Ce qu'est l'islam |
L'islam considéré au point de vue politique |
CE QU'EST L'ISLAM
L'Islam considéré au point de vue politique par Georges Roux.
Si nous poursuivons l'examen de la vie du Prophète nous nous apercevons que Mahomet au cours de sa longue lutte contre les gens de La Mecque, obligé de fuir avec ses disciples et de fonder dans le désert une communauté qui grandit et batailla, offre cette particularité curieuse que ce fondateur de religion fut un chef d'Etat. La vie de Jésus apparaît comme celle d'un philosophe divin, celle de Mahomet comme d'un réalisateur terrible. Le récit de son existence est parsemé de combats, de sang et de massacres. Dans les Evangiles, jamais le Christ ne s'est occupé de politique. Le Prophète n'a fait que cela. Il ne se borna pas à enseigner une morale, il administra une société civile, il commanda des armées sur le champ de bataille, chargeant à la tête de ses cavaliers et donnant en personne des coups de sabre. Il fut en même temps chef religieux, chef politique, chef militaire. Ces trois notions que nous Occidentaux nous distinguons l'une de l'autre, au moins la première des deux autres, ces trois notions, dis-je, se confondent là-bas.
C'est peut-être là la différence fondamentale entre l'Europe et l'Islam. Jésus n'a fait jamais qu'une allusion aux choses de l'Etat et encore pour les rejeter en dehors de lui ; "Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu". Dans les pays de Mahomet, César et Dieu se confondent. La distinction du spirituel et du temporel, pour délicate qu'elle soit toujours à observer, nous semble à nous Occidentaux tout à fait naturel et comme la base même de toute vie sociale. Par contre elle est inimaginable dans l'Islam, constante confusion ou plutôt véritable fusion du monde réel dans le monde mystique. Ce que nous appelons l'esprit laïc est pour les musulmans une nouveauté.
Le fait qu'il y a un seul Dieu, que ce Dieu unique a un seul Prophète, et que ce Prophète, par suite de diverses circonstances, s'est trouvé à la tête d'une communauté sociale, tout cela a conduit l'Islam à la conception de souveraineté totale. Religion et politique y forment un tout cohérent et indivisible.
C'est ainsi que pour prendre l'exemple du pays musulman qui est demeuré le plus pur, le Maroc, le Sultan qui doit essentiellement être Chérif, c'est-à- dire descendant du Prophète, est prince religieux en même temps que prince civil, et il n'est, c'est intéressant, prince civil que parce qu'il est prince religieux. Le pouvoir matériel est la conséquence du pouvoir spirituel.
Ainsi les Souverains ne se succèdent pas de mâle en mâle, par ordre de primogéniture, mais par l'effet d'une élection religieuse. A chaque mort du Sultan, le collège des docteurs ès sciences sacrés, le collège des oulémas, tout à fait analogue à notre conclave de cardinaux, se réunit pour choisir celui qui lui paraît le plus digne parmi tous les innombrables membres de la famille chérifienne. C'est à peu près exactement ce qui se passait dans la dynastie ottomane.
Pour comprendre un pays musulman, il faut partir de ce principe que tout est subordonné au religieux et s'intègre dans le religieux. En Islam, la communauté sociale est une théocratie. C'est Dieu qui est la clé de voûte de l'Etat. L'Etat n'est pas un Etat politique c'est "l'Etat de Dieu".
Remarquez que la conception de l'Etat formant corps avec la religion est une vieille tradition non seulement asiatique mais encore occidentale, et que même chez nous la notion de l'Etat laïc est une nouveauté assez récente. On sait qu'au moyen-âge les sociétés étaient à base religieuse. Les Rois de France étaient "oints" à Reims, le sacre était un véritable sacrement, nos Rois avaient le pouvoir surnaturel de "guérir les écrouelles" ; c'étaient des sortes de prêtres.
Dans les Républiques grecques, Socrate fut condamné à mort pour "impiété". Dans l'ancienne Rome, le culte des Dieux Latins sous la République, puis le Culte de Rome et d'Auguste, sous les Empereurs, fit partie de la chose publique. Les premiers chrétiens furent persécutés par ce qu'ils représentaient des "infidèles". Telles sont un peu actuellement encore d'ailleurs les tendances de l'Hitlérisme par exemple qui considère le Catholicisme comme une sorte de religion concurrente.
En France même il a fallu arriver à 1791 pour obtenir la laïcisation des registres de l'Etat-Civil jusque-là tenus par les curés de paroisse, il a fallu arriver à 1792 pour voir la création d'écoles non confessionnelles et à 1905 pour entendre proclamer la séparation de l'Eglise et de l'Etat.
Aussi lorsque vous voyez que le Coran est le Code civil des musulmans, ne vous étonnez pas, c'est l'ancienne France.