Aspects succincts de la politique franco britannique
en 1939 – 1940.
Il semblerait que l’effondrement très rapide des armées ait surpris les hommes politiques. Les hommes d’État ont subi les événements. Ils n’ont pu les orienter. Le gouvernement français s’est replié devant l’avance allemande dans le plus grand désordre, accentué par le manque de communications. qui transitent par le réseau normal (PTT). Dans certains lieux il n’y a qu’un seul téléphone. Les informations circulent aussi mal du côté anglais :
« La suite exacte des événements n'est pas facile à établir. Le Cabinet de guerre britannique siégea presque sans discontinuer et des messages étaient envoyés chaque fois qu'une décision était prise. Comme il fallait compter deux ou trois heures pour transmettre ces messages en chiffre et probablement une autre heure pour les remettre déchiffrés au destinataire, les fonctionnaires du Foreign Office usèrent largement du téléphone afin de communiquer l'essentiel à notre ambassadeur et celui-ci, de son côté, téléphonait souvent ses réponses. En conséquence, il y a dans les archives des pièces qui font double emploi et d'autres qui manquent ou qui créent de la confusion. Les événements se déroulaient à une telle vitesse des deux côtés de la Manche, que prétendre exposer les faits comme une suite méthodique de discussions et de décisions serait une erreur » (W Churchill)
28 mars :
Les gouvernements anglais et français prennent l’engagement oral de ne pas conclure de paix séparée avec l’Allemagne.
L’offensive allemande du 10 mai trouve le gouvernement français en pleine crise ministérielle. Paul Reynaud a démissionné devant le refus d’Edouard Daladier de remplacer le général Gammelin.
8 mai :
Malgré une belle résistance, le front est crevé.
10 mai :
Le gouvernement entame son repli. Le seul réseau de transmissions qui fonctionne encore est celui de l’amirauté. Paul Reynaud ne prend pas les décisions qui permettraient d’imposer aux autres membres du gouvernement sa volonté de combattre. Les partisans de l’Armistice dont le chef naturel est le Maréchal Pétain se constitue. Entre ces deux courants la majorité est indécise.
18 mai :
Paul Reynaud prend le ministère de la défense nationale et E Daladier le ministère des affaires étrangères. Une profonde antipathie subsistera entre les deux hommes.
25 mai :
L’ordre de repli du corps expéditionnaire anglais est donné sans en aviser les français. La défaite est prévisible. Des engagements avec l’Angleterre nous interdisent de signer une paix séparée. Un nouveau gouvernement ne serait pas, aux yeux des français, engagés par ces accords, il pourrait alors signer un nouveau traité de paix avec l’Allemagne. L’amiral Darlan prend alors des dispositions pour transporter le gouvernement et les parlementaires hors du territoire national.
27 mai :
L’armée belge capitule. Darlan rédige la note suivante :
Au cas où les événements militaires conduiraient à un armistice dont les conditions seraient imposées par les Allemands et si ces conditions comprenaient la reddition de la flotte, je n'ai pas l'intention d'exécuter cet ordre.
Il conviendrait par suite de donner les ordres suivants qui devront être préparés par vous à l'avance pour pouvoir être lancés en temps voulu :
1- Si l'Italie est en guerre contre nous et si elle n'est pas partie dans l'armistice, tous les navires de combat devront entreprendre une action à mort contre la flotte ou les ports italiens.
2- Ceux qui sortiront du combat se réfugieront dans le port anglais le plus aisé à atteindre et se tiendront prêts, soit à se détruire, soit à combattre avec les Anglais.
3- Si l'Italie n'est pas en guerre ou si elle est partie à l'armistice, tous les navires de combat, tous les appareils aériens, tous les navires auxiliaires ou de servitude devront rallier le port britannique le plus aisé à atteindre.
4- Tous les navires susceptibles de traverser l’Atlantique par leur moyen, par ravitaillement en mer, remorqués, doivent s'efforcer de se rassembler à Halifax, au Canada.
5- Les bâtiments n'obéiraient qu'à un ordre de revenir en France ou dans un port sous l'autorité de nos ennemis que si l'ordre portait en tête et in fine : « de la part de Xavier-François » .
12 juin :
Le gouvernement peut enfin se réunir. La situation militaire est telle que le général Weygand propose au gouvernement français d’adresser immédiatement au gouvernement allemand une proposition d’armistice. En effet il vaut mieux avoir une armée encore en état de combattre pour pouvoir négocier dans de meilleures conditions. Paul Reynaud s’y oppose.
13 juin :
À Tours. Nos armées se trouvant dans une situation désespérée, Paul Reynaud demande à Churchill d’être délivré de l’engagement, verbal et non ratifié, pris le 28 mars et de pouvoir contracter une paix séparée. Churchill propose de faire appel aux Américains tout en déclarant :
« La cause de la France nous restera toujours chère et nous la restaurerons dans toute sa splendeur si nous triomphons. Mais c’est là une chose différente que de devenir partie consentante à une paix séparée contrairement aux engagements conclus »
14 juin :
L’amiral Darlan prend de nouvelles dispositions et les fait connaître aux Anglais :
« Primo- Aucun bâtiment de combat proprement dit ne doit tomber intact aux mains de l'ennemi.
Secundo- Tous bâtiments aptes à continuer la lutte se rendront si possible dans port britannique ou port colonial continuant lutte aux ordres Commandant local en attendant le CE.CF.M.F (Commandant en chef des forces maritimes françaises). se fasse connaître.
Tertio- bâtiments de combat ne pouvant rallier port britannique devront se saborder. Stop. Garder pour ravitaillement ultérieur du pays tous bâtiments lents ou petits sans grande valeur militaire en ne détruisant que leurs armes ».
16 juin : l’ambassadeur d’Angleterre remet à Paul Reynaud un télégramme précisant les conditions anglaises à la demande d’armistice.
Londres, 16 juin, 13h3O.
Veuillez remettre à M. Paul Reynaud le message suivant qui a été approuvé par le cabinet :
Début : « Notre accord interdisant une négociation séparée, soit pour un armistice, soit pour la paix, a été passé avec la République Française, et non avec une administration française ou un homme d'État français en particulier. Il met donc en cause l'honneur de la France. À la condition toutefois, mais à cette seule condition, que la flotte française soit conduite aussitôt vers des ports britanniques en attendant des négociations, le Gouvernement de S.M. donne son plein assentiment à une enquête par le Gouvernement français en vue de connaître les conditions d'un armistice pour la France. Le Gouvernement de S.M. étant résolu à continuer la guerre, s'exclut entièrement lui-même de toute participation à l'enquête ci-dessus mentionnée, concernant un armistice. »
Puis arrive un second télégramme :
Londres, 16 juin, 15h45.
Comme suite au message objet de mon télégramme de ce jour, veuillez faire à M. Paul Reynaud la communication suivante :
« Nous nous attendons à être consultés dès que des conditions d'armistice auront été reçues. Ceci est nécessaire, non seulement en vertu du traité interdisant toute paix ou armistice séparé, mais aussi en raison des conséquences vitales pour nous de tout armistice, du fait spécialement que les troupes britanniques sont engagées avec l'armée française dans le combat.
Vous voudrez bien marquer fortement au Gouvernement français le fait qu'en insistant sur un repli de la flotte française dans les ports anglais, nous avons à l'esprit les intérêts français aussi bien que les nôtres, et que nous sommes convaincus que la position du Gouvernement français dans toutes discussions d'armistice, sera renforcée s'il est à même de faire état du fait que la Marine française est hors de portée des forces allemandes.
En ce qui concerne l'aviation française, nous sommes portés à croire que tous efforts seront faits pour l'envol des appareils pour l'Afrique du Nord, à moins que le Gouvernement français préféré les envoyer vers ce pays.
Nous comptons sur le Gouvernement français pour faire tout son possible tant avant que pendant la négociation d'armistice à l'effet de dégager les troupes polonaises, belges et tchèques actuellement en France et de les envoyer dans l'Afrique du Nord. Des arrangements sont pris en vue de recevoir en ce pays le Gouvernement polonais et belge. »
Un troisième télégramme demande que ces deux télégrammes ne soient pas remis au chef du gouvernement.
Au cours du conseil des ministres qui suit P Reynaud ne mentionne pas ces télégrammes. La discussion porte essentiellement sur un projet d’union indissoluble entre la France et l’Angleterre, projet lancé par Jean Monnet et René Pléven. Cette proposition est d’abord repoussée par Churchill et De Gaulle. Ils s’y rallient par la suite. Elle est rejetée par le gouvernement il ne veut pas que la France devienne un Dominion. La réponse à la demande faite le 13 juin de Roosevelt arrive :
«... En ces heures si déchirantes pour le peuple français et pour vous-même, je vous envoie l'assurance de mon extrême sympathie et je puis vous certifier qu'aussi longtemps que le peuple français continuera la défense de sa liberté, qui est celle aussi des institutions démocratiques à travers le monde, il peut être assuré que matériels et approvisionnements lui seront envoyés des Etats-Unis en quantités et variétés sans cesse croissantes.
Je sais que vous comprendrez que ces déclarations n'entraînent aucun engagement d'ordre militaire... »
Paul Reynaud démissionna et le Président Lebrun désigna le Maréchal Pétain comme nouveau Président du Conseil.
L’ambassadeur d’Angleterre, Donald Campbell, transmet alors les télégrammes reçus la veille à Paul Baudoin nouveau ministre des affaires étrangères. Celui ci lui demande quelle en est la valeur : officielle ou informative ? L’ambassadeur fait savoir qu’ils n’ont qu’une valeur informative. Pour les Français les télégrammes restaient retirés donc officieux et sans objet alors que du côté anglais ils ont repris toute leur valeur. Churchill avait suspendu la transmission, Campbell croyait qu’ils étaient annulés. Pétain demanda l’armistice sans avoir été informé des conditions britanniques et il estimait que le problème avait été réglé par ses prédécesseurs. Il pensait aussi que les conditions anglaises se limitaient simplement à ne pas livrer la flotte aux allemands.
17 juin :
Le Maréchal par l’intermédiaire de l’Ambassadeur d’Espagne M de Lequirica, informe le gouvernement allemand que la France souhaite connaître les conditions d’armistice. L’amiral Darlan câble ce nouveau message :
« La situation militaire et civile a conduit le gouvernement à faire ouverture d'une paix honorable à nos ennemis. Stop. Quelle que soit l'évolution de la situation, la Marine peut être certaine qu'en aucun cas la flotte ne sera livrée intacte. stop. Tous ordres sur ce sujet seront authentifiés par signature Xavier, sans laquelle ils seront nuls. J'ai donné l'ordre à la flotte de combattre avec la plus grande énergie jusqu'à ce qu'un ordre de moi, authentique, lui dise le contraire. »
18 juin :
Le gouvernement se prononce : «à l’unanimité contre la remise d’un bâtiment quelconque à l’Allemagne ou à l’Italie quelles que puissent être les conséquences de ce refus ». L’activité du Maréchal Pétain tend à préserver, face au vainqueur, l’indépendance de la France et l’inviolabilité de la flotte dont il a besoin pour assurer le ravitaillement de la métropole. C’est pour lui l’essentiel.
Hitler s’entretient à Munich avec Mussolini dont les exigences sont proches de celles de la marine allemande et lui expose ses raisons:
Il s'agissait pour le moment d'agir de telle façon que l'on soit assuré de trouver en territoire français un gouvernement français en fonction, avec lequel on pourrait entrer en pourparlers. Ceci serait de loin préférable à une situation dans laquelle le gouvernement français rejetterait les propositions allemandes et se rendrait à l'étranger, à Londres, pour continuer à diriger la guerre de là-bas, sans se charger de la responsabilité administrative peu agréable que seraient obligées d'assumer les puissances occupantes, entre autres. Même si elles occupaient la totalité du territoire français, une entente avec un gouvernement français serait malgré tout préférable, et ce à cause de la flotte française. Le Führer expliqua, en détail, quel important accroissement de la force anglaise pouvait représenter la flotte française, si elle se mettait à la disposition de la Grande-Bretagne. La force actuelle de la flotte britannique - pour certains types - en serait carrément doublée ou triplée, en particulier en ce qui concernait les destroyers. (contre-torpilleurs) Quand on pense qu'un convoi, accompagné par six destroyers, se trouve hors d'attaque des sous-marins, alors on peut se représenter quel gros avantage l’Angleterre tirerait de ces destroyers mis à sa disposition. Donc le mieux était d'essayer de se mettre d'accord avec le gouvernement français sur la neutralisation de sa flotte
19 juin :
L’amiral Dudley Pound et le Premier Lord de l’Amirauté (ministre de la marine) Alexander viennent à Bordeaux où ils rencontrent l’Amiral Darlan. Celui ci leur donne sa parole d’honneur que la flotte française ne sera jamais livrée à l’Allemagne. À l’issue de la réunion Alexander déclare ne pas croire en la parole de Darlan et que de toute façon la meilleure place de la flotte française est au fond.
20 juin
La délégation française se rend à Rethondes. Dirigée par le général Huntziger accompagné du contre-amiral LeLuc chargé des affaires de la marine.
La Kriegsmarine voulait imposer les clauses suivantes
1)occupation de tous les ports de guerre français et de toutes les installations appartenant à la marine de guerre par des commandos de la Marine allemande ou italienne, selon les cas. Les bases françaises seront utilisées sans retard pour les besoins de la continuation de la guerre contre l’Angleterre... Sont prévus en première ligne Brest, Nantes, Bordeaux et Casablanca.
2)Mainmise sur toute la flotte française avec tous ses effectifs en navires de guerre, navires auxiliaires et bâtiments de transport, de ravitaillement, etc., y compris les unités en cours de construction
Hitler reçut de son ambassadeur en Espagne des informations sur l’état d’esprit du gouvernement français. Si les conditions imposées à la marine par la commission d’armistice étaient contraires à l’honneur, le gouvernement quitterait la métropole pour continuer la guerre. En effet, l’activité de Pétain tend à préserver, face au vainqueur, l’indépendance de l’État Français et surtout l’inviolabilité de l’empire ainsi que de la flotte. C’est pour lui l’essentiel. Hitler imposa, contre l’avis de son été major et celui des Italien la rédaction, en termes modérés, de L’article 8 de la convention d’armistice concernant l’avenir de notre flotte.
Article 8 de la convention d’armistice
«- La flotte de guerre française – à l'exception de la partie qui est laissée à la disposition du gouvernement français pour la sauvegarde de ses intérêts dans l'empire colonial – sera rassemblée dans des ports à déterminer et devra être démobilisée et désarmée sous le contrôle respectif de l'Allemagne ou de l'Italie. La désignation de ces ports sera faite d'après les ports d'attache des navires en temps de paix. Le gouvernement allemand déclare solennellement au gouvernement français qu'il n'a pas l'intention d'utiliser pendant la guerre, à ses propres fins, la flotte de guerre française stationnée dans les ports sous contrôle allemand, sauf les unités nécessaires à la surveillance des côtes et au dragage des mines.
Il déclare en outre solennellement et formellement qu'il n'a pas l'intention de formuler de revendications à l'égard de la flotte de guerre française lors de la conclusion de la paix. Exception faite de la partie de la flotte de guerre française à déterminer qui sera affectée à la sauvegarde des intérêts français dans l'empire colonial, tous les navires de guerre se trouvant en dehors des eaux territoriales françaises devront être rappelés en France. »
Une discussion s’engage sur les termes employés. Il ne reste plus qu’une escadre à Toulon. Le reste des navires ayant gagné des ports hors métropole.
L’amiral LeLuc fait donc remarquer aux Allemands que les navires français ne peuvent rejoindre leur port d’attache. Le général Keitel précise alors :
En ce qui concerne les détails (modalités et garanties) de la démobilisation et du stationnement de la flotte, il s’agit là de questions qui doivent être traitées par la commission d’armistice.
Officieusement la localisation des navires français va faire l’objet d’une nouvelle négociation après l’armistice.
Dans cet article 8 pour la Grande Bretagne, outre le paragraphe qui prévoit le désarmement de la flotte dans les ports d’attache (qui rappelons le sont partiellement détruits), un second mot va avoir une importance capitale dans la décision britannique : CONTROLE. En effet pour les Français et les Allemands contrôle a le sens d’inspection ou de vérification par des contrôleurs de l’exécution des clauses de désarmement ou de démobilisation. Les anglais le traduisent par commandement opérationnel. Le bâtiment contrôlé par un anglais est sous ses ordres. Cette interprétation ou si l’on préfère cette «erreur de traduction » permettra de se justifier par la suite.
Le second sujet de discorde concerne le choix des ports de désarmement. L’escadre de l’Atlantique, basée ordinairement à Brest, est à Mers el-Kébir. Cette question est en voie de règlement, mais Churchill veut l’ignorer.
22 juin :
La délégation française signe l’armistice.
Pendant ce temps les Anglais ne sont pas restés inactifs
Roosevelt nouvellement élu veut conserver la neutralité américaine. Les Américains ne vendent leur matériel qu’au comptant. Leur ambassadeur à Londres Joseph Kennedy est germanophile. Il conseille à Churchill l’envoi de munitions et de pièces de rechange dans l’éventuel replis de la flotte anglaise aux États-Unis. Eventualité que ne néglige pas le premier ministre anglais car dans son pays il y a aussi un parti de la paix animé par son ministre des affaires étrangères Lord Halifax. Celui ci à même eu des contacts discrets en vue de signer un armistice séparé.
Aspects de la politique britannique
17 mai :
Roosevelt propose a l’ambassadeur britannique de recevoir la Royal Navy dans ses ports pour éviter la capture des navires par les Allemands en cas de capitulation de la Grande Bretagne.
20 mai :
Churchill répond à Roosevelt :
"Si les membres de l'actuel gouvernement étaient balayés et que leurs successeurs fussent disposés à engager des pourparlers parmi les ruines, vous ne devez pas perdre de vue que notre seule monnaie d'échange avec l'Allemagne serait la flotte et, au cas où les Etats-Unis abandonneraient l'Angleterre à son sort, nul n'aurait alors le droit de blâmer les responsables de l'heure d'avoir obtenu les meilleures conditions pour les survivants".
C’est ce qu’il nous reproche d’avoir fait un mois plus tard. Il envisage aussi la défaite avec deux vaincus. Pour négocier il vaut mieux être le plus fort et pour cela affaiblir son allié là où il est le plus fort. Il faut s’emparer, rallier, ou couler la flotte française.
27 mai :
Lord Hankey, ministre sans portefeuille suggère que la Grande Bretagne demande, dans l’hypothèse d’un armistice séparé que les flottes françaises, de guerre et de commerce soient envoyées dans les ports britanniques, ainsi que de l’or, des avions, des stocks de pétrole, des machines outils, des matériels de guerre commandés aux États-Unis.
28 mai :
Instructions manuscrites de l'amiral Darlan à l'amiral Le Luc, chef d'état-major :
Au cas où les événements militaires conduiraient à un armistice dont les conditions seraient imposées par les Allemands, et si ces conditions comprenaient la reddition de la flotte, je n'ai pas l'intention d'exécuter cet ordre. Les navires qui sortiraient du combat se réfugieront dans le port anglais le plus aisé à atteindre et se tiendront prêts soit à se détruire, soit à combattre avec les Anglais.
Cet ordre sera traduit au plan opérationnel par un télégramme chiffré.
7 juin :
Le sort des navires français est encore évoqué. L’amiral Pound Premier Lord de l’Amirauté répète à plusieurs reprises «que la seule solution est de couler la flotte française. » puis il affirme «que les Français accepteraient de couler leur flotte, mais il doute qu’ils acceptent de nous la livrer. Nous devrions torpiller les navires français nous mêmes. ». Il est l’ennemi intime de Darlan.
10 juin
Churchill crée une cellule chargée de décrypter les messages secrets français. Il lui faut les codes de la marine et il envisage même de cambrioler la mission navale française à Londres.
11juin :
Une nouvelle étude reprend les propositions du 27 mai et au sujet de la flotte les chefs d’état-major concluent :
Nous ne pouvons nous payer le luxe de voir les navires et les sous-marins français s’ajouter à ceux de l’Allemagne et de l’Italie. il nous semble donc ne pouvoir choisir entre deux solutions :
1)Tenter de persuader autant de navires français que possible de se joindre à notre flotte.
2)Presser les Français de saborder toutes les unités de leur flotte.
14 juin :
L’amiral Cunningham reçoit un message lui demandant de veiller que les navires Français de la force X ne quittent pas Alexandrie.
16 juin
L’amiral North qui commande à Gibraltar est prévenu qu’il devra peut être employer la force à Mers el-Kébir.
17 juin :
13 heures. Amirauté à ensemble des forces maritimes :
Toutes les opérations aéronavales continuent jusqu'à nouvel ordre avec la plus farouche énergie.
18 juin :
Apprenant la demande d’armistice, le commandant Drogou quitte Bizerte pour rallier Malte à bord de son sous marin, le Narval. Il y est accueilli triomphalement. Pendant que l’équipage est rassemblé et félicité par l’amiral anglais un commando s’introduit, force le coffre et s’empare des codes. Aussitôt ils sont expédiés à Londres par avion spécial. L’équipage du sous-marin refuse de poursuivre le combat. DES LE 25 JUIN LES ANGLAIS SONT AU COURANT DE TOUTES LES DISPOSITIONS CHIFFREES ET CODEES PRISES PAR L’AMIRAUTE FRANCAISE.
18 juin :
Une entrevue a lieu entre l’Amiral Pound et le nouveau ministre de la marine l’Amiral Darlan. Voici le compte rendu laissé par les Anglais.
... L'amiral Darlan déclara qu'il ne rendrait jamais, en aucun cas, la flotte française et qu'elle continuerait à combattre jusqu'à ce qu'un armistice soit conclu. Pendant les négociations d'armistice, elle devrait naturellement cesser le feu, mais si les termes de l'armistice étaient déshonorants pour la France, la flotte combattrait jusqu'au bout, tout ce qui pourrait échapper se réfugierait en pays ami ou serait détruit. L'amiral Darlan dit que lui-même resterait en France, sauf s'il devait devenir ainsi rebelle au gouvernement français du moment.
Il indiqua qu'il faudrait probablement détruire le Jean Bart, car s'il ne pouvait appareiller avant le 20 juin, il serait trop tard et la marée empêcherait tout départ avant un mois. Il déclara que le Richelieu devait avoir appareillé ce jour là pour Dakar et que tous les autres navires qui pouvaient naviguer et étaient en danger de tomber entre les mains de l'ennemi du fait de son avance, iraient à Dakar ou seraient détruits.
Il suggéra l'Amérique ou le Canada comme destination finale pour l'achèvement du Richelieu qui, s'il était fait en Angleterre, l'exposerait à des attaques aériennes intensives...
L'amiral Darlan demanda comment nous pensions continuer la guerre si les Français étaient forcés de renoncer. Le First Sea Lord expliqua la situation actuelle. A propos des mouvements du Hood et de l'Ark Royal, ils devaient, avec le Resolution, former une petite force pour contrôler l'entrée de la Méditerranée occidentale...
Après des propos généraux, l'amiral Darlan déclara qu'il avait pris des dispositions pour que tous les navires marchands français se trouvant dans les ports menacés par les Allemands, et surtout les navires portant du matériel de guerre, puissent appareiller et gagner la Grande-Bretagne...
Une discussion s'engagea ensuite sur la possibilité de bloquer Brest. L'amiral Darlan dit qu'il n'avait pu donner les ordres pour couler un vieux cuirassé à l'entrée de la darse à cause de la rapidité des événements, mais l'amiral Nord (sic ; en fait Ouest) y avait peut-être pensé et fait quelque chose de cette nature. L'amiral Darlan déclara que nous aurions peut-être à bombarder la partie du Clémenceau qui est au dock, à la sortie du port, dans le grand bassin. Il est en construction en trois morceaux et bien que l'amiral ne croit pas que les Allemands puissent en tirer quelque chose, il serait judicieux que nous le bombardions. Il suggéra que l'amiral Odend'hal pourrait donner des détails sur sa position dans le port. Il précisa que Lorient et Saint Nazaire seraient faciles à bloquer, mais que les Français n'en avaient pas les moyens. Il proposa que nous le fassions lors de leur prise par les Allemands ou juste avant et il se déclara prêt à recevoir des navires Moqueurs et des détachements de démolition... Le First Sea Lord demanda si la destruction des réserves de pétrole avait été prévue - l'amiral Darlan répondit que cela figurait dans toutes les instructions aux commandants de ports ...
18 juin soir. :
Amiral Darlan à grands subordonnés et tous bâtiments
1. Le président du Conseil rappelle à tous combattants qu'aucun armistice n'est encore intervenu et que leur devoir est de poursuivre résistance maximum. Je compte que cet ordre sera particulièrement bien compris des places maritimes.
2. En cas de besoin, la ligne de repli de tous les bâtiments est l’Afrique du Nord. Tout bâtiment de combat ne pouvant l'atteindre et risquant de tomber sans combat aux mains de l'ennemi, doit se détruire ou se saborder, suivant ordres autorités supérieures.
3. Amiral Afrique répartira au mieux tonnage de guerre et marchand ralliant l’Afrique du Nord en utilisant au besoin rades foraines.
19 juin :
L’Amiral Darlan la décrit ainsi la situation dans une lettre adressée à son épouse
« Nous attendons les propositions des dictateurs.
Si elles sont Honorables nous ferons l’armistice. Sinon nous continuerons à nous battre ce qui n’empêchera pas le rouleau compresseur d’aller jusqu’aux Pyrénées et, par l’Espagne consentante, en Afrique du Nord.
J’ai reçu hier la visite du 1er Lord et du 1er lord naval britannique. Ces messieurs s’inquiétaient du sort de ma flotte.
Je leur ai répondu qu’elle ne serait pas livrée. Alexander m’a dit «cette décision est d’une importance politique incalculable » Je lui ai répondu «ce n’est pas son importance politique qui m’a fait prendre cette décision c’est simplement une question d’honneur
Ils avaient l’air des héritiers qui viennent s’assurer que le moribond a bien testé en leur faveur. »
La préparation de l’opération Catapult repose essentiellement sur Churchill. Il en est l’acteur central.
20 juin.
Amirauté à grands subordonnés :
La situation militaire et civile a conduit le gouvernement à faire ouverture d'une paix honorable à nos ennemis. Quelle que soit l'évolution de la situation, la Marine peut être certaine qu'en aucun cas la flotte ne sera livrée intacte à l'ennemi. Tous ordres à ce sujet seront authentifiés par signature Xavier 377, sans laquelle ils seront nuls.
20 juin, 13 h 40.
Amirauté à tous officiers généraux
1.L'amiral de la flotte pense pouvoir conserver la possibilité de commander les forces maritimes et il fait le nécessaire pour qu'il en soit ainsi.
2.Au cas où il serait hors d'état d'exercer librement son commandement, les forces maritimes seraient placées sous les ordres de l'amiral de Laborde, puis de l'amiral Esteva et de l'amiral Abrial. Ensuite de l'amiral Gensoul.
3.Tout officier général devra se conformer aux ordres ci-après :
a) combattre farouchement jusqu'au bout tant qu'un gouvernement français régulier et indépendant de l'ennemi n'aura pas donné d'ordres contraires.
b)désobéir à tout autre gouvernement.
c)Quels que soient les ordres reçus, ne jamais abandonner à l'ennemi un bâtiment de combat intact.
21 juin.
Darlan à amiral Odend'hal à Londres
L'Amirauté prescrit à nouveau aux bâtiments de guerre se trouvant à l'étranger et ayant le rayon d'action nécessaire de faire route vers un port méditerranéen ou africain.
21 juin, 19 heures.
Amirauté française à toutes autorités maritimes
Navires de guerre français présents dans les ports britanniques ou les ralliant, doivent être dirigés sur ports français situés au-dessous du 47e parallèle. (Même ordre à tous bâtiments de commerce.)
22 juin, 16 h 50.
Amiral de la flotte à tous :
Négociations d'armistice n'étant pas terminées, instructions seront envoyées ultérieurement. Dès maintenant, je précise une fois de plus, alors que je dispose encore du secret des transmissions, qu'une équipe déterminée doit être organisée sur chaque bâtiment afin d'être maintenue à bord de manière occulte en cas d'armistice. Cette équipe aura pour mission de détruire les armes et de couler le navire si l'ennemi, abusant de l'armistice, et contrairement à ses engagements, tentait d'utiliser pour lui un ou plusieurs bâtiments de combat. Cette prescription s'applique à tout étranger. Le devoir est de conserver la flotte, d'entretenir le matériel, de garder le contact avec le personnel, pour reconstituer les équipages plus tard.
23 juin, 17 h 40.
Darlan commence à se méfier de ses alliés et il câble
Commandant en chef à tous bâtiments :
Soyez dès maintenant très discrets vis-à-vis des officiers de liaison étrangers, qui devront être débarqués immédiatement si que dis si) un Armistice franco-italien est conclu.
23 juin
Churchill prononce un long et violent réquisitoire contre la France et dit :
Dans une matière tellement vitale pour la sûreté de l’empire britannique tout entier, nous ne pouvons nous reposer sur la parole de l’amiral Darlan. »
Il faudra peut-être faire bombarder les navires par les avions de l’Ark Royal ou miner leur ports. En aucun cas, ils ne doivent pouvoir s’échapper.
Il commence à préparer son cabinet et toute la nation à l’épreuve de force qu’il va bientôt entreprendre.
À Alexandrie l’amiral Cunningham rencontre le vice amiral Godfroy. Les deux hommes s’estiment et de cet entretien Cunningham retire l’impression que le Français obéira aux ordres de son gouvernement. Il annule une action contre la marine italienne pour conserver son escadre au port.
23 juin, 17 h 40 à 17 h 45.
Amirauté à tous :
Depuis que, pour des motifs impérieux, le gouvernement légal de la France a entamé des Pourparlers d'armistice avec l'Allemagne et l’Italie, une violente campagne est déclenchée par radio et même par agents étrangers pour créer la confusion et amener la désunion des Français. Le gouvernement britannique paraît être l'instigateur de cette campagne qui, si elle réussissait, aurait pour résultat de mettre les colonies et la flotte française entre les mains du gouvernement britannique, pour la défense de son seul intérêt.
Le général français de Gaulle, qui de Londres prêche la révolte, vient d'être destitué. Chacun doit, dans l'heure grave et pénible que nous traversons, s'attacher à ne penser qu'à l'intérêt de la France.
En ce qui concerne notre flotte, elle restera française ou périra. Mais si nous ne combattons plus, elle ne sera à la disposition d'aucune autre puissance, quelle quelle soit. Il ne faut pas oublier que le Premier britannique, mis au courant le 11 juin de la nécessité où se trouvait la France de cesser la lutte, déclara comprendre cette nécessité et s'incliner, sans retirer sa sympathie à notre pays. Il n'est donc pas qualifié pour parler autrement aujourd'hui. S'il fait un retour sur le passé, il constatera sans doute que la Grande-Bretagne est pour une large part responsable de notre situation actuelle.
24 juin
Churchill déclare à son cabinet que la Grande Bretagne sera bientôt en guerre contre la France. Les chefs d’état major combiné, sont opposés à la demande de Churchill d’expédier un ultimatum à la France pour lui demander de saborder la flotte. Ils pensent comme l’amiral Pound qu’il faudra plusieurs mois aux Allemands ou aux Italiens pour pouvoir utiliser les navires français s’ils ne se sont pas sabordés.
Une mission est entreprise par l’amiral North auprès de l’amiral Gensoul commandant de Mers el-Kébir. Si la mission est un échec, l’amiral Gensoul obéira aux ordres elle permet à l’amiral commandant Gibraltar d’obtenir le maximum de renseignements sur les navires au mouillage.
Il expédie aussitôt un compte rendu :
... Les termes de l'armistice seront respectés à condition (je répète à condition) qu'ils ne prévoient pas une reddition de la flotte intacte. Il existe, ai-je compris, une organisation pour saborder le matériel vital. La force est rentrée récemment de la mer ; le moral est bon, mais les officiers sont extrêmement abattus. Un contre-amiral m'a déclaré qu'il eût préféré la mort. Gensoul a été très défavorablement impressionné par un discours de Churchill et tout notre entretien en a été influencé.
24 juin, 3 h 19.
Amirauté à tous bâtiments (En clair.)
Débarquez impérativement immédiatement les officiers de liaison britanniques et le personnel qui les accompagne. Retirez des navires britanniques notre personnel de liaison. Se méfier d'attaques britanniques possibles. Prévenez tous subordonnés sous vos ordres.
24 juin, 12 h 05.
Amirauté à tous :
Clauses armistice vous sont notifiées en clair par ailleurs. je profite dernières communications que je peux transmettre en chiffre pour faire connaître ma pensée à ce sujet. Ces ordres resteront valables, quels que soient les ordres contraires que vous pourriez recevoir par la suite, même s'ils sont signés de moi.
1. Les bâtiments de guerre démobilisés doivent rester français, avec pavillon français, équipages réduits français, séjour port métropolitain ou colonial
2. Précautions secrètes d'autosabordage doivent être prises pour que ennemi ou étranger s'emparant d'un bâtiment par la force ne puisse s'en servir.
3.Si commission armistice chargée d'interpréter les textes décidait autrement que dans paragraphe 1, au moment exécution de cette décision nouvelle, navires de guerre seraient, sans ordres nouveaux, soit conduits aux Etats-Unis, soit sabordés s'il ne pouvait être fait autrement pour les soustraire à l'ennemi. En aucun cas ils ne devront être laissés intacts à l'ennemi.
4.Les navires ainsi réfugiés à l'étranger ne devront pas être utilisés à opération de guerre contre l'Allemagne ou l’Italie sans ordre du commandant en chef des forces maritimes françaises. Xavier 377.
24 juin, 15 h 46.
Conditions armistice jugées acceptables pour le pays, honorables pour la Marine, devront être strictement remplies. Tout acte contraire individuel ou collectif remettrait tout en question. Xavier 377.
25 juin
Les britanniques n’espèrent plus un ralliement des territoires d’outre mer ou de la flotte Française. Il ne reste plus qu’a employer la force.
L’ensemble des amiraux britanniques est persuadé que les Français respecteront les ordres de Darlan et qu’ils ne remettront pas la flotte aux Allemands. Ils sont fortement opposés à une opération de force.
Les communications radio officielles cessent entre l'Amirauté française et Londres. (Art. 14 des conventions de l'armistice : fermeture de toutes les stations navales de radio). Bordeaux et Vichy utilisent désormais le réseau télégraphique espagnol. Il faut désormais trente-cinq heures pour communiquer avec la mission navale française de Londres. Toutefois, Darlan continue à communiquer secrètement avec la flotte. Les britanniques détenant nos codes, ils connaissent la teneur de tous les massages de l’Amirauté.
26 juin.
Amiral Darlan à tous:
J'ai en main les clauses de l'armistice, signées. Aucune n'est déshonorante. Une fois encore et la dernière, je répète que nous garderons tous nos navires de guerre et tous nos avions de l'aéronautique navale, que nos effectifs de marins en service ne sont pas limités et que nos adversaires ont pris l'engagement de ne pas toucher à notre marine au traité de paix. Qu'espérions-nous de plus, étant défaits ?
Il s'agit maintenant d'appliquer avec dignité les conventions signées. Répondre à des appels intéressés du dehors conduirait le territoire national métropolitain à devenir province allemande. Nos anciens alliés ne doivent pas être écoutés. Chacun doit attendre sur place mes ordres. Pensons et agissons français. Xavier 377.
27 juin
Churchill et l’amiral Pound rappellent l’amiral Somerville pour mener l’opération Catapult. Lui aussi est hostile, mais il est heureux de sortir de sa retraite forcée. Pour lever ses doutes il reçoit un message de Churchill :
« Vous êtes chargé de l’une des mission des plus désagréable et des plus difficile qu’un amiral britannique ait eut à remplir, nous avons toute confiance en vous et comptons que vous l’exécuterez rigoureusement. »
30 juin
Somerville prend connaissance du message de Cunningham qui lui indique son opposition à l’emploi de la force à Alexandrie. Pour l’amiral North, francophile l’opération Catapult devrait s’appeler Boomerang. Ce trait d’esprit et son opposition farouche lui vaudra d’être limogé.
1er juillet
Somerville tente un dernier effort auprès du Premier ministre britannique :
« Après avoir entendu Holland et certains autres officiers, le vice amiral commandant la force H ne laisse pas d’être impressionné par leur opinion selon laquelle le recours à la force doit être évité à tout prix. Holland estime qu’une action offensive de notre part nous aliénerait tous les Français où qu’ils se trouvent. »
la réponse arrive à 18 h 20
« C’est la ferme intention du gouvernement de Sa Majesté que si les Français n’acceptent aucune de vos propositions, ils doivent être supprimés. »
Le cabinet de guerre se réunit et envoie à Somerville ses dernières instructions ainsi que les propositions à remettre à l’Amiral Gensoul.
a)La flotte française à Oran et Mers el-Kébir doit être mise en face de quatre alternatives.
1)amener leurs navires dans des ports britanniques et continuer à combattre avec nous.
2)amener leurs navires avec des équipages réduits vers un port britannique d'où ils seront rapatriés où ils voudront. Si les alternatives 1 ou 2 sont adoptées, les navires seront rendus à la France à la fin de la guerre, ou une compensation intégrale sera versée en cas de dommage. Si l'amiral français accepte l’alternative, mais demande que leurs navires ne soient pas (je répète : pas) utilisés par les Britanniques durant la guerre, dîtes que nous acceptons cette condition aussi longtemps que l'Allemagne et l'Italie observeront l'armistice, mais nous nous ne souhaitons surtout pas (je répète :pas) soulever ce point nous-mêmes.
3)amener leurs navires avec équipages réduits vers un port des Antilles françaises, comme la Martinique. À leur arrivée, ils seront, ou démilitarisés à notre satisfaction si nous le demandons ou placés sous la tutelle (juridiction) des Etats-Unis pour la durée de la guerre. Les équipages seront rapatriés.
4)couler (je répète : couler) leurs navires.
b)Si l'amiral français rejette toutes les alternatives ci-dessus et propose de désarmer ses navires à notre satisfaction à leur mouillage actuel, vous pouvez accepter cette proposition pourvu que les mesures de démilitarisation soient réalisées sous votre surveillance dans les six heures et rendent les navires hors service pour au moins un an, même dans un arsenal complètement équipé.
c) Si aucune de ces alternatives n'est acceptée par les Français, vous devrez détruire (je répète : détruire) les navires présents à Mers el-Kébir, surtout le Dunkerque et le Strasbourg, par tous les moyens à votre dispositions. Les navires présents à Oran doivent aussi être détruits si cela n'entraîne pas (je répète : pas) de lourdes pertes civiles.
d)La communication à faire à l'amiral français suit
e)Il ne faut surtout pas que vous rencontriez les Français à la mer et en conséquence le délai de douze heures suggéré dans votre 812 du 1er juillet n'est pas acceptable. Vous devez donc arriver près d'Oran avec votre force au moment que vous choisirez, envoyer votre émissaire à terre, puis entreprendre toute action adaptée à votre force avant l'expiration du délai.
f)Si la première alternative est acceptée, les navires devraient gagner un port du Royaume-Uni plutôt que Gibraltar. Si la deuxième alternative est acceptée, les navires devraient gagner un port du Royaume-Uni, à moins que les Français ne préfèrent Gibraltar
g)En raison de la puissance des défenses d'Alger et de l’impossibilité d'éviter la destruction de la ville, il n'est pas (je répète pas) opportun d'attaquer cette place.
2 juillet 15 heures
La force H appareille. Elle se compose du porte avion Ark Royal, du croiseur de bataille Hood, des cuirassés Résolution et Valiant appuyés par deux croiseurs lourds Arethusa et Entreprise, onze destroyers et deux sous-marins.
En Angleterre, les jours précédant le 3 juillet, les marins anglais font assaut d’amabilité envers leurs camarades français. Leur vigilance, malgré les mises en garde de l’Amirauté, s’amenuise
L’opération « CATAPULT »
En Grande Bretagne
3 juillet à l’aube :
Dans tous les ports britanniques les navires français sont envahis. À Portsmouth ce sont 1500 hommes qui, camouflés dans des barges portant la crois rouge, des ambulances ou camouflés sous des bâches dans les embarcations qui approchent des navires à l’ancre. A bord de chaque navire, un officier apportait le message suivant au commandant
Admiralty House,
Portsmouth
3 rd july 1940
Recevez, M ; le capitaine, du commandant en chef, les salutations empressées
Il a l'honneur de vous informer que, puisqu'il est nécessaire d'empêcher que les vaisseaux français ne tombent dans les mains de l'ennemi, le gouvernement britannique regrette profondément qu'il se trouve obligé à prendre charge de ces vaisseaux.
Les officiers et l'équipage doivent quitter le vaisseau paisiblement et ils recevront des ordres au sujet de leur retour en France ou leur destination, s'il est de leur désir de continuer le combat à nos côtés.
Pour rendre moins difficile votre position, on va maintenant prendre charge du vaisseau. »
Sans effusion de sang, sauf à bord du Surcouf, les marins sont débarqués, les hommes séparés de leurs officiers. Seul le Surcouf et le contre-torpilleur le Triomphant pouvaient intéresser les britanniques. Les autres navires étaient d’aucune utilité dans la lutte contre l’Allemagne. Dès la préparation de l’opération Catapult le gouvernement anglais avait donc envisagé l’utilisation de la force et prévoyait d’envoyer la flotte française où ils pensaient qu’était sa place : au fond. Pour éviter une mutinerie des équipages français à l’annonce de la mort de leurs camarades, les britanniques les internèrent aussitôt, séparant les hommes d’équipage de leurs officiers, dans les camps de concentrations prévus pour les prisonniers allemands. Ils y restèrent plusieurs mois.
L’opération Catapult se poursuit par la capture de 450 000 tonnes de navires marchands transportant pour 100 millions de dollars de cargaison. Les français répliquent par la saisie de 116 000 tonnes de cargos. En représailles, les marins anglais sont débarqués et internés dans des camps prévus pour les prisonniers allemands. Certains y séjourneront plus de six mois.
À Alexandrie :
Dans le port d’Alexandrie, l’amiral Cunningham a, depuis quelques jours, informé son homologue qu’il ne l’autoriserait pas à appareiller. Répondant à un message lui ordonnant de capturer les navires français, trouvant cet ordre «répugnant» il envoie un long télégramme à Londres.
Je ne peux pas voir quel bénéfice sera retiré de la capture par la force des navires à Alexandrie et je suis absolument opposé au projet. Je demande considération urgente des points suivants :
1)Apparemment, la situation à Alexandrie est assez différente de ce qu'elle est d'ailleurs en Méditerranée...
2)Si des navires sont saisis, quel est le but ? S'il est de les empêcher de tomber entre les mains de l'ennemi, cela a déjà été réalisé.
3)Je suis convaincu que les Français résisteraient très énergiquement, de sorte que si l'on veut prendre les navires pour les utiliser, on ne le pourra probablement pas par la force. Une telle action aboutira vraisemblablement au sabordage des navires à leur mouillage, à un port encombré d'épaves et à des pertes françaises et britanniques inutiles.
4)En outre, l'effet risque d'être désastreux au Moyen-Orient, particulièrement dans le canal de Suez et à Djibouti, où la coopération française est vitale, et en Syrie, dont l'attitude amicale est une nécessité absolue.
5)D'un autre côté, il est probable que si on laisse les choses aller comme elles sont, les navires pourront tomber entre nos mains par manque d'argent et de ravitaillement...
6)Toutefois, cette appréciation ne prend pas en compte les répercussions qu'entraînerait l'utilisation de la force à Oran. Je suis fortement opposé à une telle action qui doit être évitée autant que possible. Je ne suis pas en pleine possession des faits, mais je me permets de faire remarquer que l'ensemble des éléments français favorables deviendrait hostile et je mentionnerai, en particulier, l'effet en Afrique du Nord, dont l'attitude amicale peut affecter grandement les opérations navales ultérieures.
7)Je n'ai reçu aucun rapport sur les navires français à Sfax. Je demande des informations. En raison du manque critique de munitions, je ne compte pas engager mes croiseurs dans une action, sauf contre l'ennemi.
1er juillet
Il est autorisé à négocier. Un accord intervient donnant un délai de réflexion de 48 heures l’amiral français étant prêt à sortir en haute mer pour saborder les navires sous ses ordres.
3 juillet
Un compromis est trouvé et appliqué jusqu’à ce que l’amiral Godfroy apprenne l’attaque de Mers El-kébir. De nouvelles négociations s’engagent. Les deux amiraux interprétant et ignorant parfois les ordres de Londres et de Toulon concluent et signent l’accord suivant le :
7 juillet.
Le commandant en chef britannique en Méditerranée et le vice amiral commandant la force X, désirant que les accords auxquels ils sont déjà parvenus restent en vigueur en quelque circonstance que ce soit, dans le futur (à l'exception seulement du cas où l'un de leurs gouvernements déclarerait la guerre à l'autre, auquel cas surviendrait une nouvelle situation que le présent accord ne couvre pas) acceptent les stipulations suivantes :
1)Les navires français seront maintenus dans leur présent état en ce qui concerne le matériel Ils ne seront pas sabordés.
2)Aucune tentative ne sera faite par les Britanniques de se saisir des navires français par la force.
3)Le débarquement du personnel sera poursuivi jusqu'à ce que soit atteint le nombre d'hommes sur lequel l'accord sera fait.
4)Le personnel restant n'entreprendra aucun acte hostile contre les navires ou établissements britanniques ; non plus que les navires n'essaieront de sortir du port.
5)L'entretien et la solde du personnel des navires de guerre français à Alexandrie, comme ceux de l'Athos Il et de la Providence tant qu'ils seront au port, continueront d'être assurés comme à présent jusqu'à ce que le gouvernement français soit en situation de prendre cette responsabilité à son compte.
6)Un petit navire marchand français sera autorisé à faire des va-et-vient entre Beyrouth et Alexandrie, autant qu'il sera nécessaire, pour assurer le ravitaillement en vin des navires.
7)Le personnel sera libre de descendre et de séjourner à terre, comme il est normalement d'usage, et aussi de correspondre par lettres, sous réserve des règlements de la censure. La correspondance officielle sera envoyée de la manière normale.
8)Les communications radiotélégraphiques ne seront émises que par le Duquesne qui exercera son contrôle de telle sorte qu'on soit assuré que l'envoi d'aucun message affectant les opérations de la flotte britannique, ou s'y référant, ne soit permis.
9)Les navires français seront libres de retourner en France aussitôt que la paix sera signée.
10)La présente convention ne peut être modifiée que d'accord entre les signataires (que l'un ou l'autre ait à quitter son commandement, une nouvelle convention devra alors être passée avant son départ).
11)Dans le cas où des bâtiments de guerre français seraient pris et utilisés contre les Britanniques par les Italiens ou les Allemands, le présent accord serait remis en discussion.
Il sera respecté jusqu’à ce que les navires immobilisés reprennent le combat avec les alliés en 1943. Cette immobilisation forcée est approuvée par l’amiral Darlan dès le 4 juillet alors que Churchill le 17 juillet condamne les engagements pris.
MERS EL-KEBIR
C’est à Mers el-Kébir que va se dérouler un combat fratricide.
La flotte française avait été réunie dans ce port pour échapper au raid de l’aviation italienne. Proche de Gibraltar et de l’Italie ce mouillage permettait une intervention rapide en Méditerranée ou en Atlantique. De nombreuses difficultés ayant retardé la fin des travaux, c’est dans un port en construction et aux défenses inachevées que stationne notre flotte.
Les bâtiments de ligne (1ère et 2e escadre) sont à Mers el-Kébir, sous le commandement direct du vice-amiral d'escadre Marcel Gensoul, commandant la Force de raid (Amiral Atlantique) avec
La 1 ère Division de ligne : Dunkerque Cdt SEGUIN et Strasbourg Cdt COLLINET
La 2e Division de ligne : Bretagne Cdt LE PIVIN et Provence. CDT BAROIS
La 6e Division de contre-torpilleurs Mogador Cdt MAERTIN et Volta Cdt JACQUINET
La 4e Division de contre-torpilleurs Tigre Cdt de LA FOREST DIVONNE et Lynx Cdt LE MINTIER
Les contre-torpilleurs Terribles Cdt BONNEAU et Kersaint. Cdt REBUFFEL (en réparation une seule ligne d’arbre)
Le transport d'hydravions Commandant Teste. Cdt LEMAIRE
Dans le port d'Oran, aux ordres du contre-amiral Jarry, commandant la marine à Oran, :
Les torpilleurs et avisos suivants :
8 e DT Bordelais Trombe
7e DT Tramontane Tornade Typhon
5 e DT Brestois Boulonnais
La Poursuivante, L’impétueuse, la Batailleuse, La Curieuse
Le Casque, le Corsaire,
Le Chamois,
Le Rygault de Genouilly, la Grandière.
Les patrouilleurs : Ajaccienne, Toulonnaise, Sétoise, Terre Neuve
Les sous marins de la 14 e D.S.M : Diane, Ariane, Danae, Eurydice
À Alger, stationne la 4e escadre, commandée par le contre-amiral Marquis, avec les 3e et 4e Divisions de croiseurs et les 8e et 10e Divisions de contre-torpilleurs .
À Toulon la 3e escadre, aux ordres du vice-amiral d'escadre Duplat, est, avec la 1ère Division de croiseurs et six divisions de contre-torpilleurs .
À Arzew ( Base aéronavale)
6 Loire 130 de la H.S1
2 Loire 130 de la E 2
À La Sénia et St Denis du Sig une cinquantaine de chasseurs modernes : Morane 406 (la Sénia) et Curtis ( St Denis du Sig). L’aviation de bombardement (Léo 45 Bloch 174 et 175 quelques Glenn Martin) était incapable de remplir une mission sur la mer (réservoirs vides, pneus dégonflés, batteries débarquées…pour empêcher leur évasion vers Gibraltar)
Sur tous les bâtiments les mesures imposées par l’armistice sont en cours d’application. La démobilisation des réservistes est en cours. Les batteries côtières sont en cours de démantèlement. Les patrouilles aériennes interdites par les conventions d’armistice sont suspendues. Les fonds imposent l’amarrage des cuirassés par l’arrière. Cette disposition en ligne le long de la jetée interdit aux canons de 380 du Dunkerque et du Strasbourg de répondre à une attaque venant de la mer. Les autres navires pouvaient difficilement tirer au travers des superstructures des bâtiments amarrés à proximité. Par contre cette disposition permettait un appareillage plus rapide et permettait de mieux étaler les coups de vents fréquents et qui se lèvent rapidement en Méditerranée
3 juillet
6 h 58
Le destroyer Foxhound demande l’autorisation de pénétrer dans le port. Il adresse le message suivant à l’Amiral :
L'Amirauté britannique envoie le commandant Holland conférer avec vous. La marine royale espère que les propositions vont vous permettre, la marine nationale française vaillante et glorieuse, de se ranger à nos côtés.
En ce cas, vos bâtiments resteraient toujours les vôtres et personnes n'auraient (sic) besoin d'aucune anxiété dans l'avenir La flotte britannique est au large d'Oran pour vous accueillir
En même temps on signalait la présence de la flotte comprenant les cuirassés Hood, Résolution et Valiant. Un croiseur de type Emerald protégé par 7 torpilleurs ou contre torpilleurs. Dans l’ouest le porte avion Ark Royal et sa protection rapprochée de deux torpilleurs.(se reporter à la note 27 page 23 pour la composition exacte de la force H)
Le choix du capitaine Holland comme négociateur paraît au prime abord comme habile. Commandant de l’Ark Royal, Francophile, parlant un excellent français, il a passé de nombreux mois à l’Amirauté française comme officier de liaison. Son grade peut élevé indispose l’Amiral Gensoul. Devant la menace que représente la flotte anglaise l’amiral se remémore l’avertissement reçu le 25 juin de l’Amirauté :
« Soyez attentifs à toute tentative de destruction ou de sabotage de nos navires qui constituent toujours un des éléments essentiels de notre situation internationale ».
Il décide donc de ne pas recevoir le capitaine Holland mais il délègue son officier d’ordonnance le lieutenant de Vaisseau Dufay que connaît bien Holland et qui parle un excellent anglais.
7 h 15
Dufay accoste le Foxhound mouillé a un mile environ au Nord Est de la passe. Il annonce à Holland que l’amiral refuse de le recevoir. Celui ci insiste pour remettre en mains propres les documents dont il est porteur et d’en discuter la teneur avec l’Amiral. Dufay quitte le destroyer à 7 h 25.
Peu après la vedette du commandant Holland se dirige vers le Dunkerque Le lieutenant de vaisseau Dufay, à bord d’une vedette, part à sa rencontre pour lui interdire l’accès du navire amiral. Les deux embarcations s’amarrent à une tonne à 200 mètres à l’intérieur du barrage. Les deux hommes se rencontrent
8 h 15.
Holland remet alors à l’envoyé de l’Amiral l’aide-mémoire dont il est porteur.
8 h 25
A bord du Dunkerque l’amiral prend connaissance des propositions anglaises :
« Le gouvernement de Sa Majesté m'a ordonné de vous informer de ce qui suit :
Il a accepté que le gouvernement français approchât le gouvernement allemand à la seule condition que si un armistice était conclu, la flotte française serait envoyée dans les ports britanniques pour empêcher qu'elle ne tombe entre les mains de l'ennemi. Le conseil des ministres a déclaré le 18 juin qu'avant de capituler sur terre, la flotte française se joindrait à la flotte britannique ou se saborderait.
Tandis que le présent gouvernement français peut considérer que les termes de ses armistices avec l'Allemagne et l'Italie sont conciliables avec ses engagements, le gouvernement de Sa Majesté estime impossible, après les expériences précédentes, de croire que l'Allemagne et l'Italie ne s'empareront pas à tout moment qui leur conviendra des bâtiments de guerre français et ne s'en serviront pas contre la Grande-Bretagne et ses alliés.
L'armistice italien prescrit que les navires français devront retourner dans les ports métropolitains et d'après l'armistice la France est tenue de fournir des unités pour la défense côtière et le dragage des mines.
Il nous est impossible à nous, vos camarades jusqu'à présent, de permettre à vos beaux navires de tomber aux mains de l'ennemi allemand ou italien. Nous sommes décidés à nous battre jusqu'à la fin, et si nous sommes vainqueurs, comme nous pensons que nous le serons, nous n'oublierons jamais que la France a été notre alliée, que nos intérêts sont les mêmes que les siens et que notre ennemi commun est l'Allemagne. Si nous sommes vainqueurs, nous déclarons solennellement que nous restaurerons la France dans sa grandeur et l'intégrité de son territoire. À cet effet nous devons être sûrs que les meilleurs bâtiments de la Marine française ne serons pas utilisés contre nous par l'ennemi commun. Dans ces conditions, le gouvernement de Sa Majesté m'a chargé de demander à la flotte française qui se trouve actuellement à Mers-el-Kébir et Oran d'accepter l'une ou l'autre des propositions suivantes :
a)Appareiller avec nous et continuer à combattre pour la victoire contre les Allemands et les Italiens.
b)Appareiller pour un port britannique avec équipages réduits sous notre contrôle. Ces équipages seront rapatriés le plutôt possible. Si l'une ou l'autre de ces propositions est acceptée par vous, nous vous rendrons vos bâtiments à la fin de la guerre ou paierons une pleine compensation s'ils ont été endommagés entre temps.
c)Dans le cas contraire, si vous vous croyez obligés de stipuler que vos bâtiments ne devront pas être employés contre les Allemands ou les Italiens, puisque cela romprait l'armistice, appareiller avec nous, avec équipages réduits, pour un port français des Antilles - la Martinique par exemple - où vos navires pourront être démilitarisés à notre satisfaction, ou peut-être, être confiés aux Etats-Unis d'Amérique et demeurer en sécurité jusqu'à la fin de la guerre, les équipages étant rapatriés.
Si vous refusez ces offres équitables, je devrai avec un profond regret, vous sommer de couler vos bâtiments dans les 6 heures. Enfin, si aucune des propositions ci-dessus n'est acceptée, j'ai ordre du gouvernement de Sa Majesté d'employer toute la force nécessaire pour empêcher vos bâtiments de tomber entre les mains allemandes ou italiennes. »
8 h 30
Ordres adressés :
À marine Oran : « flotte anglaise étant venue nous poser un ultimatum inacceptable, soyez prêts à réponde à la force par la force »
Réarmez rapidement les batteries de la côtes et la DCA
À aviation Arzew : réarmez et préparez les hydravions
À La Sénia seule l’aviation de chasse est disponible.
8 h 45
Envoi d’un télégramme à Nérac :( siège de l’Amirauté)
« Force anglaise comprenant trois cuirassés, un porte-avions, croiseurs, torpilleurs, devant Oran. Ultimatum envoyé : coulez vos bateaux, délai 6 heures ou nous vous y contraindrons par la force.
Réponse : bâtiments français répondront par la force. »
8 h 50
Amiral à tous : « prenez les dispositions de combat »
9 h 00
Réponse française à l’ultimatum britannique :
1) Les assurances données par l'amiral Gensoul à l'amiral Sir Dudley North demeurent entières.
En aucun cas, les bâtiments français ne tomberont intacts aux mains des Allemands ni des Italiens.
2) Etant donné le fond et la forme du véritable ultimatum qui a été remise à l'amiral Gensoul, les bâtiments français se défendront par la force.
9 h 55
Amiral à tous : « Avoir tous feux allumés au plutôt et être prêts à donner le maximum de puissance. »
Après compte rendu de son aide de camp l’Amiral Gensoul décide d’envoyer une seconde réponse qui pourrait ouvrir de nouvelles négociations :
10 h 00
1) Amiral Gensoul ne peut que confirmer la réponse déjà apportée par le lieutenant de vaisseau Dufay.
2) Amiral Gensoul est décidé à se défendre par tous les moyens dont il dispose.
3) Amiral Gensoul attire attention de l'amiral Somerville sur le fait que le premier coup de canon tiré contre nous aurait pour résultat pratique de mettre immédiatement toute la flotte française contre la Grande-Bretagne, résultat qui sera diamétralement opposé à celui que recherche le gouvernement de Sa Majesté britannique.
En recevant ce message le Capitaine Holland déclare à Dufay :
« Permettez moi de vous dire d’officier à officier, qu’à votre place ma réponse, n’eût pas été différente ».
10 h 23
À Londres réception du premier message de Somerville :
« Amiral français refuse de recevoir le commandant Holland. Remis lettre contenant les conditions ; attend réponses. »
10 h 45
Somerville informe son gouvernement que les navires français poussent les feux.
Réponse de Londres : « les informer que s’ils bougent vous devrez ouvrir le feu. »
Pour l’amiral Gensoul la situation était déjà sans issues. La poursuite des négociations est une tactique pour gagner du temps et permettre la poursuite de son réarmement.
10 h 50
Réception d’un nouveau message à bord du Dunkerque :
Je regrette vous informer que, conformément à mes ordres, je ne vous permettrai pas de sortir du port à moins que les termes du gouvernement de Sa Majesté ne soient acceptés.
Suis informé que amiral Godfroy démilitarise ses bâtiments maintenant à Alexandrie avec équipage réduit.
11h
Réception à Nérac, siège de l’amirauté du message de Gensoul. Message envoyé à 8 h 45
12 h 15
Nouvelle interrogation de Somerville à Holland dont la réponse : « après un refus initial le caractère français tend souvent vers une acceptation ». L’amiral accepte alors d’attendre encore.
Ordre de l’amiral Gensoul aux contre torpilleurs de prendre de nouvelles positions en rade intérieure
12 h 30
Cinq avions de l’Ark Royal larguent des mines magnétiques dans la passe. La DCA française reste muette.
l’Amiral Gensoul ordonne à tous ses bâtiments d’être à 30 minute d’appareillage.
12 h 31
L’amiral Somerville confirme par message que : l’Amiral Gensoul reste sur ses positions, refuse les proposition britanniques et qu’il combattra. « Je me prépare à ouvrir le feu à 1 h 30 p.m (14 h 30 locales) »
12 h 36
Somerville interroge Holland : « reste-t-il une alternative à l’ouverture du feu ? »
Réponse de Holland : « J’ai peur que non »
12 h 45.de L’Amirauté :
Commandant en chef à croiseurs Marseillaise, Algérie, etc.
Ordre d'appareiller immédiatement en tenue de combat. Concentration à Oran. Répondre à la force anglaise, je dis britannique, par la force. Ordre à tous bâtiments de guerre présents en Angleterre d'appareiller immédiatement et de rallier Brest. Ces bâtiments devront avoir pavillon blanc en tête de mât et grands panneaux blancs peints sur plage avant et nationalité inconnue. Ils devront arriver à Brest entre 12 et 18 heures. Signé par ordre, Le Luc Maurice, Athanase.
Ce message a été émis en clair pour essayer d’intimider la force britannique
13 h 10
Message de Somerville :
« Si vous acceptez les propositions, hissez au grand mât un pavillon carré, si non je vais ouvrir le feu à 14 heures »
Flotte française branle bas de combat.
13 h 15
Message de Gensoul : « Je n’ai pas l’intention d’appareiller – stop – J’ai télégraphié mon gouvernement dont j’attend la réponse – stop – Ne créez pas irréparable. »
13 h 30
«Suis prêt à recevoir personnellement votre délégué pour discussion honorable. »
13 h 30
Interruption du mouvement des contres torpilleurs.
15 h 00
Réception du commandant Holland à bord du Dunkerque. Il est accompagné d’un lieutenant Commander. L’Amiral reste sur ses positions. Il montre à Holland les ordres de Darlan du 24 juin qui prévoit, sans, ordres nouveaux le départ vers les Etats-Unis ou le sabordage en cas de menace. Puis le dernier télégramme de l’Amirauté lui annonçant le départ de la flotte de Toulon en tenue de combat pour rallier Mers el-Kébir. Il résume alors sa position dans un billet manuscrit :
1)La flotte française ne peut pas ne pas appliquer les clauses de l'armistice eu égard à la France métropolitaine qui en supporterait les conséquences.
2)Elle a reçu des ordres formels, et ces ordres ont été transmis à tous les commandants, pour que si après l'armistice les bâtiments risquaient de tomber entre les mains des adversaires, ils seraient conduits aux Etats-Unis ou sabordés. (Voir message de l’Amirauté du 24.6).
3) Les ordres seront exécutés.
4)Les bâtiments qui sont actuellement à Oran et Mers el-Kébir ont commencé depuis hier, 2 juillet, leur démobilisation (réduction des équipages). Les hommes originaires de l’Afrique du Nord ont été débarqués.
16 h 15
Signal de Somerville : «Si une des propositions britanniques ne sont pas acceptées pour 17h30 BST(British Summer Time), je dis 17 h 30 BST, il faut que je coule vos bâtiments.
16 h 27
Flotte française branle bas de combat.
16 h 30
Dernier message de Holland transmis par signal optique :
« Amiral Gensoul dit équipages en cours de réductions et que si menacés par l’ennemi irait à la Martinique ou aux États-Unis, mais ce n’est pas exactement nos propositions. Ne puis obtenir davantage »
16 h 31
Aux contre torpilleurs : « Appareillez immédiatement »
16 h 35
La délégation anglaise quitte le Dunkerque en direction de la flotte anglaise qui croise dans le nord-est à environ 12 miles (20 km environ)
16 h 40
Aux Cuirassés : « Filez Chaîne axiale »
16 h 45
En cas d’appareillage, sortie dans l’ordre 1ère Division de Ligne (Strasbourg et Dunkerque). 2ème Division de ligne (Provence, Bretagne), Commandant Teste. Longez la partie la plus au sud de la passe.
16 h 54
ouverture du feu par les britanniques
Le Dunkerque hisse les signaux d’ouverture du feu et d’appareillage.
16 h 58
La Bretagne est touchée à l’arrière.
La Provence ouvre le feu de ses cinq tourelles et ceci à travers les superstructures du Strasbourg
17 h 00
une bordée tombe à l’endroit que venait de quitter le Strasbourg
La Provence largue ses amarres
La Bretagne brûle
17 h 01
Le Dunkerque encaisse trois obus de 380. Les machine partiellement hors service, il est contraint de s’échouer
17 h 03
La Provence est touchée par un obus de 380.qui provoque un début d’incendie et une grosse voie d’eau.
Le Mogador est touché par un coup de 380 arrière arraché. Les contre torpilleurs Volta, Terrible, Tigre et Lynx sortent sans encombres.
La Bretagne s’enfonce par l’arrière.
17 h 04
Somerville est averti de la sortie d’un Dunkerque .
Les anglais cessent le feu
17 h 07
La Bretagne est en flamme depuis la passerelle jusqu’à l’arrière
17 h 09
Le Strasbourg franchit la passe
La Bretagne chavire et coule.
17 h 15
Par T S F Vous demande de cesser le feu.
17 h 16
Le navire amiral Hisse un pavillon carré.
20 h 45.
L’amiral Darlan sous le coup de la colère envoie le message suivant.
3 juillet 20 h 45.
Amirauté française à tous :
Devant attitude hostile prise par Marine royale britannique à Mers El-Kébir, considérez comme hostile et attaquez tout bâtiment de guerre britannique rencontré. L'ordre s'applique à tout bâtiment de surface, sous-marin et aéronef. Saisir tout bâtiment de commerce britannique rencontré et le conduire dans un port français. (Ordre annulé.)
Les seules fois où j’ai entendu mon père raconter comment il avait pu réchapper, son récit était bref. Ils ne furent que 6 ou 8 mécaniciens à pouvoir sortir des machines. Les portes étanches étaient fermées, et ils étaient « au fond ». Pour regagner les ponts supérieurs il ne restait que les échelles verticales encombrées. Il fallait passer sur le corps des blessés et des hommes tétanisés par la peur Les mécaniciens ont été victimes d’une triple explosion : celle des chaudières, celle des obus anglais qui ont provoqué l’explosion des munitions françaises. Arrivé sur le pont, mon père fut accueilli par la mitraille et des spectacles horribles comme cet homme décapité par un éclat et qui continuait à marcher. Il fut incité à sauter par un « vieux » qui lui a crié « saute petit, saute petit, le bateau va chavirer ». Il plongea et nagea dans une mer de mazout jusqu’à ce que d’une chaloupe on lui jette un filin auquel il pu s’accrocher. La chaloupe le remorqua jusqu’à la plage d’où il fut évacué vers l’hôpital. Il était indemne, sans une égratignure. Le souvenir de cette journée l’a poursuivi toute sa vie. Vous comprenez mieux maintenant pourquoi ces hommes ont voué une haine tenace envers Churchill qui pour asseoir sa position n’a pas hésité à « massacrer » ses anciens alliés. Pourquoi n’a t il pas attaqué la flotte Italienne ?
4 juillet
Les relations diplomatiques entre la France et la Grande Bretagne sont aussitôt rompues. Chaque partie va chercher à exploiter politiquement la situation. La propagande se déchaîne. Churchill prononce le 4 juillet un discours qui enflamme la chambre des communes.
Darlan, le même jour veut exercer des représailles. La guerre est presque déclenchée entre la France et l’Angleterre, mais le conseil des ministres décide de simplement rompre les relations diplomatiques entre les deux pays. Il veut aussi organiser un bombardement de Gibraltar. Il sera exécuté, d’une manière « symbolique » quelque jours plus tard.
5 juillet
Les Italiens demandent qu’on leur cède une base aérienne « pour que les forces aériennes italiennes et françaises puissent coopérer pour attaquer les navires anglais<.
Dès le retour de Somerville à Gibraltar, pour parachever son œuvre, il ordonna une nouvelle attaque.
6 juillet.
Mers El-Kébir
L’opération « Lever » débute. 3 vagues d’avions viennent torpiller le Dunkerque échoué. L’Amiral Gensoul a ordonné de ne pas défendre le bâtiment. Une torpille fait couler le Terre Neuve chargé de grenades sous marines qui explosent causant encore de nombreux morts et blessés. La chasse abattra deux avions. Certains équipages d’hydravions touchés par les anglais furent récupérés à Arzew (leur base de départ) par des pêcheurs alors que leur avion coulait. La récupération des torpilles non explosées montrera que certaines d’entre elles avaient été sabotées . Les rapports d’expertises ont été détruits en 1942 pour éviter des représailles à l’encontre des officiers ou marins anglais.
Message de l’Amirauté à tous :
Prescription 3332 remplacée par : «En haute mer, ne pas attaquer les navires de guerre britanniques, mais être prêt à riposter à une attaque. Seuls seront attaqués les bâtiments de commerce anglais entrés dans la zone interdite de vingt milles.
L’opération Catapult n’était pas terminée :
Casablanca
le cuirassé Renow devait attaquer les navires français stationnés à Casablanca. Cette opération est annulée par Winston Churchill : 12 000 britanniques étaient en instance d’embarquement
Dakar
Devant Dakar les ordres de Churchill donnés au commandant du Dorestshire et annulés pendant la nuit sont clairs « si le Richelieu appareille et fait route vers le nord, suivez le. S’il se dirige vers les Antilles, mettez tout en œuvre pour le détruire à la torpille et si vous n’y réussissez pas, éperonnez le, je répète, éperonnez le ». Quels étaient les ordres donnés par radio si la flotte de Mers el-Kébir avait tenté de rallier les Antilles sous équipages réduits et à vitesse réduite ?. Elle se serait trouvée sous la menace britannique, de l’aviation allemande, mais aussi de la flotte italienne. Churchill n’aurait eut aucun scrupule à l’envoyer par le fond.
Gibraltar
96 avions français bombardent, de nuit, le port à haute altitude. Ces « représailles » n’auront aucune conséquence pour la flotte anglaise (6% de réussite) .
7 juillet
L’amiral DUPLAT répond aux Italiens :
Objet: Base aérienne en Algérie.
J'ai l'honneur d'informer Votre Excellence que le gouvernement français est disposé à accorder à l'Italie les facilités demandées dans la province d'Oran pour permettre aux forces aériennes italiennes de coopérer avec les forces françaises contre les navires anglais.
Par ailleurs, je serai obligé à Votre Excellence de me faire connaître comment le gouvernement italien envisagerait une demande du gouvernement français concernant une action navale française contre les forces navales britanniques en vue de dégager les forces françaises enfermées dans ce port.
8 juillet
le Richelieu est attaqué à Dakar. Il semblerait qu’une torpille ait fait exploser les grenades sous marines posées par un commando pendant la nuit, sous la coque, et à l’arrière du bâtiment. Les avaries subies sont importantes : brèche à tribord, une ligne d’arbre définitivement immobilisée et une autre faussée.
Si militairement l’opération Catapult est un demi échec (la flotte française n’était pas détruite) elle a un effet immédiat sur le recrutement des F N F L . Beaucoup de marins qui avaient décidé de rejoindre De Gaulle ont fait volte face. Autre conséquence : 40% de la flotte française se trouvait maintenant à Toulon sous la menace directe de l’aviation allemande et italienne. Le « contrôle » allemand était maintenant plus facile . En décembre 1940 Hitler disait : « S’il se passe quelque chose en Afrique du Nord, nous devrons immédiatement occuper le reste de la France avant tout pour mettre en sécurité le reste de la flotte ».
Après le 3 juillet Hitler lui, jubile. Pour montrer sa bonne volonté il annule l’article 8 et la flotte française reste une flotte de guerre qui continuera à escorter les convois de nourriture entre l’Afrique et la métropole. Elle est aussi autorisée à effectuer des manœuvres hebdomadaires au large de Toulon.
La commission d’armistice interroge le gouvernement français pour savoir :
« quelles sont les formations d’aviation et de DCA du territoire occupé dont le gouvernement français désire avoir la libre disposition. »
Les discussions franco britanniques continuent. Le 14 juillet elles aboutissent à de nouvelles dispositions britanniques face à la marine Française, c’est une sorte de pacte de non agression. Cette nouvelle politique est trop belle pour être honnête et Churchill n’hésitera pas à agresser les Français à chaque fois qu’il aura besoin d’affermir sa position.
Attaque de Dakar le 23 septembre 1940 avec les F N F L . Si son but officiel est de rallier le territoire à la cause de la France Libre c’est surtout pour s’emparer des 450 tonnes d’or des la banques de Belgique et des Pays Bas qui y sont entreposés. Les anglais en ont besoin pour payer cash le matériel commandé aux États-Unis. Aimablement Roosevelt le leur a suggéré !
« Après la perte de deux de nos cuirassés en Malaisie nous avions grand besoins de connaître enfin un succès » écrit Churchill dans ses mémoires. Il effectue un débarquement en vraie grandeur en attaquant Diégo Suarez (petite île au nord de Madagascar) le 5 mai 1942. Roosevelt a donné son accord. Le prétexte est vite trouvé : Les Japonais vont envahir l’île. En réalité ils sont à des milliers de kilomètres. L’attaque a encore fait 171 morts et 343 blessés.
Bilan de la tragédie :
À Mers el-Kébir le combat fut bref, mais meurtrier en voici le bilan :
- Bretagne 1012
- Dunkerque 210
- Provence 3
- Strasbourg 5
- Mogador 38
- Rigault de Genouilly 12
- Terre-Neuve 8
- Armen 3
- Estérel 6
Soit un total de 1 297 victimes, dont 12 le 4 juillet (Rigault de Genouilly coulé par un sous marin) et 25 le 6 juillet (2e attaque du Dunkerque). Le décompte des bâtiments autres que la Bretagne est incontestable, même si un disparu (Le Du) a été oublié sur la stèle du
Dunkerque.
En France cette agression affecte les populations. Les familles de marins sont sans nouvelles. Mes grands parents ne seront avertis officiellement qu’après le 26 juillet, que leur fils est vivant.
L’émotion provoquée par Mers el-Kébir va faciliter la tâche des partisans de la collaboration. Dès le 4 juillet la propagande allemande et collaborationniste va se servir de ce thème. Des affiches utilisent tous les vieux préjugés pour réveiller l’anglophobie du peuple français. Les journaux aussi contribuent à véhiculer les même thèmes ainsi peut on voir dans l’hebdomadaire Gringoire le dessin d’une tombe portant l’épitaphe suivante :
Ci-gît le quartier maître Jean Yves
Blessé à Dunkerque le 30 mai 1940
En protégeant l’embarquement des Anglais
Assassiné à Mers el-Kébir le 3 juillet 1940 par les Anglais.
Une autre affiche montre un marin, nageant en brandissant un drapeau tricolore. Elle a pour légende n’oubliez pas Oran .
Le sort des marins Jusqu’en 1945
Le destin des rescapés de Mers el-Kébir et des autres marins est divers. Certains ont regagné Toulon, d’autres ont été démobilisés. On va suivre mon père entre 1940 et 1945 ce qui vous donnera un aperçu d’un « destin ».
Dès sa sortie de l’hôpital d’Oran, mon père fut affecté, avec deux de ses camarades, comme mécanicien, sur le navire hôpital le Sphinx. Comme on leur avait promis un poste à terre ils furent débarqués non sans mal. Il rejoint alors la base aéronavale d’Arzew où il est chauffeur du commandant. C’est à ce titre et avec une voiture officielle qu’il accompagnait en 1942 le capitaine Hamilton (des Etats Unis) et un officier supérieur français sur les plages de la baie. Ceux-ci mesuraient les profondeurs, notaient les obstacles. Ils préparaient l’opération Torch du 8 novembre 1942 . Pour cette opération, on « oublia » encore, d’avertir les Français . Pourtant de nombreux contacts au plus haut niveau avaient été pris. Roosevelt et Churchill avaient appris que des entretiens secrets avaient lieu en Suisse entre les émissaires de Staline et ceux d’Hitler. Staline négociait un renversement d’alliance avec le Reich. Aux alliés il réclamait un second front. Il s’est ouvert en Afrique du Nord et ce sont les Français qui durent combattre pendant trois jours. Après la cessation des combats ordonnés par Darlan, les troupes et les marins rejoignirent aussitôt les forces anglo-américaines. Des marins participèrent au débarquement en Sicile . Ils prirent aussi une part active dans la libération de la Corse au débarquement en Normandie, en Provence , D’autres dont mon père, alors affecté comme mécanicien sur des dragueurs de mines, furent envoyés aux Etats-Unis pour réarmer les navires français en cours de refonte. Dès leur arrivée ils furent pris en charge, habillés et soignés par le service de santé. Affecté sur le porte avion Béarn il a été reçu avec une délégation de marins par Rockfeller. Ils rejoignirent le Waldof Astoria dans des taxis affrétés par leur hôte. Tous étaient frappés par l’efficacité des américains. Les équipes travaillaient 24 heures sur 24. Pour changer les machines au lieu de se servir des trappes prévues à cet effet, les soudeurs ont découpé la coque au chalumeau. Gain de temps : plusieurs mois !. Ils eurent l’honneur d’ouvrir le défilé du « four freedoms parade » à la Nouvelle Orléans. Les chœurs du Béarn furent invités à chanter à la radio W W L le jour de la libération de Paris. Paris libéré par la 2 ème DB où figurait une brigade de marins . Certains bateaux rejoignirent le Pacifique par le canal de PANAMA. Le Béarn appareille le 7 mars 1945 pour. C’est pendant ce trajet, par gros temps, que sa barre subit une avarie. Il heurte un transport de troupe d’escorte. Bilan 83 morts. Une brèche s’est ouverte dans la coque du porte avion. Il embarque des tonnes d’eau La réaction du commandant fut immédiate : « fermer les portes étanches ». cet ordre coûta la vie à huit hommes d’équipage. Lorsque mon père évoquait cet épisode et la cérémonie d’immersion des corps qui suivit il disait « c’était huit morts ou un navire et mille hommes, il avait fait le bon choix ». Pensez aux ordres de Churchill qui demandait à un de ses navires d’éperonner le Richelieu…
CONCLUSION
On a beaucoup écrit sur Mers el-Kébir. On a beaucoup reproché a l’Amiral Gensoul. Il était seul, il avait une responsabilité terrible. S’il rejoignait les Antilles ou l’Angleterre c’était la rupture de l’armistice, la possibilité pour l’Allemagne et l’Italie d’envahir l’Afrique du Nord. Il ne faut pas oublier non plus les représailles possibles contre les familles restées en métropole. Continuer la guerre depuis l’Afrique était aussi une utopie : il n’y avait aucune structure industrielle pour entretenir l’armée, aucun arsenal pour réparer les navires, aucune usine d’armement , aucune réserve de carburant et de munitions.
Je laisse le soin de conclure au Capitaine de Vaisseau Putz du Dunkerque :
L'attaque de notre escadre à Mers el-Kébir lui a coûté treize cents morts ou disparus et trois cent cinquante blessés. Ces chiffres sont faibles en regard des dizaines de millions de morts de la dernière guerre, ou même du simple nombre de victimes des bombardements des villes anglaises. Cependant, ils pèseront lourd dans les balances de l'histoire parce qu'ils ont été causés par ceux qui étaient encore et malgré tout, nos compagnons d'armes.
Le cri rageur «Mers el-Kébir ! » devait être lancé à la face des Anglais au cours des douloureux affrontements qui allaient suivre : à Dakar, en Syrie, à Diego Suarez et pour finir sur les côtes d'Afrique du Nord en novembre 1942. L’élan vers la victoire commune devait ensuite le faire taire. Mais n’ayons pas d'illusion, ce cri resurgira à l'avenir chaque fois que des difficultés sérieuses opposeront nos deux pays.
Les victimes innocentes qui avaient ressenti comme un affront la méfiance des anglais qui les disaient capables de livrer ou laisser prendre leurs navires, ont été sacrifiées une seconde fois en jetant sur eux le voile de l'oubli jugé nécessaire à la restauration et au maintien de l'amitié franco-britannique.
Discours de W Churchill aux Communes (4 juillet 1940)
C'est avec un véritable chagrin que je dois annoncer les mesures que nous avons été contraints de prendre afin d'empêcher la flotte française de tomber aux mains des Allemands. Lorsque les deux nations combattent côte à côte, l'une peut être abattue et obligée de demander à son alliée de la relever de ses promesses. Mais la dernière chose à laquelle on pouvait s'attendre était que le gouvernement français, en abandonnant la lutte et en laissant le poids reposer entièrement sur l'empire britannique, ne prendrait pas soin de ne pas causer inutilement des torts graves à ses camarades fidèles dont la victoire finale constitue la seule chance de liberté des Français. Nous avons offert de relever les Français de leurs obligations si leur flotte se rendait dans des ports britanniques avant la conclusion d'une armistice séparé. Cela ne fut pas fait. En dépit de toutes les promesses et de toutes les assurances données par l'amiral Darlan au Premier Lord de l'Amirauté, un armistice fut signé qui plaçait la flotte française au pouvoir de l'Allemagne d'une manière aussi effective qu'était placée entre nos mains cette partie de la flotte française qui, incapable de rallier les ports africains, avait gagné Plymouth et Portsmouth il y a huit jours. Je dois prendre acte de ce que le gouvernement de Bordeaux, avec une connaissance complète des conséquences de sa décision, a consenti à une clause susceptible de nous porter un coup mortel. Il y a un autre exemple de la sécheresse, pour ne pas dire de la malveillance, avec laquelle nous avons été traités, je ne dis pas par le peuple français, mais par le gouvernement de Bordeaux. Environ 400 pilotes allemands étaient prisonniers en France. M. Reynaud nous avait promis que ces pilotes seraient évacués sur l’Angleterre. Après sa chute, ils furent livrés à l'Allemagne. La décision du gouvernement britannique en ce qui concerne la flotte française fut prise à l'unanimité hier matin. Nous avons pris la plus grande partie de la flotte française sous contrôle. Deux cuirassés, deux croiseurs légers, plusieurs sous-marins, y compris le Surcouf, 8 destroyers, 200 dragueurs de mines et navires contre sous-marins qui se trouvaient à Portsmouth, Plymouth et Scheerness furent saisis, après que notification eut été faite dans certains cas au commandant. L’opération, fut exécutée sans résistance, sauf à bord du Surcouf où un marin britannique et un officier français furent tués et où il y eut quelques blessés. 800 ou 900 marins français ont exprimé le désir de continuer la guerre. Certains ont demandé la nationalité britannique qui leur sera accordée. D'autres préfèrent continuer en leur qualité de Français. Les autres seront immédiatement rapatriés à destination des ports français. Le gouvernement français prend les dispositions nécessaires avec l'accord de l'Allemagne. Les troupes françaises qui se trouvent dans ce pays seront rapatriées, à l'exception de celles qui suivent le Général De Gaulle. Deux des plus beaux navires de la flotte française, le Dunkerque et le Strasbourg, plusieurs croiseurs légers et un certain nombre de destroyers et de sous-marins se trouvaient à Oran hier matin. Un officier a demandé à être reçu par l'amiral français. Cet entretien ayant été refusé, il fit remettre un document demandant que la flotte française adopte une des attitudes suivantes : ou bien continuer la lutte contre les Allemands et les Italiens, ou bien se rendre dans un port britannique avec un équipage limité. Si ces conditions étaient refusées, il était demandé à la flotte française de se saborder dans les six heures. À Alexandrie, se trouvent à côté d'une puissante flotte britannique un cuirassé français, quatre destroyers (sic) et un certain nombre de bateaux plus petits. Le commandant français a été informé qu'il ne pouvait quitter le port. Des négociations ont eu lieu et des dispositions ont été prises afin que ces navires soient coulés ou bien mis hors d'usage. Une escadre de bataille britannique, sous le commandement de l'amiral Somerville, qui a contribué à sauver 10 000 Français de Dunkerque, se rendit à Oran. La discussion se continua toute la journée. Lorsque finalement l'amiral français refusa nos propositions, l'amiral Somerville reçut l'ordre d'en finir avant la nuit. Il ouvrit le feu à 5 h 58 (17 h 58) sur la puissante flotte française qui était protégée par des batteries côtières.
L'attaque britannique était appuyée par les forces aériennes de l'Ark Royal. À 7 h 30 (19 h 30), un croiseur de bataille de la classe Strasbourg était avarié et se mettait au sec. Un cuirassé de la classe Bretagne était coulé et un autre sévèrement endommagé.
Deux contre-torpilleurs français et un navire porte-avions furent coulés ou mis en flammes. Un croiseur de bataille, le Strasbourg ou le Dunkerque, réussit à quitter le port. Atteint par une torpille, il fut rejoint par d'autres navires français et toutes ces unités ont atteint Toulon avant d'avoir pu être rattrapées. Le Dunkerque est sans doute hors d'usage pour plusieurs mois. Les navires français se sont défendus avec le courage caractéristique de la Marine française. Je crains que les pertes des vies humaines n'aient été élevées, parmi les Français ainsi que dans le port, car nous avons dû recourir à des moyens draconiens et des explosions immenses furent observées. Aucun des navires britanniques ne fut atteint dans sa vitesse ou dans sa puissance de feu. La flotte italienne s'est tenue prudemment à l'écart. Nous prendrons les mesures nécessaires pour garder le commandement [la maîtrise] de la Méditerranée. Il reste d'autres navires français qui ne sont pas sous notre contrôle. Nous avons l'inflexible résolution de faire tout ce qui sera possible pour les empêcher de tomber dans les mains de l'Allemagne. Je laisse avec confiance le jugement de notre action au Parlement, au pays et au monde .
Ordre du jour de l’amiral Darlan (4 juillet 1940)
La France fière de sa flotte, fière de ses marins, leur témoigne sa profonde reconnaissance pour avoir héroïquement défendu son honneur.
Le lâche attentat dont nos navires et nos équipages viennent d'être victimes à Mers el-Kébir, aura montré au monde que lorsque la France a donné sa parole, elle la tient quoi qu'il puisse arriver.
Je m'incline bien bas devant les pavillons de nos navires disparus ou blessés. je salue respectueusement ceux de nos camarades morts courageusement pour la Patrie. Ils auraient sans doute préféré mourir dans un combat loyal au lieu de périr assassinés. Mais leur sacrifice n'aura pas été vain. Il a grandi notre pays aux yeux de tous les peuples de la terre, même sans doute aux yeux de ces marins britanniques habitués à agir comme des gentlemen en jouant fair play et à qui un Churchill, un Alexander, un Dudley Pound, ont fait accomplir un assassinat dûment prémédité. Pourquoi ont-ils agi de la sorte? Le prétexte invoqué est d'empêcher la Flotte française de tomber aux mains de l'Allemagne et de l'Italie. Ces messieurs de Londres seraient-ils plus français que nous?
Le maréchal Pétain a demandé à nos adversaires un armistice dans l'honneur. Ils nous l'ont accordé. Les conditions en sont dures, mais non déshonorantes. En ce qui concerne la Flotte en particulier, ils ont nettement spécifié qu'elle resterait française et ne serait pas employée à combattre nos anciens alliés. Votre courageuse conduite pendant les hostilités, votre discipline, votre valeur, ne sont sans doute pas étrangères à cette décision. Nous avons accepté; l'intérêt supérieur de notre pays l'exigeait; dans les circonstances pénibles que nous traversons, nous ne devons penser qu'aux seuls intérêts de la France. Vous l'avez compris. je vous en félicite; pensons français, agissons français, respectons dans l'honneur notre parole, c'est ainsi seulement que nous servirons la France.
Discours du Général de Gaulle à la B.B.C. ( 8 juillet 1940)
Dans la liquidation momentanée de la force française, qui fait suite à la capitulation, un épisode particulièrement cruel a eu lieu le 3 juillet. je veux parier, on le comprend, de l'affreuse canonnade d'Oran.
J'en parlerai nettement, sans détour, car, dans un drame où chaque peuple joue sa vie, il faut que les hommes de cœur aient le courage de voir les choses en face et de les dire avec franchise. Je dirai d'abord ceci : il n'est pas un Français qui n'ait appris avec douleur et avec colère que des navires de la Flotte française avaient été coulés par nos Alliés. Cette douleur, cette colère viennent du plus profond de nous-mêmes.
Il n'y a aucune raison de composer avec elles; quant à moi, je les exprime ouvertement. Aussi, m'adressant aux Anglais, je les invite à nous épargner et à s'épargner eux-mêmes toute représentation de cette odieuse tragédie comme un succès naval direct. Ce serait injuste et déplacé.
Les navires d'Oran étaient, en réalité, hors d'état de se battre. Ils se trouvaient au mouillage, sans aucune possibilité de manœuvre ou de dispersion, avec des chefs et des équipages rongés depuis quinze jours par les pires épreuves morales. Ils ont laissé aux navires anglais les premières salves qui, chacun le sait, sont décisives sur mer à de telles distances. Leur destruction n'est pas le résultat d'un combat glorieux. Voilà ce qu'un soldat français déclare aux Alliés anglais, avec d'autant plus de netteté qu'il éprouve à leur égard plus d’estime en matière navale.
Ensuite, m'adressant aux Français, je leur demande de considérer le fond des choses du seul point de vue qui doive finalement compter, c'est à-dire du point de vue de la Victoire et de la délivrance. En vertu d'un engagement déshonorant, le gouvernement qui fut à Bordeaux avait consenti à livrer nos navires à la discrétion de, l'ennemi. Il n'y a pas le moindre doute que, par principe et par nécessité, l'ennemi les aurait employés, soit contre l'Angleterre, soit contre notre propre empire. Eh bien! je dis sans ambages qu'il vaut mieux qu'ils aient été détruits.
J'aime mieux savoir, même le Dunkerque, notre beau, notre cher, notre puissant Dunkerque, échoué devant Mers el-Kébir, que de le voir un jour, monté par des Allemands, bombarder les ports anglais, ou bien Alger, Casablanca, Dakar.
En amenant cette canonnade fratricide, puis en cherchant à détourner sur des Alliés trahis l'irritation des Français, le gouvernement qui fut à Bordeaux est dans son rôle, dans son rôle de servitude.
En exploitant l'événement pour exciter l'un contre l'autre le peuple anglais et le peuple français, l'ennemi est dans son rôle, dans son rôle de conquérant.
En tenant le drame pour ce qu'il est, je veux dire pour déplorable et détestable, mais en empêchant qu'il ait pour conséquence l’opposition morale des Anglais et des Français, tous les hommes clairvoyants des deux peuples sont dans leur rôle, dans leur rôle de patriotes. Les Anglais qui réfléchissent ne peuvent ignorer qu'il n'y aurait pour eux aucune victoire possible si jamais l'âme de la France passait à l'ennemi.
Les Français dignes de ce nom ne peuvent méconnaître que la défaite anglaise scellerait pour toujours leur asservissement.
Quoi qu'il arrive, même si l'un des deux est, pour un temps, tombé sous le joug de l'ennemi commun, nos deux peuples, nos deux grands peuples, demeurent liés l'un à l'autre. Ils succomberont tous les deux ou bien ils gagneront ensemble.
Quant à ceux des Français qui demeurent encore libres d'agir suivant l'honneur et l'intérêt de la France, je déclare en leur nom qu'ils ont, une fois pour toutes, pris leur dure résolution.
Ils ont pris, une fois pour toutes, la résolution de combattre.
Le cinquantième anniversaire
3 juillet 1990. Une cérémonie d'hommage aux morts de Mers el-Kébir se déroule dans le cimetière militaire de Brookwood, sous la présidence du First Sea Lord, l'Amiral Sir Julian Oswald. Une bénédiction est dite par deux aumôniers de la Royal Navy, un anglican et un catholique, qui récitent des prières en français et en anglais, dont la célèbre prière de Jeanne d'Arc. Clin d’œil de l'histoire, l'organisateur de la cérémonie est le Commander Dudley Pound, petit-fils du First Sea Lord de 1940. Aucune cérémonie officielle n'a lieu en France, où la seule commémoration du cinquantième anniversaire du drame est le fait de l'Association des Anciens de Mers el-Kébir. Le seul officier français à avoir pris part officiellement à une cérémonie est l'attaché naval français en Grande-Bretagne, présent à Brookwood. L’émission d'un timbre commémoratif a été refusée.
En France, l’Amicale des Ancien Marins de Mers el Kébir a commémoré cet anniversaire à Brest et à Toulon. Elle a déposé une gerbe sur la tombe du Soldat Inconnu à l’Arc de Triomphe de l’Etoile le 16 Mars 1990 en présence du représentant du Chef d’État Major de la Marine.
Il ne faut pas oublier les villes de Pornic et de Carnon qui ont fait élever une stèle et qui commémorent chaque année le drame de Mers el Kébir.
C'est à l'amiral Lord Louis Mountbatten que devait revenir le devoir de présenter solennellement les regrets de ses anciens camarades de la Royal Navy IL avait préparé une communication destinée à l'émission des dossiers de l'écran le 4 décembre 1979, et l’avait remise à un amiral, quinze jours avant d’être assassiné. Des difficultés imprévues firent que le message parvint trop tard pour être lu. Le voici :
Pendant l'été 1940, je commandais la cinquième escadrille de contre torpilleurs, qui se préparait, au large de la côte Est d'Angleterre, à repousser l'invasion des Allemands. C'est ainsi que J'ai appris le bombardement des navires français dans la baie d'Oran, par les journaux. Les marins britanniques furent atterrés par cette nouvelle.
On nous a dit que le gouvernement britannique avait donné l'ordre de désemparer les navires de guerre français pour empêcher les Allemands de les utiliser contre nous dans la guerre.
Mais les pertes humaines furent tragiques et la tristesse de cet événement n'a cessé de hanter la Royal Navy ces trente-neuf dernières années, bien, pour autant que je sache, personne ne l'ait exprimée.
C'est pourquoi, j'aimerais saisir cette occasion pour dire que nous regrettons sincèrement que les choses aient du se passer ainsi, et je voudrais exprimer notre sympathie à tous ceux qui ont souffert et nos sincères condoléances à tous ceux qui ont perdu un parent dans cette tragédie.
Seule l’ASSOCIATION DES ANCIENS MARINS ET FAMILLES DES VICTIMES DE MERS EL KEBIR continue à commémorer à Brest, Toulon, Mauguio le souvenir de cette journée. Elle organisait un pèlerinage annuel au cimetière de Mers El Kébir. Depuis quelque années ce pèlerinage ne peut avoir lieu (le cimetière est en terrain militaire) grâce à leur ténacité, depuis cette année, ils ont put rendre hommage à leurs morts matérialisé par le retour des cendres d’une victime inconnue de la tragédie .