 — ita — Monseigneur Dupanloup. Athéisme et péril social. —
(2) Année 1815 — sous Louis XVIII et Charles X, la loi de la conscription forcée a été abolie. —
(3) Avant la révolution de 89 — la conscription forcée n'existait pas. — Dans tout ce beau passé de la France de nos Rois la carrière militaire était profession. — Nul n'était soldat que le citoyen qui voulait embrasser cette carrière.
—Aussi, après les jours disparus, des convulsions et des douleurs, nos grands Atamans, rétablis sur le trône de leurs Pères, n'eurent-ils rien de plus à cœur, que de se hâter d'abolir ces luis d'iniquité et de rendre la liberté individuelle à chacun. —
(1) A l'heure présente, il est vrai, la situation déshonorante, situation contraire à la liberté de l'homme —
Conscription militaire forcée —
Cette situation déplorable a reparu (2) — mais cette nouvelle ère de douleur n'est et ne peut être encore que d'une transition peu durable. -
—Le Ciel ne permettra jamais que ces lois oppressives ne soient pas, de nouveau, abolies.
— Ni le peuple, en France, ni nous, les interprètes des lois du Ciel, n'avons jamais donné notre adhésion à ces situations contraires à la
Loi Éternelle : (3)
—La Liberté de l'homme.
- La dignité humaine, n'a donc en rien, été atteinte, au sein de la nation chrétienne. —
—Nous avons subi l'atteinte — tout en protestant au fond du cœur, contre la loi destructive de la liberté de chacun.
—La nation n'est donc ni coupable — ni responsable. —
Demain, une ère nouvelle aura encore une fois, détruit cette loi contraire à la liberté de l'homme. —
—La nation ainsi justifiée, peut donc en dépit, de ces édits de persécution, dont elle est la douloureuse victime, mériter que le Ciel l'aime et la protège. —
(1) Monseigneur Dupanloup, un effet, nous apprend que Louis XVIII, à son avènement, se hâta d'abolir la loi de la conscription forcée.
(2) Depuis la république, surtout. —
(3) Syllabus N° 72. Tous les évêques de France. — Protestation.
Ces agitations, parmi les peuples, sont les situations qui résultent des misères de l'humanité. -
—Mais — tôt ou tard, noble Émir — tu peux le croire, la France de Sidi-Aïssa retrouvera sa couronne en se faisant rendre sa liberté. — Et nous, Pontifes, les Jaddus de la justice, saurons opposer, la lutte de la parole — pour arriver au triomphe du bien, et à la réparation de l'iniquité. —
Et en ce jour de rénovation — loin d'avoir démérité aux yeux d'Allah, notre belle Patrie apparaîtra comme autrefois, sous le beau nom de Fille aînée de l'Église et de
Soldat de Dieu —
nation doublement couronnée — la première couronne : couronne d'or — de son martyre, noblement supporté - jours de l'épreuve et de l'oppression, repoussée — noble émule des victimes des jours des Antiochus et des Néron. —Et seconde couronne — restituée — couronne de la liberté rendue : les armes libres et volontaires, plus de chaînes — plus d'esclavage — plus de Spartacus des jours de Jugurtha ! ! ! -
—Jours embellis — reparus — rappelant les grands souvenirs de nos Rois très chrétiens, entourés de la couronne de nos héros, amis du Ciel — nobles émules des Duguesclin, des Bayard, et des guerriers qui s'appelaient —
Défenseurs — nés de la liberté —
fils des Guises et des Montmorency ! !!
La France - la France que le Ciel aima toujours — et qu'il devra toujours aimer— c'est-cette France qui réapparaîtra demain — c'est cette même France, ô noble Émir! —- qui a renversé ta puissance, au désert — c'est cette même France —
Fille aînée de l'Église
qui a toujours combattu pour les grandes causes du Ciel — et pour laquelle, le Ciel, sous les rayons des grands soleils du passé, a toujours combattu et combattra jusqu'à la fin des derniers âges et des derniers jours de la Terre (1)
Alors, Abd-el-Kader :
Ce grand langage — illustre Kalifat de ces régions - est une preuve éclatante de ton grand savoir. —
—Tes paroles ont été une lumière pour mon esprit — et seront une consolation pour mes infortunes.
Si les destins de la France, comme les évènements accomplis, semblent, en effet, le révéler, sont tels que tu viens de l'exposer — que ces grandes destinées s'accomplissent — rien n'arrivant sans la volonté d'Allah — en présence de ces interprétations de haute sagesse — j'accepterai désormais avec résignation, mes infortunes — attendant du Ciel la fin de mes douleurs — et la récompense du courage en face des épreuves et des catastrophes de notre triste exil, ici-bas (2),
(1) Par le fait de cette protestation grandiose — véritable chef d’œuvre d'éloquence — de la part du Pontife adorable, il est facile de penser que les dignes émules de Jugurtha n'en ont pas encore fini, avec leurs chaînes d'esclavage - et conscription forcée — mais aussi, le Ciel n'était-il pas tenu d'intervenir pour délivrer l'humanité de ces lois de folie, menaçant de bouleverser le monde entier. Honneur donc, au Pontife qui, par le fait de cette apologétique magnifique, n’aura pas peu contribué à l'œuvre sainte de la destruction de cette loi barbare.
(2) Louis XVIII, ayant aboli la loi de conscription forcée — le premier bienfait de la monarchie chrétienne rétablie sera de faire disparaître de nouveau, cette loi de désolation et de rendre ainsi la liberté à trois millions de nos enfants — et d'obliger par le fait, les autres nations voisines à faire de même. — Ainsi, l'Europe aura encore une fois, retrouvé le bonheur et la paix.
—Après ces paroles échangées entre l'Émir et le vénérable Archevêque de la cité de Tours — la visite ayant touché à sa fin — le Pontife et son -digne grand Vicaire —firent leurs adieux au noble prisonnier — laissant au fond du cœur du guerrier, les sentiments de la plus vive admiration, pour la Religion de celui qu'il appelle Sidi-Aïssa et de ses savants et illustres ministres.—
Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France