20 septembre
Le 20, la colonne séjourne à Ben-Atia.
21 septembre
Le 21, dès l'aurore, le général quitte le camp avec le 9e Chasseurs, le bataillon de tirailleurs indigènes, une pièce d'artillerie et 80 chevaux. La garde du camp est confiée au colonel Le Flô, ayant sous ses ordres les 2 bataillons de son régiment, une pièce d'artillerie et 70 chasseurs à cheval.
Le bataillon indigène, lancé à l'attaque d'un mamelon occupé par l'ennemi, aurait subi les pertes les plus sérieuses. Sans la charge de cavalerie du lieutenant Delattre et le secours vigoureux du 9e Bataillon qui repoussa trois retours offensifs de l'ennemi en lui tuant ou mettant hors de combat 80 hommes.
Le 9e a un chasseur tué et deux blessés.
22 septembre 1845 - Tifour.
Mais le général apprend la situation hostile du pays des Flittas et, reconnaissant que les faibles moyens dont il dispose sont insuffisants pour comprimer la révolte qui est presque générale dans toutes les tribus qui l'entourent, il se décide à ramener la colonne à Touiza, chez les Beni-Dergoun, en passant par le défiké de Tifour, même chemin que nous avions parcouru le 19 pour nous rendre à Ben-Atia.
La colonne se met en marche à 5 heures du matin. La légion est à l'avant-garde ; après elle, marchent l'ambulance, le convoi et les prisonniers, le bataillon indigène, les bagages, le goum et le troupeau.
Le 9e Chasseurs d'Orléans forme l'arrière-garde, ayant avec lui 2 pièces d'artillerie commandées par le lieutenant de Berckeim et un escadron du 4e régiment de Chasseurs sous les ordres du lieutenant-colonel Berthier.
Les deux bataillons du 32e de ligne sont placés sur le flanc de la colonne ; le 1er commandé par le commandant Bouillon, ayant son colonel en tête, à droite ; à gauche, le 2e bataillon, commandant Dupuis. derrière ces deux bataillons suivent deux pelotons du 4e Chasseurs ; derrière les chasseurs, sur le flanc droit, le goum du Kalifat Sidi-Laribi et sur le flanc gauche, ceux des Medjehers, de Bordja et de Mostaganem.
La colonne se met en marche dans cet ordre, ayant une pièce d'artillerie à l'avant-garde. Le pays à traverser est fortement accidenté, les bois qui couvrent les flancs du défilé sont assez épais pour permettre à de nombreux ennemis de s'y cacher, sans risque d'être vus, même à petite distance.
A peine sorties du bivouac, nos troupes sont attaquées de toutes parts par les Kabyles. bientôt l'attaque devient si vive, l'engagement si sérieux, que l'arrière-garde se trouve dans la nécessité de faire des retours offensifs et notre cavalerie de charger plusieurs fois les Kabyles. Dans cette première phase, le bataillon a 4 hommes blessés.
La colonne, qui s'était massée sur un mamelon à deux kilomètres de l'entrée du bois, se remet en marche et entre dans le fourré, toujours harcelée sur ses flancs par les Kabyles et des cavaliers dont le nombre augmente à chaque instant. L'artillerie prend position sur plusieurs points culminants et dissipe les nombreux rassemblements qui se formaient sur la gauche.
Pendant ce temps, la colonne marche toujours et l'arrière-garde arrive enfin au bois. Tout à coup, une masse d'arabes tombe sur elle, l'accable de coups de feu et vient jusqu'à lutter corps à corps.
A ce moment, la Compagnie d'extrême arrière-garde, à la gauche de laquelle se trouve encore le commandant Clère, et l'adjudant major Guyot, forte de 110 chasseurs, se voit entourée subitement par 1200 cavaliers cachés dans les bois.
Elle se forme en carré.
Le commandant Clère, à cheval au centre du carré, admirable de courage et de sang-froid, devient le point de mire des arabes. Il est blessé mortellement ; mais il n'en continue pas moins de commander et de diriger le feu.
Animés par l'exemple de leur héroïque chef, nos chasseurs redoublent d'énergie et de courage et se multiplient pour faire face à un ennemi quinze fois supérieur en nombre.
Le capitaine Roques, enveloppé par 6 cavaliers, en tue un de sa propre main et est bientôt dégagé par les hommes de sa Compagnie et notamment par l'intrépide chasseur Argounès.
Le jeune sous-lieutenant de La Tour ne se sauve qu'en tuant son adversaire ; le docteur Michel doit plusieurs fois suspendre le pansement pour tirer l'épée.
L'adjudant Brunet, blessé au pied, est entraîné par un cavalier ennemi, et s'est sauvé que par le chasseur Argounès, cité plus haut, qui tue son agresseur.
Ce même chasseur en tue encore trois autres à la baïonnette.
Le caporal Bodrol est blessé grièvement après avoir traversé de sa baïonnette, plusieurs ennemis.
Nos chasseurs abandonnés, mais se défendant néanmoins avec toute la fureur du désespoir, allaient succomber et se faire achever jusqu'au dernier comme les frères de Sidi-Brahim allaient le faire presque en même temps, lorsque le colonel Berthier arrive fort heureusement à leurs secours. L'ennemi est chargé avec furie par les braves chasseurs d'Afrique, mais hélas ! leur colonel Berthier est tué à la tête de ses cavaliers. Dans cette charge, qui sauva le 9e Bataillon, se firent particulièrement remarquer par leur courage et leur dévouement, les lieutenants Paulze d'Ivoye et Sauzède.
Le bataillon indigène, conduit par le général revient en arrière au pas de charge, écrase de feux nourris les bandes ennemies déjà mises en désordre par notre cavalerie et achève la victoire.
Le duc d'Aumale, dans son ouvrage "Zouaves et Chasseurs à pied", s'exprime ainsi, au sujet du 4e Régiment de Chasseurs d'Afrique et du 9e Bataillon d'Orléans:
"Ces deux troupes firent des prodiges de valeur ; toutes deux perdirent leur chef. Il fallait entendre les uns et les autres parler réciproquement de leurs compagnons de gloire et de périls: les uns racontant par quels exploits des chasseurs à cheval avaient sauvé les restes du lieutenant-colonel Berthier ; les autres redisant comment les chasseurs à pied, inébranlables, quoique sans cartouches, protégeaient le commandant Clère blessé à mort, avec leurs terribles baïonnettes sabres, rouges jusqu'à la douille."
Pendant cette journée, le feu n'a pas cessé un instant .
130 arabes tués, 300 blessés.
22 français tués, 57 blessés
tels en sont les résultats.
Le 9e Bataillon a deux officiers blessés, dont l'un mortellement, le commandant Clère et le lieutenant Gougenot, blessé à l'épaule, 19 hommes tués et 22 blessés, dont quatre moururent de leurs blessures.
En voici les noms :
Clère, chef de bataillon, blessé
Gougenot, lieutenant, blessé
Brunet, adjudant, blessé
Daviau, chasseur 1ère classe, tué
Rivoire, chasseur 2e classe, tué
Pivoteau, chasseur 2e classe, tué
Bouchet, chasseur 2e classe, tué
Runey, chasseur 2e classe, tué
Veyrios, chasseur 2e classe, tué
Maire, chasseur 2e classe, tué
Maindre, chasseur 2e classe, tué
Bayle, chasseurs 2e classe, tué
Gruciani, chasseurs 2e classe, tué
Daniel, chasseur 2e classe, tué
Falangin, chasseur 1ère classe, tué
Milliet, chasseur 2e classe, tué
Mougin, chasseur 2e classe, tué
Prin, sergent, blessé
Gonot, sergent major, blessé
Chardon, sergent, blessé
Dumont, sergent, blessé
Vougnon, sapeur, blessé
Valentin, chasseur 2e classe, blessé 3 fois, mort des suites
Mansoulet, chasseur 1ère classe, blessé
Rousseau, carabinier, blessé
Bousany, chasseur 1ère classe, blessé (3 coups de yatagan)
Massoulier, chasseur 1ère classe, blessé
Bodrol, caporal, blessé
Brunier, chasseur 2e classe, blessé
Barbe, chasseur 1ère classe, blessé
Debuisson, chasseur 2e classe, blessé
Bernou, carabinier, blessé
Pinet, chasseur 1ère classe, blessé
Guaus, chasseur 2e classe, blessé
Vailles, carabinier, blessé
Jelain, chasseur 1ère classe, blessé
Garde, carabinier, blessé
Troestler, chasseur 2e classe, blessé, chevalier de la Légion d'Honneur le 25 janvier 1846
Dupuis, chasseur 2e classe, blessé
Pagès, carabinier, blessé
Le Guillard, chasseur 1ère classe, blessé
Le chasseur Argounès est cité à l'ordre de l'armée et reçoit la médaille militaire, juste récompense de son indomptable énergie, de son dévouement et de sa bravoure.
23 septembre 1845
La colonne séjourne à Touiza et se remet des fatigues des journées précédentes. A cette date, le bataillon n'a plus que 11 officiers et 331 hommes.