Histoire générale de l'Algérie


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Bataille Sidi-Brahim

La bataille de Sidi-Brahim
racontait dans les numéros suivants de La Tafna


La Tafna N° 119
Mercredi 23 septembre 1885

Sidi-Brahim

Le 21 septembre 1845, le colonel de Montagnac, commandant supérieur de Djemmâa-Ghazouat (Nemours) quittait, pour opérer une reconnaissance, sa garnison avec 60 hussards et 5 compagnies de Chasseurs à pied, fortes de 346 hommes. Le
lendemain, cette colonne campait sur les bords de l'Oued Tarnana. Le 23, le colonel, laissant la garde du camp au commandant Froment-Coste, se mit en marche avec ses hussard et 3 compagnies. A 400 mètres en avant, il rencontra l'ennemi et, sa cavalerie ayant succombé presque toute entière, il dut opérer une retraite sur les Chasseurs qui accouraient au pas de course pour le secourir. On reprit l'offensive. Au passage d'un ravin qu'il fallut traverser, des cavaliers arabes, dissimulés dans les plis du terrain, jetèrent le désordre dans les rangs. Toutefois on se rallia promptement et on forma le carré. La colonne se trouvait aux prises avec toutes les forces d'Abd-el-Kader. Le Colonel tomba le premier ; ce fut une horrible tuerie...... Quelques mois plus tard, des ossements blanchis marquaient le carré où chacun mourut à son poste lorsque les cartouches manquèrent !....
Informé de l'attaque, le commandant Froment-Coste, laissant au capitaine de Géreaux la garde du camp, se porte avec 60 hommes au secours de l'infortuné colonel. A un quart d'heure du champ de bataille, le bruit de la fusillade cessant tout à coup lui apprend que tout est fini Déjà l'ennemi, exalté par son succès, l'entoure. Il fait former le carré. - " Nous sommes perdus ! " s'écrie un jeune soldat. - "Quel âge as- tu ? " lui demande l'héroïque commandant. - " Vingt-deux ans ! " - " J'ai souffert dix-huit ans de plus que toi, regarde comment on meurt ! " Et il tombe frappé à la tête. Il ne reste plus de cette poignée de braves que douze hommes criblés de blessures.
Cependant un hussard échappé au massacre a apporté au camp la nouvelle apporté du désastre. De Gereaux et son lieutenant Chappedelaine s'élancent avec 80 hommes au secours des survivants : bientôt entourés, ils parviennent, après trois heures d'un combat à la baïonnette, au marabout de Sidi-Brahjm ; le trouvant gardé, ils l'enlèvent d'assaut et s'y fortifient. Alors commence cette lutte épique qui devait illustrer à jamais le numéro au 8e Bataillon de Chasseurs à pied.
La colonne Barral opérait aux environs ; elle fut bien aperçue par le caporal Lavayssière qui avait essayé, sous une grêle de balles, d'attirer son attention en arborant un signal au sommet du marabout ; mais, aux prises elle-même avec l'ennemi, elle dut s'éloigner, emportant avec elle tout espoir de secours pour les assiégés.
Deux sommations de capituler sont repoussées. A une troisième, Lavayssière répond en écrivant le mot célèbre de Cambronne qu'il envoie à l'émir sous les yeux de son capitaine mourant qui trouve la force de sourire ! Abdel-kader s'approche alors et fait avancer devant lui une dizaine de prisonniers. Lavayssière leur crie de se jeter à terre et une fusillade terrible sème la mort autour de l'émir qui est lui même blessé à l'oreille. Un furieux assaut est repoussé : les assaillants criblent les assiégés de pierres ; (on en retira plus tard quatre prolonges de l'enceinte du marabout !) La nuit met fin au combat. Le 24, à 10 heures, nouvel assaut. Le 25, toutes les forces de l'émir se lancent désespérément contre le frêle retranchement. On se bat corps à corps. Effrayé des pertes qu'il subit, Abdelkader, désormais, se borne à un blocus rigoureux. Les assiégés sont brisés de fatigues, sans vivres sans eau, sous un ciel implacable ! Le capitaine se décide, le 20, à tenter une trouée sur Djemaa Ghazouat. La petite troupe se compose encore de 80 hommes, des deux officiers blessés du docteur Rosaguti et de l'interprète Lévy. On escalade en silence la muraille ; un premier poste surpris est massacré ; mais l'ennemi, étonné d'abord, harcèle maintenant la colonne. On fait deux lieues sans cesser de combattre. Les héroïques soldats emportent le cadavre de leur chef qu'il faut, hélas ! bientôt abandonner. Tous les officiers sont tués. On aperçoit la ville. Un défilé est forcé à la baïonnette. Il n'y a plus de carré possible : cinq hommes sont encore debout. Un seul, Lavayssière a conservé sa carabine, les autres sont désarmés ! Quelques chasseurs échappés au massacre de la colonne Montagnac les rejoignent. Ils arrivent neuf à Djemaa Ghazouat ! Une sortie de la garnison permet de ramener encore six malheureux blessés. .. .
Le 8e bataillon de Chasseurs à pied ne comptait plus que 15 hommes dont 8 succombèrent de leurs blessures !
Quarante ans ont passé depuis, mais une pieuse et touchante tradition a perpétué dans les trente bataillons de chasseurs à pied le souvenir glorieux de leurs aînés, j'allais dire de leurs ancêtres, morts au champ d'honneur !
Tlemcen, si proche du théâtre de ces combats héroïques, se souvient aussi et elle s'associe de coeur aujourd'hui à la fête militaire instituée pour consacrer la date inoubliable des 23, 24 et 25 septembre 1845.
Gloire à l'armée! Honneur à la France !
C..

La Tafna N° 379
Mercredi 8 octobre 1890

SIDI-BRAHIM

Le Petit Journal vient de prêter le concours de son immense publicité à une oeuvre aussi algérienne que nationale : sous la signature Thomas Grimm, il consacre un de ses derniers articles de fond aux combats de Sidi- Brahim, dont les français veulent
éterniser le souvenir, par un monument qui s'élèvera sur une des places de leur ville.
Les oranais ont raison de chercher à perpétuer cette gloire, il n'en est pas de plus pure dans notre histoire militaire. Le capitaine Dutertre est aussi grand que Régulus, et les combattants de Sidi-Brahim égalent en bravoure les compagnons de Léonidas qui tombèrent aux Thermophiles sous les forces combinées de tout le monde barbare.
Avant qu'il fut parlé de ce mouvement, l'affaire de Sidi-Brahim était peu connue chez nous. Chose étonnante, on apprend plutôt à nos enfants les traits d'héroïsme des Grecs et des Romains, que des Français. Tout le monde sait l'histoire de Régulus et, ignore celle de Porcon de la Barbinais. Pourtant il y a entres elles plus que de l'analogie ; l'identité est parfaite.
Porcon de la Barbinais, officier breton, captif du dey d'Alger, fut envoyé par lui en France pour négocier un traité de paix. On lui avait dit que s'il ne réussissait pas, il périrait dans les tortures.
Il vint en France, conseilla de ne pas faire la paix, revint à Alger où on le tua avec des raffinements de barbarie.
Pour en revenir à cette affaire de Sidi-Brahim, à la fois glorieuse et lamentable, je parlerai pour mémoire de l'imprévoyance du lieutenant-colonel de Montagnac, rude et brillant, soldat, auquel on ne pouvait reprocher qu'une témérité frisant l'imprudence. Sa bravoure était excessive ; mais ses chefs, Cavaignac et Lamoricière, qui se méfiaient de son ardeur inconsidérée, l'engageaient à prendre les précautions les plus minutieuses. Pour son malheur et pour le nôtre, il ne tint aucun compte de cet avis.
Un traître fut la cause du désastre ; il vint dire à de Montagnac, qu'Abd-el-Kader se trouvait dans les murs de .Djemmâa avec quelques hommes seulement et que sa capture serait facile. De Montagnac partit avec 62 hussards et 350 chasseurs à pied, il marcha toute la nuit et se trouva près de l'oued-Souli, non loin du plateau qui domine le marabout de Sidi-Brahim.
Abd-el-Kader était là en effet, mais avec des milliers de combattants.
En quelques instants la petite troupe des Français est entourée : elle est assaillie par un feu violent, et sous les coups froidement ajustés des arabes, nos hommes " tombent un à un comme les pierres d'un mur " De Montagnac atteint d'une balle au ventre ; meurt en exhortant ses hommes à lutter jusqu'au dernier soupir. Ils lui obéissent, et quand le soir tombe la troupe entière des Français est couchée sur le sol.
Il ne reste que les quatre-vingt-trois hommes enfermés dans le Marabout. Tout l'effort d'Abd-el-Kader se porte contre cette poignée de héros, qui coupe ses balles en quatre pour faire durer le feu, et malgré la faim, le soleil, une soif atroce, lutte pendant trois jours et trois nuits. Les malheureux exténués en proie au délire, essaient de calmer leur soif par un horrible mélange d'urine et d'Absinthe.
Cependant Abd-el-Kader est frappé d'admiration. Il envoie un de ses prisonniers le Capitaine Dutertre promettre la vie sauve à tout le monde si on consent à mettre bas les armes. Dutertre s'avance entre deux réguliers ayant en main le sabre nu.
"Mes amis s'écrie-t-il d'une voix
"forte, je suis menacé d'être décapité
"si je ne parviens pas à vous persuader de mettre bas les armes, et je
"viens vous dire de ne pas vous rendre;
"résistez jusqu'à la mort. Vive la
"France"
Le voilà,le héros de Sidi-Brahim, celui dont la France reconnaissante gardera le souvenir glorieux. Le sang de ce martyr l'ait germer d'autres dévouement ; il est un réconfort au milieu des défaillances, et il rend plus odieuses les trahisons.
Cependant, les assiégés de Sidi-Brahim préfèrent la mort par le glaive à la mort par la soif ; ils se massent, mettent : leurs dix blessés au milieu d'eux, et courent à l'ennemi baïonnette : au canon. Les rangs arabes s'ouvrent sous la poussée furieuse de ces désespérés.
La troupe des Français suit les crêtes des hauteurs et s'achemine vers Djemmâa, tandis que les arabes la fusillent de loin. Mais on aperçoit Djemmâa ; courage mes braves, encore un effort ; le salut est là.
Hélas ! les malheureux aperçoivent un Oued dans le creux d'un ravin. Elle est là l'eau fraîche, l'eau délicieuse qui va guérir leurs lèvres crevassées et éteindre le feu dont leur gorge est embrasée.
En vain la mort plane sur eux, en vain leurs chefs les supplient de continuer leur route ; ils courent dans les ravins, se jettent à plat ventre et boivent à longs traits de cette eau tant désirée.
Les réguliers arrivent, garnissent les hauteurs et, tout à loisir, exterminent ces malheureux. Douze seulement échappent au massacre et peuvent atteindre Djemmâa, le caporal Lavayssière le seul qui a gardé sa carabine, deux mois après on le décora de la Légion d'honneur.
JEAN DE BLIDA.

Source gallica.bnf.fr/Bibliothèque nationale de France












Dans le Marabout de Sidi-Brahim, le capitaine de Gereaux (de dos, au centre) organise la défense. Il résistera énergiquement trois durant.

Cernés dans le Marabout de Sidi-Brahim, les héros du huitième bataillon des Chasseurs d'Orléans tirent leurs dernières cartouches.


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