L'émigration allemande et l'Algérie


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- Jurisprudence Générale du Royaume

Emigration allemande en Algérie

Jurisprudence Générale du Royaume

Exposé des motifs, en séance du 1er septembre 1848.


" Monsieur le Ministre, l'utilité des sceaux destinés à rendre les actes authentiques est incontestable. L'usage en est très ancien : en France, le sceau de l'Etat date des premiers temps de notre histoire. Les cours et tribunaux eurent des sceaux dès leur établissement, et les notaires à partir du quatorzième siècle. Au commencement du même siècle, une ordonnance prescrivit aux magistrats des justices supérieures de ne se servir que de sceaux aux armes de France : auparavant, les actes émanés de la chancellerie et des cours souveraines étaient seuls scellés des armes de l'Etat. Sans entrer dans des plus grands détails sur l'origine des sceaux, je crois devoir vous soumettre un exposé concernant le sceau de l'Etat et les sceaux et cachets des autorités judiciaires et des notaires, depuis la révolution de 1789.
Le sceau de l'Etat portait, en 1789, d'un côté l'effigie de Louis XVI, et de l'autre côté les armes de la France, aux trois fleurs de lis. La loi du 15 août 1792 prescrivit le changement du sceau, et décida qu'il porterait la figure de la liberté. Un décret de la convention, du 22 sept. 1792, étendit ce changement aux sceaux de tous les corps administratifs. L'art. 27 de la loi du 25 vent. An 11 enjoignant à chaque notaire d'avoir un cachet ou un sceau particulier portant ses noms, qualité et résidence, et, d'après un modèle uniforme, le type de la République française. Les sceaux au type de la République ont cessé d'être employé lors de l'établissement du gouvernement impérial ; une loi du 6 plu. An 13 ordonna que le sceau de l'Etat porterait, d'un côté, l'effigie de l'empereur ; de l'autre côté, l'aigle impériale, et que les sceaux de toutes les autorités auraient pour type l'aigle impériale. Sous les gouvernements qui se sont succédé depuis 1814, on a continué à faire usage des sceaux portant, d'un côté, l'effigie du prince régnant, et, sur le revers, les armes adoptées. Les sceaux des autorités judiciaires et des notaires étaient conformes au revers du grand sceau.
Voici l'indication des divers actes et lettres patentes qui, depuis l'établissement du régime constitutionnel jusqu'à la révolution de février 1848, ont été scellés du sceau de l'Etat : 1° depuis 1789, les lois et les traités diplomatiques ; 2° depuis 1808, les lettres patentes portant cellation de titres et armoiries ; 3° à partir de 1811, les lettres patentes contenant autorisation de se faire naturaliser ou de servir à l'étranger, et les lettres de réintégration dans la qualité de Français ; 4° à partir de 1814, les lettres de naturalisation et de dispenses pour mariage.
Depuis la révolution de février, les titres ont été abolis, et il a été décidé que l'on ne délivrerait plus de lettres patentes de naturalisation, service à l'étranger, dispenses, etc. ; on remet aux impétrants des expéditions des arrêtés de concession. L'usage du sceau de l'Etat sera donc restreint désormais aux lois ou décrets de l'assemblée nationale et aux traités diplomatiques. Le sceau du dernier gouvernement, dont la forme a été réglée par une ordonnance du 16 fév. 1831, ne peut plus servir depuis le rétablissement de la République. Il importe de fixer le type du nouveau sceau de l'Etat et des timbres et cachets à l'usage des tribunaux et notaires. Je pense que l'on doit adopter le type prescrit par la loi de 1792. Le grand sceau fait en exécution ce cette loi a été conservé : on pourra l'employer provisoirement, après l'avoir complété en gravant le revers, qui n'existe pas.
J'ai, en conséquence, l'honneur de vous soumettre un projet d'arrêté tendant à déterminer la forme des sceaux, timbres et cachets. Agréez, etc., etc.,

Le secrétaire général, Signé A. Taillandier.


Exposé des motifs en séance du 1er septembre 1848.


" Les motifs de ce décret, dont l'exécution doit amener le développement de la propriété agricole de l'Algérie, et fournir un établissement avantageux aux familles qui n'ont en France qu'un avenir incertain, ont été exposés par M. le ministre des travaux publics dans les termes suivants : " Citoyens représentants, le comité de l'Algérie et des colonies a été saisi de plusieurs propositions relatives à la colonisation de l'Algérie. L'une d'elles, qui a été le plus particulièrement l'objet de ses délibérations, avait pour but principal la mise en valeur du sol algérien par le travail en commun et l'association entre les travailleurs. - Le gouvernement, de son côté, s'était depuis longtemps préoccupé de cette grave question, dans le double intérêt de la France et de l'Algérie ; il est d'accord avec le comité sur le but qu'il s'agit d'atteindre, fonder et développer des colonies agricoles, en reportant des bras sur l'agriculture ; déterminer en France un courant d'émigration vers l'Algérie ; faciliter ainsi la mise en valeur de notre colonie.
L'assemblée a reconnu elle-même, par plusieurs votes, la nécessité de venir en aide à cette portion de la société que les circonstances laissent sans travail ; mais, si la plupart des crédits alloués jusqu'à ce jour ont servi à soulager des misères trop réelles, ils n'ont pourvu qu'aux besoins du moment, et sont restés en quelques sortes, stériles pour l'avenir. - Chacun reconnaît que de nouveaux sacrifices sont devenus indispensables. En vous proposant de les appliquer à la colonisation de l'Algérie, le gouvernement a la juste confiance qu'ils assureront le bien-être des colons, et qu'ils profiteront à la France par le développement des richesses territoriales de sa possession africaine. - Le gouvernement pense, comme le comité de l'Algérie l'avait demandé lui-même, qu'un crédit de 50 millions, réparti sur les exercices de 1848, 1849, 1850, 1851, est nécessaire pour faciliter l'installation de dix à quinze mille familles environ.
Pour que ces dépenses soient vraiment profitables, il importe d'abord de déterminer les éléments appelés à concourir à la formation de chaque colonie. Ce serait, en effet, commettre une grave erreur et s'exposer à de fâcheux mécomptes que de supposer tous les colons envoyés en Algérie également aptes aux travaux de culture. Le plus grand nombre d'entre eux, au contraire, y sont restés jusqu'à ce jour complètement étrangers et ont un long et pénible apprentissage à faire. Les ouvriers du bâtiment, tels que maçons, charpentiers, serruriers, etc. ; ceux qui exercent des professions industrielles, tels que boulangers, bouchers, etc. , ne sont pas en général de bons cultivateurs ; mais ils n'en sont pas moins capables d'être profitablement employés dans une colonie naissante. Il suffit de les utiliser les uns et les autres selon leur aptitude particulière.
De là un classement naturel entre les colons qui sont ou qui voudront devenir cultivateurs, et les colons ouvriers d'art ou exerçant des professions industrielles. Les conditions d'établissement en Algérie ne sauraient être les mêmes pour tous, et le projet de décret y pourvoit, en accordant les concessions de terres de labour aux cultivateurs seuls, et en réservant aux autres, soit individuellement, soit par association, l'exécution des travaux d'installation et d'utilité publique. Chaque citoyen aura ainsi l'emploi de son aptitude spéciale, et les ouvriers d'art pourront trouver dans le principe d'associations sagement appliqué, des ressources qu'il n'offrirait pas à des cultivateurs. L'exécution des travaux d'utilité publique, dont les projets sont déjà étudiés, leur assurera, au début, des avantages que ne présenteraient pas les travaux de culture auxquels la plupart d'entre eux sont restés jusqu'à ce jour étrangers.
Toute liberté sera d'ailleurs laissée, à cet égard, aux uns et aux autres ; mais si l'association de quelques-uns peut-être avantageuse, imposée à tous elle constituerait une véritable impossibilité. - L'association, telle que l'avait formulée une des propositions soumises au comité de l'Algérie, n'était pas un essai socialiste, une communauté permanente, mais seulement une association temporaire, limitée à trois années, après lesquelles les colons devaient se séparer et devenir propriétaire libres. Réduite à cette courte durée, l'entreprise serait très difficile, sinon impossible. D'ailleurs, si elle offre des avantages au début, alors que les travaux de défrichement et de construction sont le plus pénibles, pourquoi ne pas la continuer ?
Deux cents familles sont établies sur un territoire ; elles forment une population de 800 à 900 habitants. - Supposons les terres défrichées, les maisons bâties, tous les besoins de la vie du village satisfaits. Pense-t-on que tous les ouvriers du bâtiment, beaucoup plus nombreux au début d'une installation qu'ils ne doivent l'être lorsque toutes les constructions seront terminées, consentiront à devenir des agriculteurs et à cultiver le lot de terre qui leur sera donné en partage ? Certainement non. Si, comme en France, ils pouvaient affermer leur champ, ils en toucheraient le revenu net et ils iraient ailleurs chercher de l'ouvrage pour grossir leur avoir. Mais, dans une colonie qui se développe, les terres sont concédées à titre gratuit si l'on veut en favoriser le défrichement ; le fermage n'existe que pour un petit nombre de terrains privilégiés, car les cultivateurs ont plus de profits en obtenant une concession dont ils sont propriétaires : pendant longtemps encore il en sera ainsi. Les ouvriers que l'on croirait avoir rémunérés de leur travail ne pourront donc ni cultiver leur lot ni en retirer un revenu net ; ils l'abandonneront et le laisseront en friche, attendant, ce qu'ils ne verront pas, l'époque lointaine où leurs terres donneraient lieu à un fermage. Ainsi, après avoir été les artisans actifs de la colonie, ils auraient entre leurs mains un instrument de travail dont ils ne sauraient ni se servir ni retirer un profit. - La prospérité de chaque centre exige donc logiquement qu'il n'y soit définitivement établi qu'un nombre d'ouvriers d'art proportionné à ses besoins ; Les autres seront instinctivement nomades ; ils iront où les appellera le travail le plus actif et le mieux rémunéré, se fixant successivement dans les diverses localités qui leur offriront pour l'avenir la perspective la plus avantageuse.
L'essai du défrichement en commun a d'ailleurs été déjà tenté, et il n'a pas réussi. Une émigration allemande débarqua, en 1846, dans la province d'Oran. Le gouvernement français lui avait accordé l'hospitalité, il en fit les frais. Divisée en deux groupes, l'un fut établi à la Stidia, l'autre à Sainte-Léonie. Chaque famille reçut les vivres en nature et des matériaux de construction. On devait travailler en commun, élever des habitations et défricher les terres pour pourvoir à la subsistance de la communauté. Les émigrants étaient presque tous laboureurs. On leur adjoignit des ouvriers militaires pour les constructions. Les maisons furent construites, mais les champs restèrent en friche ; nul ne se souciait de travailler sur un sol qui n'était pas sa propriété. - La misère régna, et la colonie allemande serait morte si les distributions de vivres ne l'avaient alimentée. Pour faire cesser cet état de choses il fallait donner à chacun son champ, réveiller l'intérêt privé ; ce fut fait, et quelques mois après les cultivateurs commençaient à ensemencer. - Il est inutile de rappeler, en outre, l'essai infructueux tenté d'abord, sur la même base, à Beni-Mered, et dont il a été rendu compte dans une revue périodique.
Français ou Allemands agiront de même. Si l'homme n'est pas immédiatement propriétaire, il ne cultivera pas, il n'ensemencera pas : il aidera à construire l'abri qui doit le garantir de l'intempérie des saisons, et il s'en tiendra aux distributions pour vivre ou végéter dans la misère. Les divers projets d'association agricole auraient tous le même résultat ; après de nouveaux essais malheureux, on serait nécessairement amené à diviser les terres concédées
et à donner à chacun son lot ; les fonds alloués seraient dissipés, et un temps précieux perdu pour les progrès de notre colonie.
Pour satisfaire aux besoins d'une colonie naissante, le gouvernement, qui en a fait les frais, doit se placer dans les conditions d'un entrepreneur qui voudrait fonder un village, à cette différence près qu'il laisse à chaque travailleur le fruit intégral de sa coopération à l'œuvre. - Par la nature de leur fonction, des services qu'ils doivent rendre à la colonie et dans leur intérêt, il faut, comme il a été dit plus haut, diviser en deux les émigrants. Les cultivateurs recevront tous les éléments d'une installation stable ; les ouvriers d'art travaillant individuellement ou associés seront dirigés successivement sur les diverses localités choisies pour la création des colonies agricoles. Au fur et à mesure que les centres occupés se développeront ou que de nouvelles colonies se fonderont, un plus grand nombre d'entre eux tendra à se fixer.
L'Etat accordera à tous une installation provisoire sous la tente ou dans les baraques. Aux uns il fera construire un logement satisfaisant aux stricts besoins de l'habitation et de l'exploitation agricole ; les autres recevront le prix de leur travail en salaire, ou suivant les clauses d'un marché amiable. Ceux d'entre eux qui devront être fixés dans un centre seront, en outre, crédités de la valeur moyenne d'un logement. Dans une colonie qui se développe, les salaires sont élevés, les capitaux sont rares, et leur intérêt avantageux. La partie flottante de la population, celle qui travaillera aux constructions et à ce qui s'y rattache, semble, au premier abord, la moins bien traitée ; toutefois il ne faut pas perdre de vue que l'emploi de la main-d'œuvre est assuré par l'Etat, et que son prix élevé fournira non-seulement aux besoins des ouvriers et de leur famille, mais leur permettra, s'ils sont économes et rangés, de faire des épargnes dont ils trouveront toujours sur place un emploi avantageux. D'ailleurs, s'ils veulent se fixer et devenir agriculteurs, s'ils en ont la volonté et le courage, on leur en facilitera les moyens comme aux autres.
Le projet de décret que nous proposons satisfait à toutes ces exigences en séparant en deux les émigrants ; il donne à ceux qui veulent se vouer à l'agriculture un champ et tous les moyens strictement nécessaires pour le féconder ; il laisse ceux qui veulent continuer leurs professions industrielles dans les conditions d'un travail actif et légitimement rémunéré. Que ceux qui ne sont pas initiés à la vie du laboureur ne se fassent pas illusion : le bien-être que promet la propriété agricole se réalise lentement, après de longs et patients efforts, au prix d'une vie sobre et laborieuse. Au contraire, dans une colonie naissante, les travaux d'art offriront longtemps un vaste champ à ceux qui les entreprendront avec la ferme volonté de ne pas faillir à leurs devoirs envers eux-mêmes et leurs familles. L'Algérie donne aux uns et aux autres des moyens honorables d'existence ; c'est à eux de s'en assurer les bienfaits. "


Source : Jurisprudence Générale du Royaume - Recueil périodique et critique de Jurisprudence, de Législation et de Doctrine en matière civile, commerciale, criminelle, administrative et droit public par M. DALLOZ Ainé et A. DALLOZ son frère - Année 1848.
















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