"Les premières communications par chemin de fer sont liées à l'entreprise privée. On en arrive bientôt, fin 1879, à l'existence de cinq compagnies qui se partagent les travaux d'élaboration du réseau : le P.L.M., la Franco-Algérienne, la Bône-Guelma, l'Ouest Algérien, l'Est Algérien. Mais les réalisations se révèlent insuffisantes au lendemain de la première Guerre du fait du prodigieux développement de l'Algérie à ce moment-là, en liaison notamment avec l'exploitation minière, et de nouveaux programmes sont votés en 1920 par les Assemblées algériennes. Les convois n'offrent alors aux passagers qu'un confort relatif. Les locomotives à charbon crachent une épaisse fumée noire qui transforme en "négrillon" quiconque a l'imprudence de laisser ouverte la fenêtre du wagon au passage d'un tunnel. Sans parler des escarbilles aveuglant le curieux qui admire le paysage. Par ailleurs, les voyageurs sont assis sur des banquettes de bois, notamment en troisième classe où les places sont les moins chères. Seuls les passagers de première classe bénéficient d'un mince rembourage. Les couloirs de circulation n'existent pas en troisième classe où on ne dispose donc que de sièges en planche et de filets pour les bagages où s'entassent, pêle-mêle, à défaut de valises, des colis en carton ficelés, des couffins d'alfa et jusqu'à des poulets et lapins vivants, entravés par deux ou trois.
A cette époque, le train est un tortillard, si lent qu'on peut le prendre en marche, en courant à peine. Par dérision on l'appelle le "bouyouyou" du côté d'Aïn-Temouchent et d'Oran, et "le train-charrette" entre Relizane et Tiaret. lorsqu'il aborde une rampe, il ralentit tellement que les gens peuvent descendre et cueillir des fleurs avant de regagner leur place. Néanmoins, avec les années, la modernisation intervient et rend les déplacements en chemin de fer plus rapides et confortables. En attendant, compte tenu du fait qu'il n'y a pas de gare dans toutes les agglomérations, les candidats-voyageurs doivent signaler leurs intention en agitant une torche ou une lampe allumée au bout de la voie.
Après une tendance à la fusion des deux principaux réseaux en 1933, le décret du 31 décembre 1938 crée les C.F.A. (Chemin de Fer Algérien), placés sous l'autorité du Gouverneur Général qui, au 1er janvier 1940 possèdent 672 locomotives, 26 locotracteurs, 18 automobiles, 789 voitures, 489 fourgons et 11 488 wagons, ce qui représente un parc très appréciable. Le réseau comporte 4 917 kilomètres de lignes, réparties suivant deux grands axes : la liaison Maroc-Tunisie ( 1 300 kilomètres), des "pénétrantes" Nord-Sud (Mostaganem-Kanadsa, Alger-Djelfa, Philippeville-Touggourt, Bône-Tébessa) et ses relais intermédiaires."
Source : "Les Français d'Algérie : vie, moeurs, mentalité de la conquête des territoires du sud à l'indépendance" par Pierre Mannoni.