Je veux honorer la mémoire des tués, atrocement mutilés et torturés, et les disparus, du massacre du 5 juillet 1962, en leur dédiant cette page.
La France, Patrie des droits de l'homme, a fermé les yeux et n'a jamais assumé ses responsabilités à l'approche des 50 ans du départ des pieds-noirs d'Algérie. La complaisance de tous les gouvernements pour ne pas froisser l'Algérie algérienne est une honte au regard de ceux qu'on subit les pieds-noirs. Tant par ce génocide, en quittant leur pays, que par l'humiliation de leur Mère Patrie, lorsqu'ils débarquèrent en France.
Dans son livre "Un mensonge français", Georges-Marc Benamou a une réflexion très juste sur ce massacre du 5 juillet 1962 à Oran, que je me permet de publier et je pense que l'auteur ne m'en voudra pas de la faire connaître.
"Une mémoire sélective
Ce sont deux tragédies, l'une longtemps occultée, l'autre toujours oubliée. Toutes deux au nom de la raison d'Etat.
L'une participe de la mémoire algérienne. Il s'agit de la terrible répression policière du 17 octobre 1961, où des dizaines de manifestants algériens périrent. Et l'autre, ce massacre d'Oran du 5 juillet 1962, appartient à la mémoire Algérie française.
En 1999 on reconnut enfin le massacre des Algériens du 17 octobre 1961. La vérité éclata, provoquant enfin l'émoi dans la République, les explications confuses du gouvernement, et l'éviction durant quatre ans de deux archivistes honnêtes, Brigitte Lainé et Philippe Grand. La révélation au grand jour de ces crimes de la police française, dirigée alors par Maurice Papon, fut une conquête....La France reconnaissait enfin l'inadmissible...
Or, si l'on commémore désormais le 17 octobre 1961, on continue d'ignorer l'autre massacre.
17 octobre 1961... 5 juillet 1962... Le parallèle est saisissant. On a souhaité marquer, et à juste titre, le premier évènement - si tardivement. Pourquoi n'en va-t-il pas de même avec le massacre du 5 juillet d'Oran ? Pourquoi ce persistant déni ? Quel pouvoir sera assez libre d'esprit - et indifférent à une crise de nerfs diplomatique d'Alger - pour reconnaître officiellement le massacre du 5 juillet d'Oran ? A moins qu'il ne soit, et pour longtemps, politiquement incorrect ? Comment est-il possible en effet, bientôt un demi-siècle après, de faire comme si à chaque occasion, comme si ces deux mémoires étaient toujours en guerre ? Comme si la guerre d'Algérie continuait, ici, là-bas. Quand finira-t-elle vraiment d'ailleurs ? Peut-être le jour où plus personne n'osera opposer les cadavres algériens dans la Seine et les charniers de pieds-noirs, quartier du Petit-Lac près d'Oran."
La France avait connaissance de l'existence des camps de prisonniers en Algérie, où étaient détenus des européens et des musulmans ayant servi la France, après l'indépendance. Le général Maurice Challe a écrit, dans son livre "Notre révolte", sur ce sujet :
"Etant donné que les autorités militaires et civiles ont connaissance de tous ces faits et des lieux où ils se situent, on est en droit de se demander ce qu'elles attendent pour faire mettre un terme à tous ces crimes les plus odieux, qui sont à la fois un défi au bon sens et à l'humanité, et un affront perpétuel à notre pays.
Quand va-t-on se décider à faire respecter les accords d'Evian, pour sauver avant qu'il ne soit trop tard, ceux qui espèrent encore une hypothétique libération,
Le 20 septembre 1962."
La tragédie dissimulée
Oran, 5 juillet 1962
de Jean Monneret aux Editions Michalon
LA BATAILLE DE LA MÉMOIRE
"L'Algérie devenue indépendante, on jeta le manteau de Noë sur les exactions qui précédèrent, accompagnèrent et suivirent cet évènement censé apporter la paix.
Or, la période qui va du cessez-le-feu du 19 mars (1) jusqu'en novembre 1962, en passant par la proclamation de l'indépendance, le 3 juillet, affiche un lourd bilan : plus de 3 000 pieds-noirs enlevés, plusieurs dizaines de milliers de harkis (2) massacrés.
Pour la seule ville d'Oran, la journée du 5 juillet 1962 se solda par le massacre et la disparition de plusieurs centaines d'Européens. Les troupes françaises étaient encore présentes dans la ville, mais elles restèrent consignées dans leurs casernes. Cette journée eut des conséquences dramatiques, car elle poussa à l'exode des milliers de gens. Longtemps on oublia ces victimes.
Les pieds-noirs et les musulmans fidèles durent acquitter la facture que, sans remords excessifs à ce jour, le pouvoir politique leur présenta.
Les médias audiovisuels et la presse écrite sont restés discrets sur ce sujet, exception faite de quelques articles et reportages en 2002, pour le quarantenaire de ces épisodes douloureux. Dans le même temps, notamment en 2003, on a vu déferler sur nos écrans films, téléfilms et documentaires ayant tous en commun la mise en cause de l'oeuvre française en Algérie et de notre armée en lutte contre le Front de Libération nationale (FLN).
On fait le procès de ceux qui combattirent le terrorisme, mais, sur ceux qui en pâtirent, on fait silence. Tout se passe comme s'il y avait de bonnes et de mauvaises victimes.
Un ambassadeur de France a pu se rendre récemment à Sétif et y qualifier "d'inexcusable" la répression du 8 mai 1945 (3). Le président de la République a agi semblablement à Madagascar. Or, l'Etat français, qu'ils représentent, se refuse, comme l'Etat algérien, à reconnaître toute responsabilité dans le massacre des harkis. Un crime sans assassin en somme.
Deux poids et deux mesurent donc. Débauche d'indignation dans un cas, quand sont visés des militaires français, discrétion et même silence lorsqu'il s'agit du FLN.
Il s'agit ici de servir la vérité, en s'efforçant d'éclairer un évènement délibérément oublié ou sous-estimé par la pensée officielle : la tragédie, longtemps dissimulée, du 5 juillet 1962, à Oran. Nous avons pu consulter une masse d'archives importantes sur ce sujet au service historique de l'armée de terre. Presque toutes émanent du Deuxième Bureau ou de la gendarmerie. Elles offrent une vue très complète de cette terrible journée et permettent de renouveler entièrement la connaissance que l'on en avait. Vingt gros dossiers représentant quelques cinquante cartons nous ont été ouverts (4). C'est sans précédent et c'est considérable. Nous avons eu également accès, à Genève, à différentes archives de la Croix-Rouge internationale et aux dossiers du Quai d'Orsay dans le cadre de l'établissement d'une base de données par des fonctionnaires de l'Anifom. L'ensemble fournit sur la question des personnes enlevées et disparues durant les derniers mois de la guerre d'Algérie, et sur les évènements d'Oran en particulier, une information inédite et peu contestable.
En faisant revivre cette journée funeste, il sera rappelé ici le souvenir de ceux qui périrent alors et dont la mort ne devait pas compter. Un haut fonctionnaire de l'époque ne nous écrivit-il pas, un jour, que c'était là "un simple résidu de la guerre" ?"
(1) . Le 19 mars 1962 correspond à la proclamation des accords d'Evian et d'un cessez-le-feu entre notre armée et le FLN. Novembre 1962 correspond à la période où le tandem Ben Bella-Boumédienne conforta son emprise sur l'ensemble de l'Algérie.
(2) . Le terme harkis désigne les supplétifs musulmans de l'armée française et plus généralement les musulmans algériens favorables à la présence française.
(3) . Le 8 mai 1945, une insurrection nationaliste déclenchée par le PPA (Parti du peuple algérien) fit une centaine de morts européens. Elle fut réprimée vigoureusement. Le FLN prétend que cela entraîna la mort de 45 000 musulmans. Aucun historien ne cautionne ce chiffre.
(4) . 1h - 1240; 1 h - 1940/2; 1h - 1509/1; 1h - 2743/3; 1h - 2744; 1h - 2745/1; 1h - 1258; 1h - 1259; 1h - 1498; 1h - 1499; 1h - 3077; 1h - 3077 bis; 1h - 3136; 1h - 3153; 1h - 3153 bis; 1h - 3154; 1h - 3155; 1h - 3208; 1h - 4691.