HISTOIRE GÉNÉRALE DE L'ALGÉRIE
Les premiers habitants. Quels furent les premiers habitants de l'Afrique septentrionale ?
D'où sont-ils venus ?
Voilà deux questions délicates qu'il n'est pas permis de trancher avec certitude. Nous ne pouvons donc que résumer quelques-unes des opinions les plus accréditées, et rapporter les principales traditions sur lesquelles elles s'appuient.
"Depuis le Moghreb (couchant) jusqu'à Tripoli, ou pour mieux dire jusqu'à Alexandrie, depuis la mer romaine jusqu'au pays des noirs, toute cette région, dit l'historien musulman lbn-Kaldoun, a été habitée par la race berbère, et cela depuis une époque dont on ne connait ni les événements antérieurs ni même le commencement. "
Les écrivains grecs et romains ne paraissent pas avoir soupçonné l'unité de cette race.
" Ces écrivains, dit Maurice Wahl, se souciaient peu d'ethnologie ; ils voyaient dans l'Afrique du Nord des peuplades dont chacune avait son nom particulier, n'ayant ni les mêmes chefs ni les mêmes lois, toujours en guerre les unes contre les autres.
"Ils n'en cherchaient pas davantage et décrivaient ce qu'ils voyaient, sans rapprocher ni généraliser.
" La question de l'origine des Berbères, obscure comme toutes les questions d'origine, a donné lieu à diverses théories, fondées sur l'observation des faits actuels, sur les textes anciens, sur des rapprochements que fournissent l'histoire, la géographie, la philologie.
" Le général Faidherbe explique la présence de nombreux types blonds que l'on trouve dans l'Afrique du Nord par une invasion de Kymris.
"Ces mêmes guerriers à la longue chevelure, aux yeux bleus, au teint blanc, qui firent la conquête de la Gaule, auraient couru par l'Espagne et Gibraltar jusque dans le pays berbère. Ils auraient élevé tous ces monuments mégalithiques aussi fréquents sur le sol algérien que sur celui de la France.
" D'autres assignent aux Berbères une origine purement orientale ; ils seraient des Kouschites venus de l'extrême Asie. "
Les traditions berbères semblent se prononcer pour une origine chananéenne.
Procope cite une Inscription portant ces mots :
" Nous sommes les descendants de ceux qui ont fui devant la face de Josué. "
Ibn-Khaldoun dit à son tour :
" Les Berbères sont les descendants de Chanaan, fils de Cham, fils de Noé. Leur aïeul se nommait Mazigh ; leurs frères étaient les Gergésiens ; les Philistins étaient leurs parents. "
Ces Gergésiens ne sont autres que les Gergésiens de Procope.
Les premières populations de l'Afrique septentrionale furent formées d'éléments divers venus de l'Europe, de l'Asie Mineure, du Plateau central de l'Asie, peut-être de la Mongolie elle-même, du centre ou du littoral de l'Afrique.
L'Afrique septentrionale formant un point central entre le Soudan au Sud, l'Europe au Nord, l'Asie à l'Est, a dû être envahie dans les temps anciens par des conquérants et des émigrants de nationalités diverses.
Ne reçoit-elle pas encore aujourd'hui un appoint de population de toute provenance ?
Laissons parler maintenant les écrivains de l'antiquité.
" Les Maures, dit Strabon, sont des Indiens, qui furent conduits en Afrique par Hercule. "
" Hercule étant mort en Espagne, écrit Salluste, une partie des troupes qui composaient son armée, c'est-à-dire les Perses, les Mèdes et les Arméniens, s'embarquèrent pour l'Afrique et firent alliance avec les peuples qui s'y trouvaient. "
Salluste fut, comme l'on sait, proconsul d'Afrique; cette qualité lui donne une certaine autorité que l'on ne saurait méconnaître.
" Au commencement, dit-il dans son récit de la guerre de Jugurtha, l'Afrique fut habitée par les Gétules et les Libyens, peuples grossiers et incultes ; ils se nourrissaient, comme les bêtes, de la chair des animaux et de l'herbe des champs ni moeurs, ni lois, ni chefs, ils allaient devant eux sans foyers ni maisons, s'arrêtant là où les surprenait la nuit. "
Toujours d'après Salluste, lorsque les Perses, les Mèdes et les Arméniens de l'armée d'Hercule, arrivèrent d'Espagne en Afrique, les Perses s'unirent par des alliances aux Gétules qui habitaient le Sahara.
Comme ils se déplaçaient souvent, ils prirent le nom de Numides, par corruption du mot nomades (?).
Quant aux Mèdes et aux Arméniens, ils se mêlèrent aux Libyens.
Le nom de Mèdes, altéré, se serait transformé en celui de Maures (?).
Les Perses, devenus Numides, s'établirent d'abord dans le Nord de la Tunisie et de la province de Constantine.
Ce fut donc là le pays primitif des Numides. Plus tard, affirme Salluste, grâce à l'appui des Gétules, supérieurs comme guerriers aux Libyens, ils s'emparèrent de tout le Nord de l'Afrique, s'assimilèrent les populations et leur donnèrent leur nom.
Suivant les auteurs anciens, le nom de Numides aurait été donné aux peuples de l'Afrique du Nord par les Grecs qui, frappés de leurs habitudes errantes, les avaient caractérisés par l'appellation de nomades, Nomaïdé, du mot nomê, qui signifie pâturages.
Tel est du moins le récit de Strabon.
Letourneux, dont les savants travaux sur l'Algérie sont connus de tous, émet l'opinion qui confirmerait le dire de Salluste, c'est que ces peuples auraient pris eux-mêmes cette dénomination.
Elle serait formée de deux mots de leur langue : nu, même radical que na, qui signifie en langue berbère population, et Maide, Mèdes.
Après avoir été longtemps appliquée par les Romains à la presque totalité de l'Afrique septentrionale, l'appellation de Numidie ne désigna plus que le territoire compris entre Carthage et l'Oued-EI-Kebir, ou Ampsaga.
La région située entre l'Oued-El-Kebir et l'Océan prit le nom de Mauritanie, du nom d'un peuple du Nord de l'Afrique, les Maures ou Maurusiens, établis à l'Ouest.
Nous ne savons presque rien de ces peuplades primitives.
On pense cependant qu'il existait entre elles une certaine conformité de croyances.
Libyens, Gétules, Numides, Maurusiens, adoraient le soleil, la lune, les étoiles, et entretenaient dans des espèces de Temples un feu perpétuel.
Leur culte était déshonoré par des sacrifices humains.
Domination carthaginoise. - De bonne heure les Phéniciens s'établirent en Afrique, en Espagne, en Gaule, en Italie, et dans les grandes Iles méditerranéennes.
En Afrique, les Sidoniens fondèrent plusieurs villes importantes, Utique, Leptis, Oea, Sabrata, Thapsus.
Vers l'an 880 avant Jésus-Christ, une émigration considérable de Tyriens, comprenant une foule de hauts personnages et de prêtres, vaincus dans leur lutte contre le tyran Pygmalion, que soutenait le parti populaire, partit de Tyr, à la suite de Didon, emportant ses richesses et ses dieux.
La légende de Didon est trop populaire pour que nous la racontions ici.
Les Tyriens émigrés agrandirent Kambé et en firent la nouvelle Carthage.
Merveilleusement située pour le commerce, bien protégée par la forteresse de Byrsa, la cité de Carthage, d'abord limitée à un territoire étroit, grandit avec rapidité, étendit sa suprématie sur les autres villes phéniciennes, imposa sa domination ou sa suzeraineté aux peuples voisins, et s'empara de la Corse, de la Sardaigne et de la Sicile, où elle retrouvait d'anciennes colonies de même origine qu'elle.
Mais, pendant que se développait la puissance carthaginoise sur les différents rivages méditerranéens, l'Italie voyait naître et grandir un peuple d'une ambition démesurée et admirablement organisé pour la guerre.
Nous avons nommé le peuple romain.
Maîtresse de l'Italie jusqu'au Détroit de Messine, Rome voulut l'être aussi de la Sicile.
Ainsi éclata, entre les deux plus puissantes républiques de l'antiquité, une lutte grandiose qui commença en 264 et ne se termina qu'en 146 avant Jésus-Christ.
Il n'entre pas dans notre cadre de raconter ici cette merveilleuse épopée, illustrée par les exploits des Duillius, des Regulus, des Annibal, des Fabius, des Varron et des Scipion. Malgré les prodigieux efforts d'Annibal, Rome triomphe à Zama, puis Carthage succombe sous les coups de Scipion Émilien.
La destruction de Carthage eut un immense retentissement.
Tout un monde s'écroulait avec la métropole phénicienne.
Domination romaine. - Maîtres de Carthage, les Romains auraient pu étendre immédiatement leurs conquêtes en Afrique.
Mais le Sénat, par prudence, évita de se lancer dans une nouvelle guerre à travers un pays difficile et mal connu.
Rome laissa donc subsister les royaumes de Numidie et de Mauritanie sur lesquels elle exerça un véritable protectorat. Tacite traduit exactement cette situation en appelant les rois numides et mauritaniens reges inservientes.
Celles des cités phéniciennes, qui avaient montré trop d'attachement à la métropole, furent détruites ou démantelées. Les autres, au contraire, comme Utique, s'enrichirent des dépouilles et s'emparèrent du commerce de Carthage.
Des colonies italiennes ne tardèrent pas à se former.
Bientôt Rome put désigner la Méditerranée sous le nom de " notre mer ",mare nostrum.
Masinissa, le plus célèbre des rois numides et le fidèle allié de Rome, qui l'avait comblé de richesses et d'honneurs, était mort avant la prise de Carthage.
Son fils Micipsa régna jusqu'en 118.
En mourant, il avait partagé son royaume entre ses deux fils, Hiempsal et Adherbal, et son neveu Jugurtha, jeune prince qui, à une grande bravoure, joignait une ambition plus grande encore.
Peu de temps après la mort de Micipsa, Jugurtha fit assassiner Hiempsal.
Adherbal prit les armes pour venger le meurtre de son frère.
Mais il fut vaincu et obligé de chercher un refuge à Rome même.
Le Sénat voulait que la Numidie restât divisée.
Mais, en partie gagné par l'or de Jugurtha, il agit mollement et se contenta d'envoyer en Afrique dix commissaires chargés de partager le royaume entre les deux princes numides.
Les présents de Jugurtha, qui avaient déjà corrompu les plus fiers patriciens de Rome, achetèrent aussi les dix commissaires.
Le neveu de Micipsa obtint la meilleure part.
Les envoyés romains avaient à peine quitté la Numidie qu'Adherbal fut attaqué par Jugurtha. Vaincu, il s'enferma dans Cirta, et périt ensuite dans les supplices lorsque la famine eut contraint la ville à capituler.
Les Numides qui lui étaient restés fidèles furent égorgés.
Les marchands italiens fixés dans la ville subirent le même sort.
Ce crime atroce excita dans Rome une telle indignation que le sénat, au sein duquel Jugurtha comptait de nombreux amis, fut forcé de déclarer la guerre à l'audacieux Numide.
Mais le consul Calpurnius lui vendit la paix.
Sommé de se rendre à Rome, Jugurtha osa y comparaître, acheta le tribun Memmius, corrompit par des largesses bon nombre de hauts personnages, et poussa l'audace jusqu'à faire assassiner dans Rome même son cousin Massiva, petit-fils de Masinissa, que l'on avait le dessein de porter au trône de Numidie.
C'en était trop.
Le Sénat lui ordonna de sortir à l'instant même de Rome.
" Ville à vendre ! s'écria-t-il lorsqu'il en eut franchi les portes, il ne te manque qu'un acheteur." La guerre était déclarée.
Le héros numide connaissait la tactique et l'organisation de l'armée romaine, dans laquelle il avait brillamment servi.
Il sut, en outre, profiter habilement des ressources que son pays accidenté offrait pour une guerre défensive.
Deux consuls incapables furent successivement défaits et les légions romaines passèrent sous le joug.
Enfin, un homme intègre et sévère, un général habile et de grand renom, Metellus, est envoyé en Numidie,
Vaincu à Suthul (109), Jugurtha perd successivement Cirta, sa capitale, puis plusieurs villes de l'intérieur ou de la côte.
Mais la gloire de terminer cette longue guerre était réservée à Marius, lieutenant de Metellus.
Devenu consul, Marius poursuivit vivement le roi numide, lui enleva ce qui lui restait de villes et de forteresses, et, dans deux grandes batailles, anéantit presque son armée, ainsi que celle de son allié Bocchus, roi de Mauritanie.
Sylla, questeur de Marius, par sa diplomatie habile, parvint à séduire Bocchus, qui, après bien des incertitudes, se décida à lui livrer son gendre Jugurtha, qui fut emmené à Rome, où il orna le triomphe de Marius.
Jugurtha mourut dans les cachots de Tullianum (104).
En récompense de sa lâche trahison, Bocchus reçut la Numidie occidentale.
Le centre des possessions de Jugurtha fut laissé à des descendants de Masinissa.
On réunit le reste à la province romaine d'Afrique, qui devait bientôt englober le tout.
Pendant les guerres civiles, Juba Ier embrasse le parti de Pompée et se tue comme Caton, après la défaite des Pompéiens à Thapsus.
Une partie de la Numidie est alors incorporée à la province romaine et la Mauritanie s'agrandit de l'autre.
Le trône de Mauritanie, devenu vacant par l'extinction de ses rois, est donné par Auguste a Juba II, prince éclairé, dont l'éducation toute romaine assurait la soumission.
Ce souverain, ami des lettres et des arts, littérateur lui-même, embellit sa capitale, Julia Cœsarea, aujourd'hui Cherchel, de splendides Édifices et fit construire le magnifique Monument désigné sous le nom de Tombeau de la Chrétienne.
Après la mort de Juba II, à la suite d'un soulèvement provoqué en Afrique par le meurtre du dernier roi Ptolémée, la Mauritanie fut à son tour annexée à la province romaine.
Dès lors tout est romain en Afrique, de l'Isthme de Suez au Détroit de Gibraltar.
A partir de l'an 42 après Jésus-Christ, l'Afrique forme quatre provinces 1° l'Afrique propre ; 2° la Numidie ; 3° la Mauritanie Césarienne ; 4° la Mauritanie Tingitane.
La grande cité de Carthage, relevée de ses ruines, devint le chef-lieu de toutes les possessions romaines d'Afrique et la résidence du proconsul.
Le règne d'Adrien marqua une ère de prospérité pour l'Afrique romaine.
Sous Dioclétien, l'Afrique forma un diocèse de la préfecture d'Italie, et comprit six provinces, Tripolitaine, Byzacène, Zeugitane, Numidie, Mauritanie Sitifienne, Mauritanie Césarienne.
La Cyrénaïque, à l'Est, faisait partie du diocèse d'Orient.
La Mauritanie Tingitane, à l'Ouest, était rattachée au diocèse d'Espagne.
Il faut rendre aux Romains cette justice que, pendant leur domination, l'agriculture, le commerce et l'industrie fleurirent sur toute l'étendue de la province d'Afrique.
Carthage, que César a fait rebâtir, recouvre en partie son ancienne prospérité, et dispute à Alexandrie le second rang dans le monde romain.
Viennent ensuite, comme cités importantes, les deux Leptis, Hippo Zarytus, ou Bizerte, Hippo regius, ou Hippone, Adrumète, Rusicada, ou Philippeville, Cirta, ou Constantine, Lambœsis, ou Lambèse, Calama, ou Guelma, Théveste, ou Tébessa, Sitifis, ou Sétif, Thamugas, ou Thamgad, Saldœ, ou Bougie, Rusgunia, ou Matifou, dans le voisinage d'Alger. Auzia, ou Aumale, Tipaza, ou Tifech, Cœsarea, ou Cherchel, Pomarin, ou Tlemcem, Tingis, ou Tanger.
Un vaste réseau de Voies romaines, dont on voit encore les solides dallages sur bon nombre de points, mettait en communication les villes de l'Afrique romaine ainsi que les Postes militaires.
Une grande Voie parallèle au littoral reliait Carthage à Tanger.
Dans l'intérieur des terres couraient aussi de l'Est à l'Ouest, diverses Routes reliées à la Voie côtière par des Voies transversales.
La Table de Peutinger reproduit le tracé de ces Routes, dont le temps n'a pas encore effacé les traces, et qui furent de précieux auxiliaires en temps de guerre.
Elles contribuèrent aussi à donner, en temps de paix, un merveilleux essor aux travaux de l'agriculture dont les produits étaient facilement dirigés vers le littoral d'où on les expédiait en Italie.
Si l'Afrique mérita le nom de grenier de Rome, c'est que les Romains ne négligèrent rien pour accroître la fécondité naturelle du sol.
Nous voyons encore, sur divers points, des vestiges de Barrages, de Citernes, de Canaux. de Moulins, qu'ils construisirent.
Ils excellaient dans l'art de capter et de détourner les eaux, trésor inappréciable sur la terre d'Algérie, trop souvent exposée à la sécheresse.
Dût notre orgueil national en souffrir, il faut confesser que les Romains furent nos maîtres sur ce point.
Jusque dans le Hodna se montrent encore des vestiges d'irrigation d'origine romaine.
Non seulement Rome eut l'art de tirer habilement parti des produits agricoles de l'Afrique, qu'elle développa par une culture bien entendue, mais encore elle sut utiliser ses richesses minérales.
Bon nombre de gisements de fer, de plomb et de cuivre, dont les minerais enrichissent aujourd'hui les compagnies qui les exploitent, étaient connus d'eux.
On peut voir encore, notamment dans la Plaine des Karésas, près de Bône, les vestiges de Fonderies romaines.
L'importante mine de fer du Mokta-el-Hadid était exploitée par les Romains, au moins à ciel ouvert, ce qui a été prouvé par la découverte d'outils anciens enfouis dans le sol.
Partout aussi se voient les ruines grandioses d'Aqueducs, de Thermes, de Temples, de Théâtres, d'Arcs-de-Triomphe, de Tombeaux somptueux et de villes opulentes.
Les Romains savaient, selon le précepte de leur grand poète, joindre l'utile a l'agréable.
Ajoutons qu'ils trouvaient sur place, pour l'édification de leurs Temples et de leurs Palais, des marbres superbes, dont les Carrières du Fort-Génois, de Filfila, d'Aïn-Tekbalet, et d'autres encore, sont loin d'être épuisées aujourd'hui.
Sans doute, l'amour excessif des jeux du Cirque pénétra avec les Romains dans l'Afrique septentrionale.
Mais ils y introduisirent aussi le culte de l'esprit.
" Carthage, dit Salvien, possédait des établissements pour toutes les fonctions publiques, des écoles pour les arts libéraux, des académies pour les philosophes, enfin des gymnases de toute espèce pour l'éducation. "
Ce que Salvien dit de Carthage peut s'appliquer à plusieurs villes.
Fronton, Apulée, Tertullien, saint Augustin, donnèrent un grand lustre à la littérature africaine.
Mais cette civilisation, si brillante à la surface, cachait un grand vice, celui de l'esclavage.
Là est tout le secret de sa disparition.
Là aussi gît la cause de ces fréquentes révoltes qui agitèrent tant de fois, sans la bouleverser d'abord, l'Afrique septentrionale.
La lutte des plébéiens et des patriciens, qui bien souvent avait mis l'Italie en ébullition, se continuait en Afrique, où les esclaves, les colons, véritables serfs de la glèbe, en un mot la multitude des affamés, s'unirent à diverses reprises aux indigènes turbulents et mécontents pour la révolte ouverte contre les opulents propriétaires de Villas ruisselantes du luxe le plus raffine.
Qu'importaient les Monuments superbes, les Thermes élégants, les Portiques gracieux, à ceux qui manquaient de pain et dont le fouet du maître faisait saigner l'échine au moindre caprice !
Le drapeau de la France porte dans ses plis la civilisation et non l'esclavage, et bien qu'on nous accuse, à tort ou à raison, de n'être pas aussi habiles colonisateurs que les Romains, nous valons cent fois mieux qu'eux.
Le Christianisme, introduit de bonne heure en Afrique, y fit de véritables progrès vers la fin du IIe siècle.
Une religion, qui prêchait l'égalité et la fraternité, devait trouver un puissant écho dans cette société romaine où l'esclavage était élevé à la hauteur d'une institution politique.
Domination vandale. - Le comte Boniface, gouverneur de la province d'Afrique, jaloux de la faveur dont le général Aétius jouissait à la cour de Placidie, et croyant son mérite et ses services méconnus, oublia dans un moment de colère criminelle tous ses devoirs envers la patrie. Il se révolta et appela les Vandales d'Espagne à son aide.
Ceux-ci se hâtèrent de répondre à son appel ; car ils étaient pressés en Espagne entre les Wisigoths et les Suèves, et la terre d'Afrique si renommée par sa fertilité excitait leur convoitise.
Boniface leur avait promis les Mauritanies jusqu'à l'Ampsaga, Oued-EI-Kebir.
Sous la conduite de leur roi Genséric, chef d'une ambition démesurée, d'un courage à toute épreuve et d'une dissimulation profonde, les Vandales, auxquels s'étaient joints les Alains, franchirent le Détroit de Gibraltar, traînant à leur suite leurs femmes et leurs enfants. saccagèrent la Mauritanie et occupèrent ensuite eu Numidie le territoire qui leur était livré.
Ils n'étaient que 50,000 combattants à leur départ d'Espagne.
Mais cet effectif se grossit bientôt d'une multitude de mécontents et d'opprimés, d'Ariens, de Donatistes, de Maures et de Gétules.
Cependant Boniface s'était réconcilié avec Placidie.
Comprenant, mais trop tard, qu'en appelant de tels auxiliaires il s'était donné des maîtres, il essaya de se débarrasser des Vandales en offrant à Genséric des sommes immenses s'il se décidait à regagner l'Espagne.
Genséric ne voulut pas abandonner sa proie.
Insensible aux menaces comme aux promesses, il reprocha avec hauteur son manque de foi à celui qui l'avait appelé et le força à combattre.
Boniface fut défait et rejeté dans Hippone.
Les Vandales assiégèrent la ville, qui avait alors pour évêque l'illustre saint Augustin, dont le courage et le dévouement pendant ces jours d'épreuve furent au-dessus de tout éloge.
Maître d'Hippone, qu'il réduisit en cendres (429), Genséric signa avec Valentinien un Traité qui lui garantissait, moyennant un tribut, la possession de ses premières conquêtes.
Cette trêve dura dix ans.
Mais le roi vandale ne cessait de tourner ses regards vers l'opulente Carthage dont il avait rêvé de faire la capitale de son nouveau royaume.
En 439, à la faveur de l'aveugle sécurité qu'il avait su inspirer aux Romains, Genséric attaqua Carthage à l'improviste et s'en empara.
L'empire vandale d'Afrique devait avoir une durée éphémère, comme celle de tous les empires que la violence a formés et qui s'écroulent dès que la main énergique qui les a élevés n'est plus là pour maintenir dans l'obéissance les différents peuples auxquels la force seule pouvait imposer des lois.
Sous le beau ciel d'Afrique, les Vandales s'amollirent.
Bientôt ces rudes soldats recherchèrent les vêtements luxueux, les jeux du Cirque et la bonne chère, panem et circenses.
Leur décadence commença le jour où ils se furent imprégnés des vices des Romains.
Genséric, en léguant son vaste empire à ses héritiers, ne leur avait pas transmis ce génie politique et militaire qui avait su le fonder.
Sous le règne de ses successeurs immédiats, le royaume vandale présenta de notables symptômes d'affaiblissement et de décadence.
Enfin Gélimer monta sur le trône après avoir renversé Hildéric, le dernier descendant de Genséric, devenu impopulaire à cause de la faveur qu'il accordait aux Catholiques orthodoxes.
L'usurpation du trône vandale par Gélimer fournit à Justinien, empereur d'Orient, l'occasion d'intervenir.
Le moment était propice.
Le peuple vandale, énervé par les délices de l'Afrique comme autrefois les soldats d'Annibal par les délices de Capoue, était, en outre, déchiré par des discordes religieuses.
Bélisaire, le plus habile général du règne de Justinien, débarqua, à la tête d'une armée de 15,000 hommes, à Caput-Veda, sur les confins de la Tripolitaine et de la Byzacène, afin d'assurer au besoin sa retraite par la Cyrénaïque et l'Égypte.
Les Romains étaient pour lui.
Quant aux indigènes, ils lui étaient favorables, étant par nature les ennemis du maître.
Les succès de Bélisaire furent rapides.
Trois mois après son débarquement, il gagna la bataille décisive de Tricaméron (531) et prit possession de l'Afrique, de la Sardaigne et des Iles Baléares.
Gélimer, cerné sur le Mont Pappua, l'Ëdough, près de Bône, selon les uns, le Mont Nador, voisin de Guelma, selon les autres, dut faire sa soumission.
On lui donna dans la Galatie des domaines où il acheva tranquillement sa vie.
Bélisaire jouit à Constantinople des honneurs d'un superbe triomphe.
Ainsi finit, après un siècle, l'empire vandale d'Afrique.
Domination byzantine. - Justinien, maître de l'Afrique, lui donna une organisation analogue à celle qu'elle avait au moment de la conquête vandale.
En même temps, il prescrivit de réparer les anciennes Forteresses et d'en construire de nouvelles.
Des Fortifications d'origine byzantine se voient encore sur plusieurs points, notamment à Tébessa, à Madaure et Thamgad.
Justinien ne put toutefois réaliser toutes ses espérances.
La Tingitane et l'intérieur de la Césarienne ne furent jamais occupés.
Les indigènes, poussés à bout par la rapacité des collecteurs d'impôts, exaetores, qui livraient le pays à une avide exploitation, se soulevèrent contre leurs nouveaux maîtres, et cette révolte faillit arracher à l'empire les provinces qu'il venait à peine de conquérir.
Les révoltés se jetèrent sur les fertiles plaines de la Numidie et de la Byzacène, où ils furent écrasés par le général Salomon, successeur de Bélisaire dans le commandement de l'armée d'Afrique.
Plus de 10,000 Maures ou Numides restèrent, dit-on, sur le champ de bataille.
Les triomphes de Salomon remirent un instant au pouvoir de l'empereur d'Orient quelques portions intérieures du pays qui déjà lui échappaient.
Mais, après que la Byzacène eut été reconquise, la lutte continua en Numidie, où le sol très accidenté rendait difficile la poursuite des révoltés.
Une mutinerie de ses soldats contraignit Salomon à se réfugier en Sicile, où il fut accompagné par sept personnes seulement, parmi lesquelles se trouvait Procope, l'historien de la guerre dont nous résumons à grands traits les faits principaux.
Bélisaire, rentré en faveur à la cour de Constantinople, marcha contre les rebelles et les dispersa après les avoir vaincus près du fleuve Bagradas, aujourd'hui la Medjerda.
Mais il dut bientôt faire voile pour la Sicile, où une grave insurrection réclamait sa présence.
Germanus, neveu de Justinien, fit rentrer dans le devoir les révoltés d'Afrique.
Salomon, investi pour la seconde fois du commandement de l'Afrique, conduisit une colonne dans l'Aurès, pénétra jusqu'au Zab et revint par Sitifis, Sétif.
Il fut tué ensuite dans une bataille contre les révoltés.
Ses successeurs ne furent que des généraux inhabiles ou ambitieux jusqu'au jour où la cour de Byzance envoya en Afrique comme gouverneur Jean Troglita, frère du mathématicien Pappus.
Troglita battit les Maures en plusieurs rencontres, dans lesquelles périrent dix-sept de leurs princes.
Cette guerre a inspiré à Corippus un poème connu sous le titre de Johannide.
La répression de cette révolte, qui paraît avoir été formidable, fut le dernier exploit des Grecs du Bas-Empire en Afrique.
Domination arabe. - Les Gréco-Byzantins avaient conquis l'Afrique septentrionale en 534.
Ils la perdirent de 641 à 650.
Le pays, épuisé par la guerre et par les exactions des gouverneurs qui avaient sucé jusqu'à la dernière goutte de son sang, s'offrait comme une proie facile aux disciples de Mahomet.
Depuis 618, les Goths d'Espagne occupaient la Mauritanie Tingitane.
Dès 644, les Arabes, maîtres de l'Egypte, poussèrent leurs conquêtes le long du littoral méditerranéen, et menacèrent Carthage.
En 645, le patrice Grégoire, gouverneur d'Afrique, profita des embarras de la cour de Byzance pour se faire proclamer roi par les indigènes dont il avait su capter la confiance.
Il s'établit à Suffetula, dans la Byzacène.
L'usurpateur essaya vainement d'arrêter les Arabes que conduisait Abdallah, l'un des plus habiles et des plus intrépides généraux de l'Islam.
A l'approche de ses 40,000 guerriers, les habitants de Tripoli s'enfuirent, emportant ce qu'ils avaient de plus précieux.
Une sanglante bataille eut lieu entre les troupes d'Abdallah et celles de Grégoire.
Celui-ci fut vaincu et tué.
Suffetula tomba au pouvoir des Musulmans.
Les vainqueurs vendirent fort cher aux indigènes une paix éphémère, se promettant bien de revenir bientôt et de faire la conquête d'une contrée dont la fertilité et la richesse avaient enflammé leur cupidité.
Vers 670, sous les ordres de Sidi-Okba, qui a laissé son nom à une Oasis située près de Biskra, où l'on montre son Tombeau que visitent encore de nombreux pèlerins, le plus brave des lieutenants du calife Mohaviah, les Arabes défirent en plusieurs rencontres l'armée des Byzantins.
Afin de mieux assurer la possession du pays conquis, Okba fonda la place d'armes de Kairouan, qui devint en peu de temps une cité florissante et fut choisie comme résidence des gouverneurs Musulmans d'Afrique.
Puis le conquérant s'enfonça dans le Sahara pour soumettre Ghadamès et les Oasis du Fezzan.
Lors d'une seconde expédition, il entra dans le Zab, le parcourut, et, continuant sa route à travers le Moghreb, il atteignit triomphant les bords de l'océan Atlantique.
Là, pris d'un enthousiasme plutôt sauvage que religieux, il s'écria, dit-on, en poussant son cheval dans les flots :
" Grand Dieu! si cette mer n'était pour moi un obstacle invincible, j'irais jusqu'aux royaumes inconnus de l'Occident, je prêcherais sur ma route l'unité de ton saint nom, et je passerais au fil de l'épée les peuples qui adorent un autre Dieu que toi ! "
Le conquérant revint ensuite sur ses pas.
Les Berbères insurgés l'arrêtèrent.
Okba, qui avait commis l'imprudence de disperser presque toutes ses troupes dans les provinces conquises, et de ne garder auprès de lui que 300 ou 400 soldats, comprit qu'il était perdu, mais du moins il voulut mourir en brave musulman.
Après avoir dit sa prière, il brisa le fourreau de son épée, bien décidé à vendre chèrement sa vie.
Ses compagnons, entraînés par son exemple, se jetèrent comme des furieux sur leurs ennemis cent fois au moins supérieurs en nombre.
Okba expira sur un monceau de cadavres.
Le champ de bataille qui fut son tombeau porte encore le nom de Champ d'Okba.
Nous ne ferons pas ici le récit des luttes nombreuses que les Arabes eurent à soutenir pour soumettre l'Afrique à leur loi, ni celui des révolutions qui déchirèrent le monde Musulman à l'avènement des Abbassides.
Pour ne pas sortir du cadre qui nous est imposé, nous retracerons brièvement les faits principaux dont l'Afrique fut le théâtre depuis la fin du VIIe siècle jusqu'à l'époque de la prise de possession de l'Algérie par les Turcs.
Sous le règne du calife Abd-el-Melek (692-698), Hassan s'empara de Carthage, qu'il livra aux flammes, et qui ne se releva plus de cette nouvelle ruine.
Hassan assit ensuite la domination arabe tout le long du littoral africain.
Au commencement du VIIIe siècle, les Musulmans, déjà maîtres de Tanger, jetèrent leurs regards au delà du Détroit des Colonnes-d'Hercule.
Tarik le franchit en 711 et l'appela Djebel-Tarik, Montagne de Tarik, d'où, par corruption, est venu le nom de Gibraltar.
Les Arabes allaient se mesurer pour la première fois avec les Barbares du Nord.
Les Wisigoths, affaiblis par les discordes, énervés par une longue paix et la douceur du climat espagnol, n'étaient plus les redoutables guerriers d'autrefois.
Ils furent taillés en pièces par les Musulmans (711) près de Xérès, sur les bords de la petite rivière de Guadalète.
Roderic, leur roi, périt dans la mêlée.
Ainsi finit le royaume wisigoth d'Espagne.
Les Arabes, écrasés à Poitiers (732) par Charles-Martel, se rejetèrent sur l'Espagne où ils se maintinrent jusqu'en 1492.
Cependant l'Afrique était profondément troublée par des révoltes continuelles.
Dès 740, les imans indigènes luttent, avec succès parfois, avec acharnement toujours, contre les troupes des califes.
" Il fut livré 374 batailles ", dit Ibn-Khaldoun.
Pendant des siècles, les différentes sectes religieuses qui divisaient les Musulmans d'Afrique firent couler dans ce pays des flots de sang.
Des États et des royaumes rivaux se formèrent sur divers points et se firent les uns aux autres une guerre implacable.
Tunis, Bougie, Tlemcen, Fez, furent les capitales de royaumes qui jetèrent un certain éclat.
Mais les guerres ruineuses et fréquentes que se faisaient les États du Moghreb, les divisions des familles souveraines, les soulèvements des nomades, l'anarchie enfin, empêchèrent la société musulmane de se développer régulièrement en Algérie et appelèrent la conquête étrangère sur cette contrée.
Tanger et Ceuta appartenaient aux Portugais.
Après avoir pris Oran, Bougie, Tripoli, les Espagnols bâtissaient le Penon d'Alger.
Le roi de Castille exigeait un tribut de la plupart des petits États indigènes.
L'Algérie était mûre pour une domination nouvelle.
Domination turque. - Maîtres de Grenade, ce dernier boulevard de la puissance des Musulmans en Espagne, Ferdinand et Isabelle expulsèrent de leur royaume ceux des Maures qui ne voulaient pas supporter la domination des Chrétiens.
Ces exilés se fixèrent presque tous en Algérie, où ils se firent écumeurs de mer.
Ferdinand résolut de châtier ces pirates et il fit passer en Afrique une armée commandée par le marquis de Comarès.
Celui-ci s'empara de Mers-el-Kebir en 1504.
Mais ses troupes furent écrasées par les tribus de Misserghin, sur lesquelles il avait voulu étendre sa domination.
Pour venger cet échec, et aussi pour s'assurer l'honneur d'une Croisade contre les Infidèles, le cardinal Ximénès, alors tout-puissant à la cour d'Espagne, se mit à la tête d'une armée de 15,000 hommes, avec, pour lieutenant, Pierre de Navarre, l'un des hommes de guerre les plus renommés de son temps.
Ximénès s'empara d'Oran en 1509.
L'année suivante, Pierre de Navarre prit Bougie.
Aussitôt, plusieurs villes, notamment Alger, se hâtèrent de faire acte de soumission au roi d'Espagne.
Pierre de Navarre fit élever sur une des Iles situées en avant du Port d'Alger une Forteresse qui fut appelée Penon et dont les canons braqués sur la ville pouvaient la réduire en cendres en cas de révolte.
L'Algérie était donc sur le point de devenir espagnole, lorsque parurent, en 1518, deux audacieux chefs de pirates, deux frères, Aroudj et Kéreddine, qui vinrent offrir, en 1514, leurs services au bey de Tunis.
Celui-ci les accepta avec empressement.
Aroudj, après avoir essayé vainement de reprendre Bougie aux Espagnols, et même perdu un bras au siège de cette ville, s'était retiré à Djidjelli, lorsque le gouverneur d'Alger, Sélim Eutémi, sollicita son secours contre les Espagnols.
Eutémi voulait à tout prix détruire le Penon, qui se dressait devant lui comme une menace continuelle.
Aroudj ne prit pas le Penon, mais il fit étrangler Eutémi et se proclama souverain d'Alger.
Les Algériens, soumis ou terrorisés, acceptèrent la loi d'Aroudj, qui appela à lui tous les pirates de la Méditerranée et donna à sa milice une puissante organisation.
Baba-Aroudj, dont le nom a été changé par corruption en celui de Barberousse, que l'histoire a consacré, s'empara ensuite de Ténès et de Tlemcen.
Étroitement bloqué dans cette dernière ville par les Espagnols, il s'échappa pendant la nuit, mais, poursuivi et rejoint, il périt sur les bords du Rio-Salado, de la main d'un soldat qui le renversa d'un coup de pique et lui coupa la tête.
Le frère d'Aroudj, Khéreddine, à une intrépidité à toute épreuve, joignait une grande habileté politique, dont il fit preuve en faisant hommage de ses états à Sélim 1er sultan de Constantinople.
Sélim lui conféra le titre de pacha et lui envoya un secours de 2,000 hommes, en promettant la paye et les privilèges des janissaires à tous les Turcs qui consentiraient à aller guerroyer en Afrique.
En se plaçant sous la protection du sultan, Khéreddine avait fait un coup de maître.
Le chef de pirates devint tout d'un coup une véritable puissance avec laquelle l'Europe devait désormais compter.
L'Espagne ne tarda pas à l'apprendre à ses dépens.
Hugo de Moncade fut battu devant Alger, et le Penon, après une vigoureuse résistance, tomba au pouvoir des Turcs, qui le rasèrent (1530).
Avec les matériaux provenant de la démolition de la Forteresse espagnole, on construisit une Jetée.
Les pirates algériens eurent dès lors un Port pour abriter leurs vaisseaux légers, leurs felouques aux voiles pointues, qui se répandaient sur les côtes de France et d'Italie, s'attaquaient aux navires de guerre comme aux navires de commerce, pillaient la cargaison, enlevaient l'équipage, puis emmenaient matelots et passagers captifs sur la côte africaine.
Cependant Charles-Quint et l'amiral de Venise, André Doria, faisaient éprouver de rudes échecs à la marine ottomane.
Émerveillé des succès de son nouveau vassal Khéreddine, dont il admirait le caractère entreprenant, le sultan l'appela à Constantinople et lui conféra la dignité de capitan-pacha, la seconde de l'empire.
Dès lors, la fortune change de face.
Khéreddine enlève aux Vénitiens toutes les villes qu'ils ont conquises sur les Turcs, ravage les côtes d'Italie, détrône Moula-Hassan, roi de Tunis, qui s'était montré l'un de ses ennemis les plus acharnés, prend, au nom du sultan, possession de la ville, qu'il ne peut cependant empêcher de tomber au pouvoir de Charles-Quint, ravage les Baléares, les côtes de l'Albanie, se rend maître de plusieurs Iles appartenant aux Vénitiens, bat André Doria dans le Golfe d'Ambracie, emporte d'assaut Castel-Nuovo, place forte de la Dalmatie, et meurt en 1547, chargé d'ans et d'honneurs.
Malgré sa brillante fortune, il n'avait pas oublié Alger, dont il favorisa le développement de tout son pouvoir.
Khéreddine est, en effet, le véritable fondateur de la régence.
L'agha Hassan, qui commandait Alger depuis le départ de Khéreddine, réussit à repousser, en 1541, l'attaque de la formidable armée de Charles-Quint.
Il avait eu, il est vrai, un puissant auxiliaire dans la tempête, qui anéantit, en partie, près du Cap Matifou, la flotte de l'orgueilleux souverain de toutes les Espagnes.
A dater de ce jour, l'influence espagnole fut absolument détruite dans les États barbaresques.
Djidjelli, Collo, Constantine, Bougie, Tripoli, Tunis, Mostaganem, Tlemcen, Fez elle-même, tombèrent au pouvoir des Turcs.
Il ne resta guère aux Espagnols qu'Oran et Mers-el-Kebir.
Le gouvernement d'Alger, ébauché par Aroudj, subit dans la suite de nombreuses modifications.
La suzeraineté du sultan, d'abord effective, devint ensuite purement nominale, puis s'évanouit complètement.
Le dey d'Alger nommait les beys de Constantine, d'Oran et de Titteri.
Il gouvernait avec son divan.
Mais il était gouverné à son tour par les janissaires, qui faisaient et défaisaient les deys au gré de leurs caprices.
Tel était proclamé le matin qui le soir mourait de mort violente, en sorte que l'on se serait cru aux jours les plus troublés de l'anarchie romaine.
La milice ouvrait ses rangs à tous les scélérats, à tous les criminels du globe.
Pour y être admis, quels que fussent les antécédents ou la provenance des aventuriers qui s'offraient, il leur suffisait de se faire Musulmans.
Aussi les crimes abondent-ils pendant toute la longue période de la domination turque, pour la plus grande honte de l'Europe civilisée, qui n'a pas su ou n'a pas voulu écraser les pirates barbaresques.
Il est pourtant juste de dire que l'Espagne, la France et l'Angleterre, à plusieurs reprises, essayèrent de détruire dans leur nid ces redoutables corsaires.
La ville d'Alger fut bombardée plusieurs fois.
Mais ce repaire d'écumeurs de mer renaissait de ses cendres avec une rapidité merveilleuse.
Outre les janissaires, qui pillaient les tribus et vivaient de brigandage, il y avait, dans la régence d'Alger, les " reïss", véritables entrepreneurs de piraterie, équipant un navire, choisissant leurs hommes et croisant sur les côtes.
Au retour l'équipage se partageait les prises.
La piraterie prit un si grand développement qu'elle eut son code et ses lois.
L'audace de ces successeurs des pirates normands ne connut bientôt plus de bornes.
On les vit s'élancer jusqu'aux Canaries et désoler les côtes de la Manche et de la Baltique.
A la fin du XVIe siècle, affirment les historiens les plus dignes de foi, on comptait au moins 30,000 prisonniers chrétiens dans les différentes parties de la régence.
Dans la seule année 1582, 2,000 esclaves chrétiens furent vendus à Alger.
Ces esclaves étaient vendus dans un bazar particulier, et la valeur vénale de chacun d'eux dépendait de son âge, de sa force, et surtout de sa position sociale en Europe.
Les esclaves étaient rachetés soit aux dépens de l'État auquel ils appartenaient, soit par leurs parents ou leurs amis, soit encore par l'entremise des Religieux de la Merci.
On s'étonne à bon droit de l'impunité dont jouirent pendant près de trois siècles les pirates algériens.
Ce qui paraîtra encore plus incroyable, c'est que les États européens aient consenti à solliciter à prix d'argent une sécurité relative pour leur marine.
Aux plus beaux jours du brigandage en Grèce ou en Calabre, on ne payait rançon qu'après avoir été pris.
On paya les pirates arabes pour ne pas se laisser prendre.
Nous ne raconterons pas les expéditions que la France, l'Espagne et l'Angleterre entreprirent parfois, lorsque l'indignation était plus forte que la crainte.
Ce récit est du domaine de l'histoire particulière de la ville d'Alger que le lecteur trouvera dans notre description du département qui a cette ville pour chef-lieu.
Nous devons nous borner pour le moment à une simple mention des faits généraux qui ont précédé la conquête de 1830.
Dès 1520, François Ier, pour un moment l'allié des Turcs, quoique roi Très-Chrétien, avait obtenu du sultan l'autorisation d'établir quelques comptoirs sur la côte algérienne, et le droit pour les Français de pécher le corail entre Tabarka et Bône.
Sous Charles IX fut construit le " Bastion de France ", dont on voit encore les restes un Peu à l'Ouest de la ville de La Calle.
Des négociants de Marseille fondèrent des pêcheries de corail dans le voisinage de La Calle, du Cap Rose, et plus tard à Collo.
Ces établissements, qui faisaient aussi le commerce des laines, des cuirs, des cires et de blé, jouirent pendant un certain temps d'une grande prospérité, surtout au XVIIIe siècle.
Mais il est bon d'ajouter qu'ils avaient été ruinés plusieurs fois, surtout au début.
Sous le règne de Louis XIV, l'expédition de Djidjelli coûta 1,500 hommes et 100 canons, sans profit pour la France.
En 1682, Duquesne, avec ses galiotes à bombes, réduisit Alger en cendres.
Mais la ville répara ses ruines, et la piraterie refleurit de plus belle.
En 1688, le maréchal d'Estrées lança inutilement près de 10,000 bombes sur ce nid d'écumeurs de mer.
La même année, la Paix fut conclue entre Louis XIV et le dey d'Alger.
Depuis lors, la France commerça librement avec les États barbaresques.
Mais l'Espagne était peu respectée, et Charles III, en 1775, charges l'amiral O'Reilly de détruire Alger.
Ses soldats, après avoir pris position entre l'Harrach et la ville, furent culbutés par les Turcs auxquels s'étaient joints les Kabyles, et ils durent se rembarquer en toute hâte, laissant une partie de leur matériel de guerre au pouvoir de l'ennemi.
En 1816, une expédition anglaise, sous les ordres de lord Exmouth, incendia la ville et les navires qui se trouvaient dans le Port ; mais elle n'eut pas de résultat plus appréciable que ceux des expéditions précédentes.
Cependant les jours de la piraterie sont comptés, la France rentre en lice, et la terrible puissance de l'Odjak va enfin disparaître
Hussein, élevé au pouvoir en 1818, avait, en toute occasion, montré à l'égard de la France les dispositions les plus malveillantes.
Des discussions, que la mauvaise foi du dey rendait interminables, et dont le prétexte était une fourniture considérable de blé faite en 1793 à la France par les Juifs Bakri et Busnach, d'Alger, divisaient depuis longtemps le gouvernement français et celui de la régence.
Dans un moment d'orgueilleuse colère, Hussein s'oublie, un jour, au point de frapper au visage Deval, le représentant de la France (30 avril 1827) ; puis il ordonne la destruction de notre commerce et de nos comptoirs dans la régence.
La France, outragée, se lève, et, après avoir épuisé tous les moyens de conciliation, se présente devant Sidi-Ferruch le 13 juin 1830.
Nos troupes, débarquées les jours suivants, triomphent à Staouéli des forces turques grossies de contingents arabes accourus de tous les points de la régence.
Le 5 juillet, le drapeau français flotte sur les Tours de la Kasbah d'Alger.
Le général en chef montra beaucoup de générosité envers l'ennemi vaincu.
Cette générosité était louable, sans doute, mais certains engagements contractés par le vainqueur nous ont suscité bien des embarras.
Occupation française. - A partir de la reddition d'Alger, l'histoire générale de l'Algérie est intimement liée à l'histoire particulière des villes, des bourgs et des villages, que le lecteur trouvera dans les livraisons consacrées à la description des départements algériens.
Nous devons donc, pour ne pas faire double emploi, nous borner ici à une simple énumération des grands faits de la conquête.
(1830) Juillet, reconnaissances sur Oran et Blida ; Du 2 au 18 août, première occupation de Bône par le général Damrémont ; 2 septembre, remplacement du général de Bourmont par le maréchal Clausel ; 17 novembre, première occupation de Blida ; 24 novembre, première occupation de Médéa.
(1831) 4 janvier, évacuation de Médéa ; rappel du maréchal Clausel que remplace le général Berthezène ; 30 juin, pointe sur Médéa ; 17 juillet, combat de 1'Harrach 17 août, occupation définitive d'Oran par le général Boyer ; remplacement du général Berthezène par le général de Rovigo.
(1832) 27 mars, prise de la Kasbah de Bône par les capitaines d'Armandy et Yussuf ; mai, prise de Bône par le général Monk-d'Uzer ; novembre, Abd-el-Kader est salué émir par les Arabes.
(1833) 8 mai, attaque d'Oran par Abd-el-Kader; 3 juillet, occupation d'Arzew par le général Sauzet ; 28 juillet, occupation de Mostaganem par le général Desmichels ; 29 septembre, prise de Bougie par le général Trézel.
(1834) 20 février, Traité signé entre le général Desmichels et Abd-el-Kader; juillet, arrivée à Alger du général Drouet d'Erlon ; belle défense de Bougie par le colonel Duvivier.
(1835) Mars, établissement du Camp d'Erlon à Boufarik ; expédition de la Chiffa ; le maréchal Clausel, arrivé à Alger le 8 juillet, livre le 18 octobre des combats glorieux sur les bords de la Chiffa et de l'Oued-Djer ; 1er au 9 décembre, expédition contre Mascara, dirigée par le duc d'Orléans et le maréchal Clausel.
(1836) 13 janvier, occupation de Tlemcen par le maréchal Clausel ; 30 mars, expédition de Titteri ; 6 mai, établissement du Camp de Dréan, près de Bône ; 15 juillet, occupation de La Calle ; novembre, expédition désastreuse contre Constantine.
(1837) 12 février, le général Damrémont remplace le général Clausel ; 30 mai, traité entre Bugeaud et Abd-el-Kader, cause de guerres interminables et ne laissant à la France que le littoral de l'Algérie ; octobre, assaut et prise de Constantine, mort du général Damrémont.
(1838) Le général Valée devient gouverneur de l'Algérie ; 7 octobre, création de Philippeville.
(1839) Occupation de Blida ; 13 mai, prise de Djidjelli ; octobre, expédition des Biban ou Portes-de-Fer ; décembre, défaite des Khalifas d'Abd-el-Kader à la Chiffa.
(1840) 2 au 6 février, héroïque défense de Mazagran, parle capitaine Lelièvre ; 15 mars, prise de Cherchel ; 9 au 20 mai, prise de Médéa ; 7 au 15 juin, prise de Miliana ; décembre, expédition chez les Beni-Salah.
(1841) 14 janvier, combat du Sig, gagné par le général Lamoricière ; février, gouvernement du maréchal Bugeaud ; ravitaillement de Médéa et de Miliana ; expédition de Takdempt et de Mascara ; occupation de Mila par le général Négrier.
(1842) 30 janvier, arrivée de Bugeaud devant la ville de Tlemcen, évacuée la veille par Abd-el-Kader ; 9 février, destruction de Sebdou ; 15 février, occupation de Tlemcen ; mai et juin, opérations militaires de Tisser à Cherchel ; septembre et octobre, expédition en Kabylie ; septembre, octobre et novembre, opérations entre le Chélif et la Mina.
(1843) 13 mars, expédition de Saint-Arnaud chez les Beni-Menad ; 27 mars, fondation de Téniet-El-IIaâd par le général Changarnier ; 19 avril, fondation de Tiaret par le général Lamoricière ; 26 avril et 20 mai, fondation d'Orléansville et de Ténès ; expédition contre les tribus de l'Ouarensenis ; 16 mai, prise de la Smala d'Ab-el-Kader, par le duc d'Aumale ; d'avril à décembre, sanglants et glorieux combats dans lesquels périssent le général Moustafa et Allal- Ben-Embarek, le meilleur lieutenant d'Ab-el-Kader.
(1844) Mars, prise de Biskra par le duc d'Aumale ; mai, soumission du Bellezma ; 3 mai au 17, prise de Dellys ; 3 mai, agression des Marocains repoussée par le général Lamoricière ; 15 juin, bataille de l'Oued-Mouïla, gagnée par Bedeau ; 14 août, victoire gagnée par Bugeaud sur l'Isly.
(1845) Apparition de Bou-Maza dans le Dabra ; avril, le colonel Céry chez les Oulad-Sidi- Cheickh ; mai, soumission des Ouarensenis ; 1er mai au 21 juin, expédition de Bedeau dans les Aurès ;18 et 19 juin, soumission du Dahra et destruction des Oulad-Riah, par le colonel Pélissier ; 7 septembre, soumission des Beni-Raten ; septembre, intérim du général Lamoricière soulèvement de Tlemcen ; le colonel Montagnac à Sidi-Brahim; octobre, retour de Bugeaud ; expédition des Ouarensenis ; destruction de Goudjila ; expédition dans les Trara ; soumission du Hodna.
(1846) Janvier, soumission des Flitta par le colonel Pélissier ; bataille entre le colonel Canrobert et Bou-Maza, près de Ténès ; février, victoire de Bugeaud sur Abd-el-Kader en Kabylie ; mars, expéditions en Kabylie et au Djebel-Amour ; défaite d'un nouveau sultan à Terni par le général Cavaignac avril, soumission des Oulad-Naïl ; mai, le général Randon chez les Hanencha expédition du colonel Renault aux Oulad-Sidi-Cheickh ; 15 novembre, fondation d'Aumale.
(1847) 10 janvier, défaite des Oulad-jellall et fuite de Bou-Maza ; 7 février, soumission d'une partie des Nemencha ; 27 février, soumission de Ben-Salem et de Bel-Kassem-Ouf-Kaci ; 13 avril, reddition de Bou-Maza ; 14 mai au 30 juin, expédition de Bedeau à Mila et à Collo ; 23 décembre, Abd-el-Kader se rend au général Lamoricière, à Sidi-Brahim.
(1848) Mars, soumission du chérif Moulaï-Mohammed, qui avait soulevé une partie de la Kabylie ; 5 juin, soumission d'Ahmed, ex-bey de Constantine.
(1849) du 24 mars au 15 mai, expédition du général Pélissier dans les Ksour de la province d'Oran ; expéditions en Kabylie, dans le Zourara, chez les Oulad-Nail, contre Biskra et Zaatcha ; mort du commandant Saint-Germain à Seriana ; prise de Zaatcha; soumission de Bou-Saàda.
(1850) Prise de Nahra et de Branès ; expédition du général Mac-Mahon sur les frontières du Maroc ; expédition en Kabylie, de Sétif à Bougie ; mort du général de Barral chez les Beni-Immel expédition dans l'Aurès.
(1851) Expédition de Mac-Mahon à l'Oued-Kebir et à l'Oued-Guebli ; création du poste de Djelfa ; prise de Laghouat ; mort du général Bouscarin.
(1853) Expédition en Kabylie et à Ouargla.
( 1854) Expédition en Kabylie ; le général Desvaux à Tougourt, à Temacin et au Souf.
(1856) Expédition en Kabylie ; expédition à Dra-El-Mizan destruction de Djidjelli par un tremblement de terre.
(1857) Soumission définitive de la Kabylie ; création de Fort-National, primitivement Fort Napoléon.
(1858) Création d'un ministère de l'Algérie.
(1859) Expédition chez les Beni-Senous, sur les frontières du Maroc.
(1860) Insurrection dans le Hodna ; pacification de la Kabylie orientale ; voyage de Napoléon III en Algérie ; suppression du ministère de l'Algérie ; le maréchal Pélissier nommé gouverneur général.
(1862) Prise de Mohammed-ben-Aldallah, à Ouargla ; défaite de 2,000 Tunisiens dans le cercle de La Calle.
(1863) Décret réglant la constitution des douars arabes, et la remise à ces douars de terrains à titre de propriété définitive.
(1864) Insurrections des Oulad-Sidi-Cheickh et dans la Kabylie orientale ; assassinat du colonel Beauprêtre à Aïounet-Bou-Beker ; mort du maréchal Pélissier ; insurrections dans la province d'Oran ; le maréchal Mac-Mahon, gouverneur de l'Algérie ; insurrection de Si-Lala, dans le Sud de la province d'Alger.
(1865) Soumission des Oulad-Sidi-Cheickh nouvelle insurrection en Kabylie; voyage de Napoléon III dans les trois provinces.
(1866) Réorganisation des municipalités de l'Algérie les indigènes, administrés par l'autorité civile, sont rattachés aux communes ; création en territoire militaire de communes mixtes.
(1867) Tremblement de terre à Blida et aux environs.
(1868) Insurrection dans le Sud de la province de Constantine.
(1870) Nomination d'un gouverneur général civil.
(1871) Naturalisation des juifs ; formidable insurrection dans les provinces de Constantine et d'Alger, réprimée par les généraux de La Croix, Lallemand, Çérez, Saussier, les colonels Fourchault et Trumelet ; séquestre mis sur les biens des insurgés ; l'Algérie nomme ses conseillers généraux et ses députés, deux par province.
(1872) L'amiral de Gueydon, gouverneur, donne une puissante impulsion à la colonisation algérienne et crée de nombreux villages.
(1873) Le général Chanzy est nommé gouverneur général civil de l'Algérie, avec le commandement des forces de terre et de mer.
L'œuvre de la colonisation n'a pas cessé depuis 1871, sous l'autorité de l'amiral de Gueydon, du général Chanzy, des gouverneurs généraux Albert Grévy, Tirman et Cambon.
Les révoltes, qui ont éclaté dans la colonie depuis la répression énergique de la vaste insurrection organisée par le grand seigneur El-Mokrani, que l'empire avait comblé de faveurs et d'honneurs, n'ont été que des mouvements isolés, vite comprimés, et dirigés plutôt contre les chefs indigènes soutenus par la France que contre la France elle-même ; telles sont les révoltes d'El-Amri (1876) et de l'Aurès (1879).
Mais, dans le Sud-ouest, couvaient encore des germes de rébellion dont la marche du général de Galiffet jusqu'à EI-Goléa, en 1873, retarda pour un moment l'éclosion sans les étouffer complètement.
Le commencement de l'année 1880 a été marqué par l'horrible massacre, sur le territoire des Touareg-Hoggar, de la mission commandée par le colonel Flatters et chargée d'étudier le tracé du futur Chemin de fer transsaharien.
Peu de temps après ce lugubre épisode, l'assassinat du lieutenant Weinbrenner devenait le signal d'une insurrection dans le Sud oranais.
La révolte était depuis longtemps à l'état d'incubation, avons-nous dit plus haut, et c'est parce qu'on a tardé trop longtemps à entreprendre une action vigoureuse que les Ksourïens, sous la conduite du marabout Bou-amena, ont pu remporter un succès relatif à Chellala et porter l'incendie et le massacre jusque sur les Hauts-Plateaux de Saïda.
Aujourd'hui, l'accès du territoire de colonisation est fermé aux révoltés.
La fin de l'année 1882 a été signalée par la prise de possession définitive des belles Oasis et des villes des Beni-Mzab qui jusqu'à présent ne payaient à la France qu'un tribut minime et servaient de refuge aux brigands sahariens.
Au commencement de novembre, nos soldats, sous les ordres du général La Tour d'Auvergne, sont entrés sans coup férir dans Ghardaïa, la capitale de la confédération, et y ont installé l'administration française.
Les ministres de l'Instruction publique, des Travaux publics, des Postes et Télégraphes, ainsi que plusieurs membres du Parlement ont parcouru l'Algérie en 1887 et ils ont été émerveillés de ce qu'ils y ont vu.
En 1892, nous avons définitivement assuré notre prise de possession d'El-Goléa, par la construction du Fort Mac-Mahon et du Fort Miribel qui jalonnent notre pénétration à travers le Sahara.
La France Illustrée - Tome VI par V.-A. Malte-Brun - 1884.
Source gallica.bnf.fr/Bibliothèque nationale de France
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