HENNAYA (la création)
Les créations des quatre villages (Négrier, Mansourah, Saf-Saf et Bréa) n'avaient pu suffire à caser les différents colons qui attendaient à Tlemcen et à satisfaire les nombreuses demandes de concession qui parvenaient de la Métropole. On fut donc amené à envisager la formation de nouveaux villages et l'on estima que des terres tout à fait propices à la colonisation existaient à 10 kilomètres de Tlemcen dans la région dite " l'Hennaya ". L'administration supérieure décida ainsi la création de ce nouveau centre en 1850, après de durs combats livrés par les colonnes françaises de 1842 à 1846, sous les murs d'El hennaya .
Le rapport de Commandant de la Subdivision de Tlemcen, au général Pélissier, du 25 septembre 1849, précise en effet, le problème qui se posait à l'administration supérieure, et la nécessité qu'il y avait de créer un nouveau centre, ainsi que les avantages que pouvait offrir Hennaya.
Les 509 lots concédés en 1848 et 1849 aux habitants de Tlemcen ont enlevé toutes les terres appartenant à l'État situées dans la banlieue de cette ville : il est donc nécessaire de créer de nouveaux centres sur des points un peu plus éloignés.
Aujourd'hui, Tlemcen renferme encore 240 colons, dont un grand nombre d'anciens soldats, qui devront recevoir des lots de 8 à 10 hectares de terres labourables : parmi eux, on en trouve 110 qui s'engagent à élever eux-mêmes leur habitation si on leur délivre des terres à Hennaya : les 130 autres n'ont devers eux aucune ressource.
Hennaya situé à deux lieues de Tlemcen, dans une position où il y a des eaux assez abondantes,1000 pieds d'oliviers appartenant à l'État et des terres, en grande partie à défricher, suffisantes pour 150 familles, est certainement le premier point à occuper. Mais, comme il se trouve à quelques lieues seulement de la frontière, il est indispensable que le village qui y sera établi soit entouré d'une enceinte suffisante pour le mettre à l'abri d'un coup de main. Dès que cette enceinte sera construite, on pourra autoriser immédiatement les 110 colons à commencer leurs habitations sur ce point, et y placer en même temps 40 familles de Tlemcen, dont les maisons devraient être construites aux frais de l' État.
"Les 150 habitants destinés à ce village habitent déjà Tlemcen depuis plusieurs années : ils sont presque tous d'anciens soldats et bien qu'ayant été souvent dans un état de gêne, ont constamment refusé de quitter Tlemcen dans l'espoir d'occuper un jour Hennaya".
" Je demande donc avec insistance que les terres qui avoisinent ce centre futur leur soient réservées "
M. Mac Carthy, qui parcourut le site d'Hennaya avant toute installation des Français, le décrit ainsi : " Au détour d'une petite côte, à l'extrémité du long et bas promontoire qui les sépare (Oued Hennaya et oued Simoun), on est vis-à-vis de nombreux oliviers disposés en lignes ou en quinconces, comme l'eut fait le dessinateur d'un élégant jardin : ils s'élèvent sur des pelouses unies ou entre des sillons labourés. Sur le fond d'un vert grisâtre de leur feuillage encore épais, se détache le minaret élancé de Sidi Yahia, au pied duquel sont quelques-unes des habitations qui forment le village, habitations toutes arabes, comme la population entière, qui peut être de 150 à 200 individus. "
" Le minaret de Sidi Yahia est de la brillante époque tlemcénienne et a la forme de tous ceux de cette ville. C'est une tour carrée, surmontée d'une autre beaucoup plus petite, qui en est le clocheton et autour de laquelle se développe une galerie d'où le Moudzen appelle à la prière. A quelque distance d'Hennaya, toute culture cesse : on entre dans les grandes plaines couvertes de palmiers nains, de cèdres et de jujubiers, qui n'ont même pas pour limite les bornes de la vue ".
Le général de Mac-Mahon commandant la subdivision de Tlemcen, demanda au Ministre de la Guerre de lui envoyer le plan du village. De nombreux colons étaient arrivés alléchés par la promulgation du décret présidentiel du 25 avril 1851 qui créait le centre, et le plan n'arrivait pas. En juillet 1851 le plan était prêt, mais il n'était pas applicable au centre en raison des accidents du terrain dont il n'était pas tenu compte. Poussé par les réclamations des colons impatients, le général ordonna au service du génie de tracer immédiatement le village.
Le 13 juillet 1851, le Général se rendit sur l'emplacement du futur village pour en arrêter définitivement le tracé. Il aurait, dans un endroit tout couvert de palmiers nains, planté son épée en disant : " C'est ici, Messieurs, qu'il nous faut tracer la Grande Place du nouveau village " (Calzaroni, Hennaya, B.S.G. Oran, juin 1930, p. 120).
Une vaste enceinte fortifiée fut élevée, destinée à protéger les colons et à abriter contre les coups de main des insurgés. Le mur qui, par la suite, fut, naturellement, l'occasion de démêlés nombreux entre la commune et le génie militaire, a été supprimé en 1926.
Le village fut enfin crée et ainsi que l'avait fait connaître le Commandant de la Subdivision de Tlemcen, il fut immédiatement peuplé. Le nombre des demandes de concessions ayant même dépassé le nombre de lots disponibles. (Haut de page) Voici les noms des créateurs du centre :
Allet Jean-Baptiste..................................Roux Raymond.
Augé Antoine............................................Deurelière Pierre.
Assaillit Jean-Joseph..............................Despats Auguste.
Apoux Michel............................................Donadieu Nicolas.
Abderrahman Ould Benaouda................Douel Charles.
Bardel Joseph...........................................Dupuy Pierre.
Baudin et Pernette...................................Dustatet Jean.
Beaumont Louis et Michel.......................Dausey Auguste.
Bernadou André........................................Davo Emmanuela.
Blanchon Jean..........................................Doze Pierre.
Bellange Louis..........................................Farges Jean-Baptiste.
Bergé Paul.................................................Forgues Jean-Baptiste.
Bonnemaison Sébastien..........................Forster François.
Bouqueton.................................................Fournier Hippolyte.
Bouteille Gabriel.......................................Fréret Stanislas.
Bouvier Charles........................................Faure, veuve, née Mira.
Bouvier Louis............................................Foustet Jean.
Barbier Antoine..........................................Fleury Alcide.
Bellone Ambroise......................................François Marin.
Barbaud François......................................Ferrano Louis.
Blasco Joseph...........................................Garcia Pierre.
Bergère Pierre dit Ferdinand.................Gabout Jean.
Boivinet Hyacinthe...................................Georgin Nicolas.
Banaveu, veuve Loustalot Pierre..........Granès Bonaventure.
Bouger Pierre...........................................Grasset Yvon.
Chanron, née Pravet................................Guiller Pierre Victor.
Carraud Jean.............................................Geinville Joseph.
Carrière François......................................Glockner Fritz.
Castellon Antoine......................................Glouzelh Honoré.
Cazelle Louis.............................................Grémon, née Gué Marie.
Chazaux Jean............................................Garnioni Dominique.
Civatte Jean...............................................Gracona Jean-Baptiste.
Collet Louis................................................Guimbelot François.
Conrus Jean...............................................Harmand François.
Coudret Joseph.........................................Herguette Charles.
Chohra Kouider.........................................Héraud Féréol.
Constantin Joseph....................................Herbeil Pierre.
Ribaud Jean...............................................Houvert Antoine.
Rivols Jean-Marie.....................................Hubert, veuve Pailly.
Riccher Jean..............................................Henry Jean-Dominique.
Roussel Antoine........................................Houlez Jean.
Roubiou Vincent........................................Holnières Paul Camille.
Soler Saturnin............................................Hinsinger jean-Baptiste.
Sebaa Mohammed.....................................Holliot Sébastien.
Soulier Pierre............................................Henry Jean-Baptiste.
Sauvage Paul............................................Jourd'hui François.
Taillardat Jacques....................................Jourd'hui Joseph.
Tachoussin Amédée................................Jacquot Nicolas.
Taillardat Jean..........................................Olmières Pierre.
Tez Nicolas...............................................Mayalou Bernard.
Torignac Pierre........................................Marguillon Antoine.
Tibaudier Jacques...................................Mary Godéric.
Verdoux Jean-pierre............................... Martin Nicolas.
Vergès Marcel.......................................... Morand Vital.
Vernet Augustin....................................... Mac Carthy Oscar.
Vidal Antonin............................................ Millaseau Evariste.
Henri Jean-Dominique........................... Monteil Joseph.
Imbert Charles................................ ....... Mazet Jean.
Verdoux Sébastien................................. Noël Joseph.
Wolf Joseph............................................ Perrier Louis.
Zeler Joseph........................................... Pomiès Etienne.
Zeler Nicolas........................................... Poujol Jérôme.
Cazabat Jean.......................................... Puissant François.
Claudel Joseph.......................................Peyrat Bernhard.
Courel Paul..............................................Perrier René.
Chevally Jules.........................................Qubrel Joseph.
Chambelland N........................................Quintul jean.
Dablanc Raymond....................................Quiquères Jean-pierre.
Daroun Raymond.....................................Quintard, veuve Quintal.
Deléris Jean-Baptiste.............................Respaus Jean.
...................................................................Rey Jean. (Haut de page)
Les colons reçurent à hennaya des lots de culture proportionnés en effet aux terrains dont on pouvait disposer. Chacun reçut un lot de jardin de 0 ha 20, une olivette de 0 ha 40 à 0 ha 80, un lot de prairie de 0 ha 50 et des terres de culture d'une superficie variant entre 1 et 3 hectares.
Il fallait donc au plus vite trouver le moyen de venir en aide à ces colons et de les mettre en possession de terrains dont l'étendue leur permettrait de vivre eux et leur famille.
Tout permet de croire que M. le préfet Majorel parvint à réaliser ses projets car le village d'Hennaya reçut bientôt un accroissement considérable de territoire. On voit, en effet, en 1854 la superficie bâtie concédée passer de 3 ares 50 à 10 ares 21. C'est surtout la superficie à cultiver qui prend une grande extension Elle saute brusquement de 312 hectares à 1966 hectares. A cette date le village d'Hennaya doit donc être considéré comme définitivement crée. Il est en possession de toutes les terres qui vont devenir entre les mains des colons, travailleurs et économes, des champs très fertiles, où les plus magnifiques récoltes ne tarderont pas à pousser.
Le centre d'hennaya se développa très rapidement ; une étude rapide des statistiques démographiques nous démontrent que ce fut un des rares villages où les naissances l'emportèrent nettement sur les décès.
On comprend dans ces conditions que la situation du village était prospère. La venue des nouveaux colons augmentait encore son développement.
Un certain nombre d'artisans et de commerçants vinrent s'établir à Hennaya, pour subvenir aux besoins de la consommation locale.
Hennaya était d'ailleurs le mieux pourvu en gens de métiers.
On y trouvait :
2 bouchers : Collet louis et Alliaux Sébastien.
1 boulanger : Fortuni Roger.
4 maçons ou entrepreneurs : Granès Bonaventure, Cazelle Louis, Rival, Gravier.
1 tailleur d'habits : Madame Vidal.
2 couturières : Portalès Dolorès et Martin Delphine.
2 Blanchisseuses : Lamotte et Verdoux.
1 Forgeron : Bergère Pierre dit Ferdinand.
1 cordier : Lemaître Charles.
1 meunier : Fulcran Jullien.
Afin de recueillir les enfants, le sieur Doneret Pierre sollicita l'autorisation d'ouvrir une école auprès de l'administration académique et l'établissement fut fondé en 1852.
La première institutrice fut Madame Loustalot qui venait de Tlemcen, remplacée en 1858 par M. Faure Marius. La même année, M. Roqueplan était placé à la tête de l'école d'hennaya. Il y resta jusqu'à sa mort et fut remplacé par M. Bourdages.
Le service religieux fut assuré pendant les 2 premières années par le clergé de Tlemcen dans une maison chapelle qui deviendra par la suite le bureau de poste.
Après un premier projet rejeté de Viala De SORBIER le 12 juillet 1852, le 29 janvier 1853 y était érigée une église dont la construction dura 7 ans.
Le premier curé, après le très rapide séjour d'un certain abbé Desbois, fut l'abbé Pierre Joye. De 1859 à 1962, se succèderont 13 prêtres à Hennaya.
Avec l'abbé Emile Douteau, curé de 1932 à 1948, l'église se vit illuminée de vitraux et dotée d'un carillon à 6 cloches, installé en 1935. en 1938, des religieuses de Notre Dame des Apôtres ouvraient, pour tous les habitants, un dispensaire à hennaya. A ce jour, les religieuses sont toujours présentes au village.
Les derniers curés ont été : de 1948 à 1954, l'abbé Roche, de 1954 à 1960, l'abbé Koeger et de 1960 à 1964, l'abbé Pérez.
Le 28 janvier 1874, on sépara définitivement Hennaya de Tlemcen, pour en faire une division administrative distincte et en juillet 1922, on lui donna le nom d'Eugène Etienne.
Jusqu'à cette date, le village fut rattaché administrativement à Tlemcen et dirigé par un adjoint spécial faisant partie du Conseil Municipal et représentant la municipalité.
Nomination : 14/12/1857 : Bonnemaison sébastien.
______ : 12/2/1859 : Bonnemaison Sébastien.
______ : 16/2/1861 : Bonnemaison Sébastien.
______ : 1/2/1864 : Rougerat.
Election : 1/2/1864 : Rougerat.
Election : 10/8/1867 : Simard François.
______ : 27/10/1867 : Fleury.
Les gardes champêtres furent : Henry, Farges, Quiquerez Pierre, Taillaudat Jacques (1865), Thorrignac Ferréol (1890).
Dans le Bulletin de la Société : Les Amis du Vieux Tlemcen (1956), Yvon Grasset, Maire du village, écrit en autre que " la ville d'Hennaya se fait remarquer des automobilistes de passage par sa grande place publique, ses maisons coquettes, son installation moderne, et par quelques beaux monuments neufs. Il faut citer :
- Un monument aux Morts pour la France, édifié en 1920 sur la place publique, face à la mairie,
- Une mairie neuve, qui a coûté plus de 23 millions en 1952,
- Un marché couvert qui a coûté 11 millions,
- L'Eglise et la Mosquée qui ont été agrandies à la satisfaction de tous,
- Une salle paroissiale construite entre le presbytère et l'église, (elle a été bâtie grâce à la générosité des catholiques et avec l'aide de la municipalité),
- Un presbytère agrandi, depuis quelques années, par les mêmes moyens,
- Une Vierge, dite " Notre-Dame d'Hennaya ", élevée depuis une dizaine d'années près du cimetière musulman, au carrefour des routes de Nemours et des Béni-Mester
Hennaya a derrière elle un siècle de travail... autour d'elle, la plaine qu'elle a fertilisée... , devant elle, la plaine qu'elle a fertilisée, devant elle, encore le travail, la paix, le progrès pour tous. "
Jean-Yves THORRIGNAC
Source :
- La Colonisation dans l'Ouest-Oranais de P. Cardonne et J. Rabot - 1930.
- Histoire des débuts de la Colonisation dans la Subdivision de Tlemcen - 1842 - 1870 par André Lecocq.
DECRET du 8 septembre 1851
N* 3246. - DECRET qui comprend le territoire du village de Hennaya dans le ressort de la Justice de paix de Tlemcen.
Du 8 Septembre 1851.
LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE,
Vu l'article 3 de l'arrêté du 9 décembre 1848 (i) ;
Vu le décret du 1 février i85o (a), qui a délimité le ressort de la justice de paix établie à Tlemcen ;
Considérant qu'il convient de comprendre dans ce ressort le village de Hennaya, récemment créé;
Sur le rapport du garde des sceaux, ministre de la justice.
DECRETE :
ART. 1". Le ressort de la justice de paix établie à Tlemcen comprendra le territoire du village de Hennaya, qui est délimité conformément au plan annexé au présent décret, savoir :
Au sud, par la ligne nord de l'ancienne limite, depuis Châba Beni-Mester, passant à mille mètres des villages de Bréa et Négrier, jusqu'à Aïn-Medjadel, route de Maghrnia;
A l'ouest, par l'Oued-Hennaya, depuis Aïn-Mecljadel jusqu'au chemin d'Aïn-el-Hadjar, par le chemin de traverse d'Aïn-el-Hadjar, village arabe, qu'il laisse en dehors, jusqu'à trois mille cinq cents mètres du village de Hennaya, et de là au point où le chemin d'Hennaya à Sidi-Khaouan coupe celui de Sidi-Yaya à Sidi-M'bareck ;
Au nord, par le chemin de Sidi-Yaya à Sidi-M'bareck;
A l'est, par le chemin de Bréa à Muley-Abdel-Kader et Sidi Yousef, jusqu'à Châba-Beni-Mester, et, en remontant ce ravin, jusqu'à l'ancienne limite nord, à mille mètres de Bréa.
2. Le garde des sceaux, ministre de la justice, est chargé de l'exécution du présent décret.
Fait à l'Elysée-National, le 8 Septembre 1851.
Signé LOUIS-NAPOLEON BONAPARTE.
Le garde des sceaux, Ministre de la justice,
Signé K. ROCHER.
DECRET du 26 janvier 1874
DÉPARTEMENT D'ORAN.
Communes d'Hennaya et de la Sénia.
Par décret du 26 janvier 1874, les sections communales de la Sénia et d'Hennaya ont été érigées en communes de plein exercice.
Par arrêté du Gouverneur général de l'Algérie, en date du 25 mars 1874, le Conseil municipal de la Sénia est composé de six membres français et de trois membres étrangers.
Le Conseil municipal d'Hennaya est composé de six membres français, de deux membres indigènes musulmans et d'un membre étranger.
HENNAYA - Une expédition nocturne - 1862.
"Drames du désert - Scènes de la vie arabe sur les frontières du Maroc par Leon Beynet.
Si vingt mille personnes ne pouvaient attester l'épisode incroyable, disons mieux, le miracle que nous allons raconter, nous l'aurions passé sous silence dans la crainte de nous voir accuser d'invention; mais comme il est connu de tout Tlemcen et qu'il se rattache très intimement à cette histoire, nous renonçons à l'idée de le supprimer.
Hennaya est un des cinq villages qui forment l'arrondissement rural de Tlemcen; il est entouré d'un mur d'enceinte de six pieds de haut, dans lequel sont pratiquées trois portes, solides, parfaitement entretenues, que les colons ferment le soir et ouvrent le matin : pendant la nuit, Hennaya est gardé comme une forteresse.
Transportons-nous à ce village trois jours après les scènes que nous venons de raconter.
Il était dix heures du soir. Plus de cinquante chiens, la plupart enfermés dans les basses-cours, le reste errant dans les rues, aboyaient avec un acharnement infatigable.
Une patrouille de colons veillait près des portes ; de temps à autre deux hommes faisaient le tour intérieur du mur; maisons et étables étaient fermées a clef. Les colons n'oublient jamais cette dernière précaution, sachant par expérience qu'on ne saurait trop se prémunir contre les maraudeurs; et malgré tous les soins qu'ils prennent, ils ne s'abandonnent guère au sommeil sans quelqu'inquiétude, car ils ne sont jamais bien certains de retrouver à leur réveil ces bons bestiaux qu'ils écoutent ruminer en s'endormant, et dont la perte entraînerait fatalement leur ruine.
Pauvres colons, que d'ennemis ils ont à combattre pendant leur courte et héroïque existence!
combien de plaies les dévorent, sans compter la calomnie, les fièvres, les insectes et les usuriers! Et dire que ces zouaves de la colonisation n'ont pas même droit à la quinine gratuite!...a moins de se déclarer indigents !
Revenons à notre histoire.
Hennaya était donc parfaitement gardé. La sécurité paraissait si complète, qu'un Roumi eût certainement crié à la folie, s'il eût vu des colons conserver les moindres craintes sur des tentatives de vol des maraudeurs du dehors. Vers minuit les colons eux-mêmes durent perdre toute inquiétude, car les aboiements des chiens, formidables jusque- là, cessèrent entièrement et tout d'un coup.
Puisque ces vigilants gardiens, qui flairaient un maraudeur ou une bête fauve à une lieue à la ronde, et le dénonçaient toujours par un vacarme assourdissant, se taisaient, on pouvait dormir en toute tranquillité. Ainsi le pensaient les colons ; mais ils devaient apprendre, à partir du lendemain, que cette particularité est au contraire un indice des plus alarmants.
Ils dormaient donc en paix, les pauvres diables; et il faut croire qu'ils dormaient profondément, car en ce moment même les serrures et les portes s'ouvraient à deux pas de leurs oreilles, les bestiaux sortaient des étables, traversaient le village et franchissaient le mur d'enceinte!
Un peu avant le jour, des cris lamentables réveillèrent la population : un homme courait en chemise à travers les rues, criant : - Ma vache !... on m'a volé ma vache !
Les colons de garde accoururent à lui et essayèrent de le rassurer en lui certifiant que les portes n'avaient point été ouvertes, et que sa vache n'avait évidemment pas pu sortir du village.
Au même instant d'autres lamentations éclatèrent sur divers points, et un quart d'heure après, Hennaya présenta un de ces spectacles navrants qui se produisent toujours à la suite d'une grande catastrophe, telle qu'un incendie ou une inondation. Des hommes, des femmes, des enfants, à demi-nus, couraient ça et la, d'un air égaré, visitant avec rapidité les recoins de l'enceinte. De toutes parts, on entendait ces cris :
- Mes boeufs ! mon cheval ! ma mule ! mes vaches ! je suis perdu! nous sommes ruinés ! l'huissier va nous saisir ! et cent autres
plaintes déchirantes.
Les hommes de garde criaient :
- Les portes n'ont pas bougé : voilà les clefs! il n'a pu entrer ni sortir un chat !.. les bêtes sont dedans! cherchons-les ; il faudra bien qu'on les retrouve, si ce n'est pas le diable qui les a enlevées!
Toutes lès écuries, Ibiites les remises, tous les rez-de-chaussée furent fouillés : on ne trouva pas la moindre trace du bétail perdu ! On visita les portes de la muraille ; elles étaient parfaitement verrouillés et cadenassées! On fit le tour du mur d'enceinte, on l'examina pierre par pierre : il était entièrement intact, pas un trou pouvant donner passage à un agneau, n'existait!
Reconnaissant que des Arabes seuls avaient pu opérer de tels prodiges d'adresse, les malheureuses victimes de ces vols coururent déclarer leurs perles au bureau arabe de Tlemcen ; quatre vaches, trois boeufs, trois mulets et deux chevaux leur avaient été enlevés.
Mais comment des sauvages, qui ignoraient ce que c'est qu'une serrure, ou s'en doutaient à peine, avaient-ils su ouvrir tant de portes auprès desquelles sommeillaient des familles entières?
Comment avaient-ils pu, sans bruit et en si peu de temps, hisser ces bestiaux le long d'un mur de six pieds de haut?
Surtout, par quel maléfice avaient-ils fait rentrer les chiens dans le plus grand silence au moment même où ils accomplissaient leur pillage?
Cent versions répondent à ces questions ; mais ce ne sont que des suppositions et aucune ne satisfait pleinement l'esprit. Les moyens, les procédés que ces adroits pillards mirent en usage sont encore aujourd'hui un mystère.
Pendant cette nuit néfaste, des scènes semblables se produisirent dans tous les villages qui entourent Tlemcen; dans Tlemcen même un bijoutier fut dévalisé ; à Bréa deux vaches furent enlevées dans une écurie où le propriétaire et son chien dormaient; des troupeaux disparurent aussi aux environs de Nemours et de Lalla-Magrnia. Enfin, près de Nédromah, les bandits enlevèrent une caravane après avoir poignardé cinq Marocains qui la conduisaient.
Dès que les premières plaintes lui parvinrent, le bureau arabe de Tlemcen lança dans toutes les directions des cavaliers, parmi lesquels Adj-el-Askri se trouvait.
Vers dix heures, Adj-el-Askri revint annoncer qu'il avait découvert une vache isolée sur le territoire des Ghossel, tribu située à une lieue d'Hennaya, du côté opposé au Maroc.
La bêle avait été abandonnée là par les soins de l'adroit voleur.
La Présence Française par Yvon Grasset.
Centre créé en 1851 dans le canton de Tlemcen le département d'Oran sous le nom d' Hennaya.
Près d'un siècle plus tard le village est baptisé " Eugène Etienne " en hommage à Eugène ETIENNE (15.12.1884 Oran/13.05.1921 Paris) Inspecteur des Chemins de Fer - Sénateur sous la IIIe République et Ministre de la Guerre en 1905.
Hennaya est centenaire. Une centenaire qui se porte bien et qui travaille dur, après avoir défriché, planté ou semé 300 ha d'agrumes, 2 000 ha de vigne aujourd'hui en rapport, 2 300 ha de terres à céréales, 700 ha de cultures maraîchères irrigables dans la plaine. Au total, 5 542 ha presque entièrement cultivés font vivre 8 000 habitants, dont 1 000 Européens et 7 000 Français-Musulmans.
Hennaya voudrait s'agrandir comme elle le mérite, un projet qui vise 6 000 ha nouveaux, doublerait son territoire.
Le bourg d'Hennaya est traversé par la route nationale n° 22, qui conduit d'El Aricha, au Sud, à Beni-Saf. De Tlemcen, et de ses 806 mètres (à la mairie), elle descend rapidement puis traverse notre bourg (attitude 400 m, distance 11 km) et toute la plaine d'Hennaya jusqu'à Montagnac. Elle rejoint alors la Tafna, qu'elle suit de près jusqu'à Rachgoun.
Le chemin de fer Tlemcen-Beni-Saf, qui contournait notre bourg, a été supprimé il y a une dizaine d'années, rails et traverses furent même enlevés récemment.
Plusieurs lignes de grands cars T.R.C.F.A, partant de Tlemcen, desservent Hennaya par la nationale 22, et de Nemours, et vice-versa.
De plus, les cars de Menou font le service Tlemcen-Hennaya, tous les jours et à toutes heures, ainsi que quatre taxis.
La route nationale 22 est donc la grande artère nourricière, d'où se détachent des artères secondaires pendant la traversée du bourg : la route de Nedroma (n° 38) par le plateau des Zenata, qui va jusqu'à Nemours ; la route de Lavayssière- Ain youcef(n° 38) jusqu'à Aïn-Kial ; enfin, la route de Béni-Mester à Lamiguier, la moins fréquentée, qui relie la nationale 7 (Tlemcen-Oujda) à la nationale 2 (Tlemcen-Aïn-Temouchent et Oran).
Plusieurs chemins nouveaux ont été ouverts et empierrés par la commune, comme celui de Melilia, qui se détache de la R.N 22 à 3 km au Sud, pour desservir les hameaux d'Aïn-el-Hadjar et de Melilia, d'où il redescend à la route des Béni-Mester. Un autre, dit " chemin de la Sikkak " a été ouvert, lui aussi, et empierré sur 2 ou 3 km.
Notre territoire s'étend à l'Ouest jusqu'à l'oued Messaoud, encore appelé oued Bou Ennag dans la région pittoresque des grottes du Dehar Mendjel (mont de la Faucille).
A l'Est, c'est l'oued Sikkak et son sauvage affluent l'oued Sennoun, qui nous font une longue limite naturelle.
Les communes limitrophes sont celles de Tlemcen au Sud de Remchi au Sud-Est, de Lavayssière au Nord-Est et au Nord, de Remchi encore à l'Ouest. Ce territoire coïncide à peu près avec la région naturelle que les géologues et les géographes appellent " la plaine d'Hennaya ", qui est plus large à l'Ouest de la ville, et surtout au Nord, et qui se prolonge : au Nord, par la plaine des Ghossel (Lavayssière) ; au Nord-est, par la plaine (ou le plateau) des Zenata (entre les vallées profondes de l'oued Messaoud et du chabet bou Hallouf).
Ce sont trois plaines de piedmont, dont le sous-sol est constitué par les terrains tertiaires miocènes, à savoir des marnes et des grès de l'étage helvétien ou de l'étage tortonien, comme dans toutes les " plaines de Tlemcen ", les oueds ont creusé facilement ces marnes miocènes, et montrent de belles coupes sur leurs hautes berges. Les grès tortoniens jaunes d'or d'Hennaya sont identiques à ceux de Tlemcen-ville. Ces marnes et grès sont recouverts d'alluvions quaternaires anciennes, qui sont monastiriennes (Hennaya), ou tyrrhéniennes avec tuf calcaire (Ghossel) ou siciliennes (Zenata).
Très peu de terrains secondaires jurassiques (très calcaires) sur notre territoire. Ils constituent, on le sait, les monts de Tlemcen, leur prolongement, c'est les collines des Béni-Mester (850-650 mètres), avec le Teffatisset, le Dehar Mendjel, le Djebel Djelida, le Djebel Aïn-el-Hout, qui s'avancent vers le Nord sans guère dépasser Aïn-el-Hout.
C'est justement là, en bordure du Dehar Mendjel, que notre territoire est traversé par la conduite des Béni-Bahdel, depuis les gorges de l'oued Messaoud (chevauché par un grand aqueduc) jusqu'à la route nationale 22, en passant très près des hameaux de Melilia et d' Aïn-el-Hadjar.
La plaine d'Hennaya, qui s'abaisse graduellement vers le nord, est sillonnée par les trois oueds parallèles qui descendent vers le Nord ou le Nord-est, tous tributaires de la Tafna (ou de l'Isser) :
- L'oued Messaoud (bou Ennag) descendu du col du Juif ;
- Le chabet Hallouf, qui est une rivière de plaine exclusivement, beaucoup plus simple que les deux autres ;
- L'oued Sikkak (grossi de l'oued Sennoun), descendu du plateau de terni.
Ce dernier est précieux par l'irrigation ; un barrage de dérivation débite 100 litres par seconde. En outre, les sources dites d'Aïn-el-Hadjar débitent 21 l/s. Outre les cultures maraîchères, on peut arroser, en hiver, une grande partie des vignes.
Dans la plaine d'Hennaya, le sol contient des éléments grossiers, surtout siliceux, peu calcaire. Il convient aux olivettes indigènes et olivaies européens, aux vergers (plutôt au Sud), aux céréales (plutôt au Nord, où le sol devient marneux). Des milliers d'oliviers sont en plein rapport, on récolte des milliers de quintaux d'olives, de raisins, de pommes de terre, d'agrumes, de poivrons, de tomates, de fruits divers. Dans les terres à céréales, on récolte de même, par milliers de quintaux : blé, blé tendre, orge, avoine, légumes secs, etc.
Les routes et les chemins de culture découpent géométriquement la plaine d'Hennaya en larges parcelles monotones, qui sont des rectangles ou des trapèzes. Ce sont, certes, de belles et grandes fermes que celles de MM. Jacomo frères, Grasset Paul et Derasse Louis, Leutenegger Walter, Cazenave Guy, Meyer frères, et d'autres encore...
Le commune d'Eugene-Etienne Hennaya compte trois hameaux : Melilia, le plus important, Aïn-el-Hadjar et Zaouia.
- 1- Melilia, situé à 4 km à l'Ouest du centre, est peuplé de 870 Français-Musulmans, dont quelques fellahs et ouvriers agricoles, sous la surveillance d'un chef de douar. Il jouit de l'éclairage électrique, grâce à une source abondante très proche, cette dechra est dotée depuis assez longtemps d'eau potable, d'un lavoir-abreuvoir, et de l'irrigation des jardins, où l'on récolte des oliviers, des pommes de terre, des poivrons, divers légumes, et des céréales.
A 1 km plus loin, au brod de l'oued Messaoud, jaillit une petite source thermale appelée " bain de Melilia ", qui guérit, parait-il, certaines maladies, et devrait être mieux aménagée. Elle se trouve sur le territoire de la commune mixte de Remchi. Elle est d'origine profonde, (comme Tahammamine près de Aïn-el-Hout). Pendant sa construction, la conduite des Béni-Bahdel avait réveillé l'activité de Melilia. Il en est resté un bel aqueduc sur l'oued Messaoud, une cheminée d'équilibre à la cote la plus élevée, des chemins nouveaux ou améliorés, quelques monceaux, aqueducs, etc…
- 2- Aïn-el-Hadjar est à 3 km au sud, comme Melilia, il est éclairé par l'électricité, et surveillé par un chef de douar. Ses 396 habitants sont surtout des ouvriers agricoles. On y remarque les deux grandes fermes de MM. Granier et Bouhadjar, et une école neuve. Les sources captées sont les mêmes que celles de Hennaya. Aïn-el-Hadjar dispose de 7 l/s pour irriguer ses terres, où l'on récolte du raisin, des olives, des céréales, des pommes de terre, du tabac à mâcher.
- 3- Zaouia : à 5 km au nord-ouest près de la ferme Vve Lauque, route de Lamiguier. Un chef de douar 272 habitants ; tous les chefs de famille travaillent dans les fermes environnantes.
La ville d'Hennaya se fait remarquer des automobilistes de passage par sa grande place publique, ses maisons coquettes, son installation moderne, et par quelques beaux monuments neufs. Il faut citer :
- Un monument aux Morts pour la France, édifié en 1920 sur la place publique, face à la mairie,
- Une mairie neuve, qui a coûté plus de 23 millions en 1952,
- Un marché couvert qui a coûté 11 millions,
- L'Eglise et la Mosquée qui ont été agrandies à la satisfaction de tous,
- Une salle paroissiale construite entre le presbytère et l'église, (elle a été bâtie grâce à la générosité des catholiques et avec l'aide de la municipalité),
- Un presbytère agrandi, depuis quelques années, par les mêmes moyens,
- Une Vierge, dite " Notre-Dame d'Hennaya ", élevée depuis une dizaine d'années près du cimetière musulman, au carrefour des routes de Nemours et des Béni-Mester.
La municipalité étudie, d'ailleurs, quelques travaux d'initiative, pour aménager les places publiques, les principaux boulevards et les égouts. Citons encore :
" Une grande école, qui coûtera 20 millions, en construction au bourg ; elle contiendra 4 classes et 3 logements ;
" Deux écoles de hameaux. A Aïn-el-Hadjar, une école à deux classes a été construite, et s'est ouverte le 1er octobre 1954. A Melilia, une école est projetée.
- Le téléphone a 36 abonnés, il y'a trois facteurs des P.T.T.
- La conduite principale d'eau potable a été améliorée en 1951, à la grande satisfaction de la population... Coût : 10 millions et demi. (les sources se trouvent à 2 km au Sud) ;
- Les nouveaux chemins de Melilia et de la Sikkak etc.
Hennaya a derrière elle un siècle de travail... autour d'elle, la plaine qu'elle a fertilisée... , devant elle, la plaine qu'elle a fertilisée, devant elle, encore le travail, la paix, le progrès pour tous.
- Source : Bulletin de la Société : Les Amis du Vieux Tlemcen (1956) par : Yvon GRANSSET, Maire de la commune d'Eugène-Etienne
Yvon Grasset Né le 19.03.1917 à Eugène-Etienne (Algérie, Tlemcen)
Profession : Agriculteur - Député
Groupe politique : Union pour la nouvelle République - Circonscription d'élection : Algérie, Tlemcen (9e circonscription)
Date de début de mandat : 30.11.1958 - Date de fin de mandat : 03.07.1962