Jeanne Dortzal


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Les Muses françaises

Jeanne DORTZAL

Les Muses françaises

L'extrait des "Muses françaises" par Aphonse Séché, concernant Jeanne Dortzal.

JEANNE DORTZAL
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Mlle Jeanne-Françoise Thomasset qui signe Jeanne Dortzal, est née à Nemours, Algérie, le 24 janvier 1878. La première fois qu'elle fit Imprimer quelques poésies - c'était dans une petite revue - elle avait dix-sept ans. Quelques années plus tard, en 1899, elle donnait un recueil de vers sous ce titre infiniment modeste : Vers sur le sable.
Et puis, Mlle Jeanne Dortzal dont la souveraine beauté a inspiré à M. Dagnan-Bouveret quelques superbes toiles, entre autres une admirable Méditation, songea au théâtre ; nous l'avons applaudie au Vaudeville et à l'Odéon. Aujourd'hui, il semble qu'elle ait définitivement quitté la scène, se réservant tout entière pour la poésie.
La spontanéité, la sincérité, l'émotion, voilà, semble-t-il, les mots qui caractérisent le plus exactement le talent de Mlle Dortzal. Déjà, lors de la publication de son second volume, M. Nozière avait parfaitement dégagé cette caractéristique de son talent, la sincérité, cette sincérité que j'ai été le premier à souhaiter dans la préface de la présente anthologie, " Sans fausse honte, écrivait M. Nozière, Jeanne Dortzal dit les souffrances que lui réserva l'amour… " - C'est une amoureuse qui se donne sans arrière-pensée et qui garde dans son cœur et son esprit le souvenir attendri des êtres chers trop tôt partis. Au reste, qu'elle s'écoute rêver, qu'elle chante sa tristesse ou sa joie, qu'elle décrive une petite ville engourdie dans la campagne, un intérieur de village au bord de la mer, quelque thème poétique qu'elle ait choisi, on retrouve toujours, au fil des vers, la même âme compatissante, volontiers attendrie sur elle-même, sur les êtres et sur les choses. Ses dons de lyrisme naturel la guident, l'emportent, la bercent tour à tour. Les champs, les bois, les Jeux de lumière, et d'ombre tout l'enchante, l'émeut, la captive. Sans calcul elle se livre, elle abandonne son âme mélancolique ou passionnée, sentimentale et toujours harmonieuse, au gré de l'heure, des saisons, des années. Parfois c'est un souvenir ancien qui la hante, un air d'autrefois pelotonné dans sa mémoire qui se déroule :


J'ai là toujours dans la tête
Un vieux refrain plein de printemps,
Un vieux refrain plein de mots bêtes,
De mots enfantins et charmants…

Parfois c'est une image d'enfant qui traverse son rêve, et elle évoque la Joie grave de la maternité :

Jeunes filles, déjà, nous caressons un rêve,
Cet adorable espoir de la maternité.

Et encore :

Enfants, je vous bénis ! Je vous salue, ô mères,
Qui bercez dans vos flancs leurs sublimes chimères.

On peut reprocher à Mlle Jeanne Dortzal de ne pas s'astreindre à un labeur volontaire, correctif nécessaire à un talent spontané que le sien. Un article doit toujours quelque peu se défier de sa trop grande facilité.


BIBLIOGRAPHIE. - Vers sur le sable, Per-Lamm, Paris, 1899, in-18. - Vers l'Infini, Lemerre, Paris, 1904, in-18. - Le Jardin des Dieux, Sansot et Cie, Paris, 1908, in-18. - Stenio, un acte en vers, Sansot, Paris, 1908.


COLLABORATION. -
Le Journal. - Le Gil Blas.

CONSULTER. - Richard O'MONROY, Gil Blas, 19 février 1902. - Robert DIEUDONNÉ, La Presse, 1er avril 1902. - Pierre QUILLARD, Mercure de France, 1902. - NOZIÈE, Gil Blas, 16 juin 1904. - Ed. SARADIN, Journal des Débats, 5 juillet 1904. - Gaston DESCHAMPS, Le Temps, 8 juillet 1904. - Richard O'MONROY, Ruy Blas, 14 mai 1904. - Léon RIOTOR, Le Rappel, 19 mai 1904. - Jules BERTAUD, La vie Illustrée, 1er mai 1908. - La Chronique des Lettres françaises, mai 1908. - Em. GLASER, Le Figaro, 10 avril 1908. - Jules CASE, Gil Blas, 22 mai 1908. - Lya BERGER, La Française, 7 juin 1908. - Ph.-EDOUARD HERVÉ, Le Messager de Paris, 1908. - Henri DUVERNOIS, Femina, avril 1908. - L'Intransigeant, 29 avril 1908. - René SANGY, Madame et Monsieur, 10 septembre 1908. - Charles LE GOFFIC, Revue Hebdomadaire, 10 septembre 1908.


LE RETOUR

Salut, terre adorable et triste où je suis né !
Toi, dont le chant profond berça ma destinée !
Je veux, en gravissant ton sentier rude et fier,
Saluer d'un regard tes grands bois et la mer !
Arbres, cyprès hautains qui bordez ces rivages,
Vous qui semblez monter plus haut que les nuages,
Salut ! car je retrouve en vos rameaux puissants
Ce qui fit sangloter d'extase tout mon sang.
Oui, je retrouve en vous, ineffable et profonde,
La Voix qui dut bercer les hommes et le monde :
Chant de gloire et d'amour, Voix que l'éternité
Nous apporta jadis du grand Large enchanté
Et qui, passant le soir sur les forêts désertes,
Mêle tous nos soupirs au chœur des branches vertes.


Tressaille sous mes pas, terre ardente et sacrée !
Soulève autour de moi ta poussière adorée
Et que tes champs, tes monts, tes collines, tes bois,
Gardent jalousement mon rêve d'autrefois.
Tu peux sourire, ô ciel, moi je m'incline et passe,
Car mon rêve, ce soir, a frémi dans l'espace.
Je sais que ma maison m'attend au fond des nuits,
Merveilleuse, et gardant à l'ombre de mon puits,
Mes oiseaux et mes fleurs, mes nids, toutes mes roses
Et que je vais souffrir, en regardant ces choses ;
Pourtant je marcherai bravement vers ton seuil,
O demeure ! oui, je veux, malgré mes jours en deuil
Sourire à chaque objet, caresser chaque pierre,
M'enivrer du parfum qui monte de la terre,
Accueillir tous ces riens qui résument mes jours,
Et n'ayant pour seul bien qu'un immortel amour,
Attendre sans tristesse à l'ombre de mes arbres,
L'heure où je dormirai dans la blancheur des marbres.


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ACCALMIE

La lune, en fin croissant, dans l'air bleu se balance ;
Le soleil, dans les flots, vient de mourir là-bas ;
Le paysage rêve en un profond silence ;
C'est l'heure appesantie au long des chemins las.

On se sent devenir simple parmi ces choses ;
La mer retient son souffle et les bêtes leurs cris,
Cependant que notre âme, associée aux causes,
A, sans aucun effort, gravement, tout compris.

Les champs, fauchés d'hier, forment des taches grises ;
Une lourde chaleur émane des foins blonds
Et le cerveau soudain s'imprègne de ces brises
D'où naîtra la splendeur de nos demains féconds !

La vieille église en pleurs fait résonner sa cloche ;
Une chèvre attardée en douceur lui répond,
Et, tandis que la nuit de plus en plus approche,
Je cherche à rassembler mes pensers sous mon front.


INTERIEUR D'UN VILLAGE AU BORD DE LA MER

Le tout petit village aux fenêtres mal closes,
Avec ses vieux volets, sa fontaine, ses roses,
Sa rue au fond du soir, ses arbres, son clocher,
Ses maisons où la joie a l'air de se cacher,
L'air recueilli des vieux raccommodant leurs voiles,
Les femmes en béguin, le front sous les étoiles,
Disant leur chapelet d'érable avec ferveur,
Tout cela prend un air si tendre et si rêveur.
La grosse lampe verte, avec calme, promène
Sous le toit vermoulu sa lueur incertaine ;
Le chat, près du berceau, ronronne avec amour ;
Soudain l'horloge grince et l'heure qui s'éraille
Fait trembler les objets pendus à la muraille.


Ah ! comme il ferait bon attendre ici la mort !

Regarder tendrement le petit qui s'endort,
Fumer au coin du feu quand la femme tricote,
Prêter l'oreille au vent qui s'engouffre et sanglote ;
Voilà toute leur vie ! et n'ont-ils pas raison ?
Pour moi, j'envie, hélas ! la petite maison
Où l'on aime, où l'on meurt sans chercher autre chose
Car à quoi bon, ô Dieu, chercher toujours ta cause ?
Le bonheur n'est-il pas le plus divin secret ?
Je n'emporterai donc qu'un immense regret,
Celui de n'être pas aux pauvres gens semblable,
Et, n'ayant pour tout bien que mon cœur misérable,
Je m'en retournerai vers mes jours les plus las,
Peut-être encor vers Toi qui ne comprendras pas.



Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

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