historique Tlemcen


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TLEMCEN (son histoire)





Vouloir parler de Tlemcen, après tant d'auteurs qui l'ont analysé sous ses différents aspects et qui ont chanté si heureusement ses beautés, est chose difficile.
Son étymologie nous souligne, tout d'abord, sa richesse. Tlemcen ou Tilmisan, en langue berbère, signifie "poche d'eau", source. Elle doit bien son nom aux innombrables sources qui jaillissent un peu partout dans sa banlieue et donnent une eau fraîche et abondante.
On conçoit que Tlemcen fut recherchée dans les temps anciens en raison de ses richesses naturelles. Les Romains possédaient ici une petite armée chargée de la surveillance de la grande voie d'Altava (Lamoricière) à Numerus Syrorum (Marnia).
Ils donnèrent à Tlemcen le nom de Pomaria qui signifie "Les Vergers" en raison de l'abondance de ses arbres fruitiers, du magnifique bois d'oliviers et de ses jardins, dont la richesse était incomparable.
Les Berbères, conduits par Idris 1er, firent la conquête du pays au VIIIe siècle. C'est de cette époque que date la mosquée d'Agadir. Ce fut, alors l'établissement définitif de l'Islam.
Plus tard, vers 1236, le chef berbère Yarmoracen, fonda un royaume dont Tlemcen devint la capitale. La ville connut alors une ère de prospérité, puisque sa population atteignit 100.000 habitants. La construction du Méchouar, résidence du roi, remonte à cette date..
puis interviennent les rois Mérinides qui viennent de Fez et fondent Mansourah. (1299-1306)
"Les luttes entre les rois de Tlemcen et de Fez, nous dit, M. Bel, l'éminent Directeur de la Médersa, sont interrompues par des trêves plus ou moins longues, des périodes de paix au cours desquelles les souverains de Tlemcen travaillent à l'embellissement de la capitale, au développement de la religion, des sciences religieuses, des études arabes, du commerce et de l'industrie.
"Ils fondent des mosquées, dont il nous reste de très belles, des médersas, dont la dernière, la médersa Tachefiniya s'élevait sur la place actuelle de la Mairie et fut détruite depuis.
"La cour de ces rois n'est pas sans éclat : des ambassadeurs des souverains orientaux, de Tunis, d'Espagne, y sont reçus, des savants réputés y sont comblés de faveurs ; la poésie y est à l'honneur et les chroniqueurs du temps nous parlent avec emphase des fêtes qui sont données chaque année, à l'anniversaire de la naissance du Prophète (Mouloud), et des concours de poésie qui se tenaient alors au palais"
D'ailleurs les rois de Fez, les Mérinides, s'étant rendus maîtres de Tlemcen à deux reprises (1337 à 1348 et 1352 à 1359), s'installent dans le palais de la Victoire à Mansourah et laissent ainsi la durable empreinte de leur gouvernement par des constructions dans ce remarquable style hispano-mauresque du XIVe siècle, comme le groupe des édifices de Sidi Boumédine et la mosquée de Sidi Haloui.
Dès la fin du XIVe siècle, l'heure de la décadence est venue pour la dynastie des rois de Tlemcen, comme aussi pour leurs rivaux, ceux de Fez. Les premiers ne tombent cependant qu'en 1559 sous les coups des Turcs d'Alger, après leur avoir résisté, ainsi qu'aux Espagnols d'Oran, pendant un demi-siècle.
Les Turcs ont donné un élément ethnique, les Koulouglis, dont l'administration ne fut pas heureuse. Tlemcen reconnut même la suprématie du sultan du Maroc 1830-1833.
Après trois siècles de ces vicissitudes, nous arrivons à 1830, au débarquement des troupes françaises à Sidi-Ferruch. Enfin, c'est le 13 janvier 1836 que le général Clauzel entre le premier à Tlemcen. Puis, Tlemcen est abandonnée à l'émir Abdelkader par le traité de 1837 et ne redevient française qu'en janvier 1842.
Tlemcen a toujours offert un grand attrait pour le visiteur. Voici ce qu'en dit un auteur sincère, M. Ardouin du Mazet, qui a appartenu aux bureaux arabes en 1875, et a rapporté dans ses notes une impression des plus flatteuses.
"J'ai habité, dit-il, pendant près de deux ans, la ville la plus splendide de l'Algérie sous le rapport du paysage, c'est Tlemcen.
"Qu'on se figure, sur la marge d'une plaine immense, un rideau de montagnes couronnées d'un diadème de roches rougeâtres, abruptes, admirables de couleurs. Du haut de ces roches, des cascatelles riantes tracent sur les flancs dénudés de la montagne un délicieux sillon de lauriers roses et de grandes herbes. Plus bas, une succession de vignes, de champs, de vergers, entourent ou dominent des roches isolées qui semblent surveiller le paysage. Plus bas encore, pendant près de deux lieues dans tous les sens, s'étend une forêt d'oliviers, de grenadiers, de figuiers, de térébinthes, au milieu de laquelle la ville se dresse dans sa ceinture de remparts un peu gris, blanche comme la neige de nos glaciers. Tout autour, les villages, les fermes, les Koubbas, les mosquées trouent la nappe de verdure. Quand on a parcouru les autres parties de l'Algérie, ce paysage éblouissant, si différent des plaines monotones et des montagnes pelées du reste du pays, se grave dans la pensée avec toute sa splendeur et son coloris.
"Au midi de Tlemcen, à l'endroit où les eaux de la montagne font mouvoir de nombreux moulins, s'étend un paysage gracieux, où paraissent confondues deux natures différentes. Les peupliers d'Italie balancent leur verte pyramide qui semble la colonnade de quelque temple aérien. Les saules abritent les sources couvertes de cresson. Des prairies grasses et parfumées sont ombragées par des poiriers et des pommiers. On dirait un coin de la Normandie. Mis, dans les haies, les grands cactus, les aloès, les rosiers du Bengale, les lauriers, se mêlent à l'aubépine ; les grenadiers étalent leurs fleurs purpurines et rappellent l'Afrique."
Plus haut, au pied des forêts de pins qui forment une sombre couronne : c'est Boumédine, la cité sainte, accrochée au flanc de la montagne. Des pèlerins viennent, tous les jours, des régions les plus éloignées de l'Afrique du Nord, rendre hommage au saint homme, qui est enterré là, parmi les ex voto et les reliques les plus diverses. De nombreux visiteurs européens y viennent aussi, chaque jour, visiter la Mosquée et l'école coranique où un vieux maître révèle, à ses disciples accroupis, la parole du prophète, en leur donnant des coups de bâton sur la plante des pieds. Les habitants du village sont sanctifiés par la présence de l'illustre Sidi-Boumédine, et l'influence de ce saint est si profitable à leurs âmes que les marabouts sont extrêmement nombreux parmi eux. Chaque année, à l'issue du Ramadan, les Aissaouas, secte curieuse chez qui la foi parait avoir anéanti toute sensibilité physique, viennent à Sidi-Boumédine et s'y livrent à des violentes manifestations de ferveur sacrée.

Les premières tentatives de colonisation remontent à 1849, date à laquelle des donations furent faites à d'anciens militaires, dont nous retrouvons la trace aujourd'hui.
Quelques hectares seulement étaient attribués, à cette époque lointaine, il fallait limiter les cultures aux terres voisines des Centres, en raison de l'insécurité et aussi des moyens forcément limités dont disposaient les premiers colons.
Les créations de Bréa, Négrier, Saf-Saf et Mansourah, jalonnèrent ainsi de façon très heureuse la banlieue de Tlemcen qui était un poste militaire très important. Elles faisaient partie du programme élaboré sous le gouvernement de Bugeaud et mis en pratique par le général Lamoricière, Gouverneur Militaire de la province d'Oran.
On connaît la divergence de vues entre ces deux chefs, le premier concevait la Colonisation uniquement militaire, tandis que le second voyait le succès de l'entreprise par l'union du travail et du capital. Les deux méthodes n'étaient pas inconciliables, et Tlemcen eut sa part d'anciens soldats, qui réussirent généralement mieux que ceux de Bugeaud, dans le département d'Alger.
"La Ferme" devenue plus tard le centre de Bréa, du nom du général assassiné à Paris en 1848, fut créée le 11 janvier 1849 avec cinquante propriétés de colonisation d'une superficie totale de 630 hectares.
C'est grâce au capitaine Safrané que Bréa prit un développement rapide. Administration de grand mérite, cet officier fit venir de ses compatriotes du Béarn qui formèrent souche, non seulement à Bréa, mais dans toute la région. Sous son intelligente administration, le village comportait, en 1851, 51 maisons d'habitation, un cheptel composé de 127 chevaux, mulets et boeufs.
En 1852, la culture portait sur 206 hectares en céréales. Une correspondance particulière du capitaine Safrané nous dit que la récolte atteignit les chiffres suivants :
1.265 hectolitres de blé tendre
408 - de blé dur
490 - d'orge
20 - de maïs
Ce qui représentait une valeur totale de 23,200 francs. A cette date, il avait été planté 8.451 arbres, principalement des oliviers et des arbres fruitiers.
Le même auteur écrivait dans l'un de ses rapports de 1852 : "Bréa a conquis l'aisance à travers bien des épreuves, ses habitants n'attendent plus que leurs titres définitifs de propriété pour jouir en toute sécurité du fruit de leur travail."
Superficie actuelle : 2.332 hectares ; population : 837 habitants européens et indigènes.
A deux kilomètres au nord-ouest de Bréa, se trouve le village arabe d'Aïn-el-Houtz (La source aux poissons) composé uniquement de cultivateurs. Aïn-el-Houtz domine le ravin dans lequel coule la Saf-Saf. A ses pieds, une source thermale dont le débit est de 25 litres à la seconde, sort d'une grotte et forme un petit étang où l'on voit des poissons multicolores.
En même temps que la Ferme, était créé Négrier, du nom du général qui commanda la province de Constantine, avec 50 concessions d'une superficie totale de 380 hectares. Ces terrains sont situés, pour la plus grande partie, en bordure de l'oued Saf-Saf. Ce sont des alluvions récentes, d'une grande fertilité.
Négrier est traversé par l'ancienne route d'Oran, à 6 kilomètres de Tlemcen, au pied du djebel El-Hadid (montagne de fer), C'est sur cette route, à 2 kilomètres de Négrier, que se déroula le drame célèbre de l'attaque de la diligence de Tlemcen, le 12 septembre 1856. Mohamed ben Abdallah, agha des Béni-Snous, chef indigène d'une grande autorité et d'un dévouement éprouvé aux intérêts français, fut lâchement assassiné. L'intrigue de ce drame douloureux fut attribuée au capitaine Doineau, chef du bureau arabe de Tlemcen. Cette affaire devint une cause célèbre et Doineau fut condamné à la peine capitale, puis enfin gracié par l'empereur.
Superficie actuelle de Négrier : 2.567 hectares.
Population actuelle : 306 habitants.
A deux kilomètres au nord de Négrier se trouve le village arabe d'Ouzidan, situé sur les bords de l'oued Saf-Saf, remarquable par ses jardins, ses cultures maraîchères et aussi ses cavernes.
En poursuivant notre examen de la banlieue tlemcénienne, nous trouvons à 5 km, au nord-est de Tlemcen, le centre de Saf-Saf, du nom de la rivière qui passe à proximité. sa création remonte au 6 mai 1850 avec 40 concessions d'une superficie de 294 hectares. La partie nord du territoire borde l'éperon, jurassique qui se détache du massif de Tlemcen pour se prolonger vers le djebel Ramlya, qui domine le plateau des Béni-Ouazzen. Les terres de culture sont fertiles, propres aux céréales et aux cultures arbustives. Superficie actuelle : 1.283 hectares, population actuelle : 890 habitants, européens et indigènes.
A trois kilomètres à l'ouest de Tlemcen, sur la route du Maroc, se trouve le centre de Mansourah créé le 6 mai 1850 avec 40 concessions d'une superficie de 347 hectares. La surface a été agrandie par étapes successives et s'élève aujourd'hui à 2.966 hectares. De l'ancienne Mansourah il ne reste debout qu'une partie de sa vaste enceinte en pisé et la moitié du minaret de sa mosquée, d'une hauteur de 35 mètres, d'une architecture maure remarquable. Le camp de Mansourah est un espace rectangulaire de 1.300 mètres de long, sur 750 mètres de large, entouré de murs flanqués de tours carrées.
Les terrains de coteau et de montagne, qui forment la majeure partie du territoire, conviennent particulièrement à la culture de la vigne et produisent des vins réputés. Population actuelle de Mansourah et de ses annexes indigènes : 1.861 habitants.
Durant les premières années, la culture était réduite aux seules plantes vivrières, capables d'alimenter la consommation locale, les cultures maraîchères, le blé et l'orge puis, vers 1860, les premières plantations de vigne furent faites avec des boutures importées du Midi de la France.
C'est à Mansourah et Bréa que furent effectuées les plantations qui marquèrent, dès les premières années, combien la vigne pouvait se développer et produire d'excellents fruits. La transformation du raisin fut d'abord très rudimentaire avec les moyens de fortune dont disposaient les premiers colons, puis l'outillage se perfectionna peu à peu et, dès cette époque, la qualité des vins de Tlemcen se faisait jour.
Cet embryon de plantation occupait les coteaux de Mansourah et de Bréa, et devint par la suite le vignoble que la génération actuelle a connu encore, il y a à peine une vingtaine d'années, et qu'elle a défendu âprement contre les attaques du phylloxéra. On peut dire que le développement du vignoble a été entièrement lié à la crise phylloxérique que nous étudions d'autre part, dans le chapitre consacré à la mutualité agricole.
Dans leur cercle de montagnes, les villages de la banlieue de Tlemcen ne pouvaient se développer facilement. Les petits propriétaires formaient la plus grosse majorité des habitants de Saf-Saf, Négrier, Bréa, Mansourah.
La propriété indigène très développée et bien ancrée autour de ces villages, ne permettait pas, à la colonisation européenne, une extension suffisante. Un seul débouché s'offrait naturellement au besoin d'expansion qui, depuis la guerre, est une conséquence de la prospérité subite échue aux agriculteurs. Ce débouché s'ouvre à Saf-Saf, au col du Télégraphe, entre le djebel El-Hadid et le djebel Ramlya. C'est l'entrée de la plaine qui s'abaisse peu à peu vers l'Isser.
Là, entre la route d'Oran et le djebel Ramlya, en bordure de ce chaînon jurassique qui part d'Aïn-Fezza pour aller mourir au-dessus de l'Isser, sur les collines des Ouled Abdelli, s'étend le territoire des Beni Ouazzen. Il était, il y a vingt ans, couvert de palmiers nains, il est aujourd'hui, en majeure partie, défriché par des colons de Bréa, de Mansourah, de Négrier et de Saf-Saf.
Constitué de marnes helvétiennes et surtout de grès jaunes tortoniens, ce territoire est excessivement riche, et les céréales, sans engrais, y atteignent des rendements très élevés. Le blé dur y pousse particulièrement bien et peut donner jusqu'à 25 quintaux à l'hectare. Depuis 4 ou 5 ans, les plantations de vigne s'y sont développées rapidement, comme partout ailleurs. Les habitations y sont rares. Ce ne sont que des bâtiments strictement agricoles où logent les commis de ferme, les propriétaires demeurent généralement dans les vieux villages auprès de la propriété familiale, qui a été la source première de leur fortune.
Cette colonisation de la dernière heure, caractérisée par l'exploitation sans résidence, ne doit pas faire oublier qu'il existe dans les Beni Ouazzen quelques rares propriétés créées depuis longtemps.
C'est le cas de la propriété Havard, à Aïn-Zediga, qui remonte à 40 ans et qui, pendant longtemps, constitua un îlot européen au milieu des terrains indigènes, à mi-chemin entre Tlemcen et les bains de Sidi-Abdellys.
Le domaine de Lismara, appartenant à Messieurs Dollfus, est également assez ancien ; son centre d'exploitation se trouve tout près du village de Saf-Saf, au bord de la route d'Oran. Ce domaine, l'un des plus importants de l'arrondissement, comprend 1.200 hectares, dont 250 en vigne, 400 en céréales, la différence étant constituée par des terrains de parcours pour l'élevage du mouton.
Cette entreprise constitue, un modèle de l'exploitation rationnelle telle qui faut la concevoir actuellement, à une époque où la rareté et la cherté de la main-d'oeuvre, l'américanisation progressive du milieu économique, obligent à comptabiliser les opérations, à organiser industriellement la production et, en somme, à se corriger de cette négligence traditionnelle chez l'agriculteur, et que le contact de l'Arabe tend à renforcer.
Le domaine de Lismara offre un exemple de ce que l'on peut appeler la philanthropie financière, système qui consiste à améliorer les conditions d'existence du travailleur de la terre pour en augmenter le rendement : Un village ouvrier, avec boulangerie et épicerie, coopératives, école, cinéma, permet aux ouvriers agricoles de vivre la vie moderne et les incite à s'attacher au domaine qu'ils contribuent à enrichir.

Source : "La Colonisation dans l'Ouest-Oranais" par P. Cardonne et J. Rabot
















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